C'est une pièce de théâtre de Maïakovski dont le lamentable héros est un père de famille qui doit marier sa fille. Issu de la bourgeoisie moyenne, nouvellement « friquée », notre bonhomme voulant éviter les coups de boomerang de la révolution, va redoubler d'efforts pour montrer patte blanche aux détenteurs de la nouvelle autorité du pays. Ce ne serait d'ailleurs pas patte blanche qu'il montrera mais rouge, couleur emblématique de la révolution. Cela va de la couleur des murs de la maison en passant par les rideaux, les nappes, la robe de la mariée, les poissons et les boissons qui seront servis, l'uniforme des musiciens, pour finir par les chaussures et les gants des invités. Tout… tout… tout sera irrévocablement rouge. Ce genre de héros lamentable semble avoir éclos par milliers sous nos cieux, depuis le mois de janvier 2011. Alors que ceux qui ont porté la révolution tunisienne à bras le corps au prix de leur sang, semblent s'être repliés dans leurs terriers pour observer les diverses valses imprévisibles de tous les politiciens opportunistes, certains artistes et responsables culturels trop directement, et franchement impliqués ayant caché leur gueule de lèche-bottes, dans la mouise où ils sont poussés à hiberner, d'autres, croyant qu'ils n'étaient qu'à moitié impliqués, ont fait leur mea-culpa et tentent de revenir à l'avant-scène en léchant le sol sur lequel ont marché les révolutionnaires, alors que d'autres, voleurs de biens publics, osent lever une voix vindicative, convaincus que la meilleure défense c'est l'attaque. La majorité d'entre –eux gagnant petit à petit du terrain, ils surfent sur la surenchère et croyant avoir enterré les véritables révolutionnaires, ils se sont déjà attelés à partager le legs qu'ils ont laissé. Sami Boussoffara [email protected]