C'était une soirée ramadanesque pas comme les autres celle qui était organisée, Mercredi, par l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) à l'Université Féministe Ilhem Marzouki. Elle a réuni ces dernières avec les journalistes pour débattre de deux thèmes : la présence de la femme dans les médias et l'instauration de bons rapports entre les deux parties, le constat des faits et un projet d'action pour améliorer la situation. Etablir l'état des lieux Ce constat est tout à fait négatif, selon la présidente de l'association, Ahlem Belhadj, qui a suggéré de réaliser de nouveaux pas pour faire évoluer les choses, et c'est la tâche des journalistes, a-t-elle souligné. Mariem Zeghidi, la chargée de l'information a essayé de trouver des excuses à ces derniers en soupçonnant l'existence d'une censure interne au sein des organes d'information. Pour pouvoir mieux cerner les handicaps et les dépasser, elle a proposé aux journalistes présents de faire l'état des lieux ensemble. Elle s'est également plainte des atteintes répétées à l'image de marque de leur association par certains médias. En plus de la négligence, elle fait l'objet de dénigrement, c'est comme si la chose était délibérée, a-elle affirmé. Le rôle pédagogique du journaliste Après ces petites allocutions, la parole a été donnée aux participants à cette réunion qui n'étaient pas tous des journalistes, il y avait aussi des universitaires. On a tout d'abord évoqué la question de parité sur les listes électorales et son acceptation par la société au sein de laquelle la femme joue un rôle aussi important que celui de l'homme. Et là, c'est au journaliste d'intervenir, a-t-on estimé, pour persuader l'opinion publique nationale de la nécessité de cette parité. Il doit, en fait, avoir une conception, une vision des choses et par voie de conséquence prendre position, et assumer un rôle pédagogique. La presse est assimilée à l'enseignement qui pétrit les esprits. Grâce à sa fonction critique, le journaliste peut dénoncer des abus et corriger des conduites, c'est pour cela qu'il détient un vrai quatrième pouvoir quand il est exercé convenablement en observant la déontologie de la profession, mais aussi en toute liberté sans contrainte aucune, a-t-on précisé. Une éviction délibérée L'absence de la femme sur les plateaux des débats télévisés a été vivement critiquée. On y a vu une discrimination flagrante à son égard d'autant plus que ce ne sont pas les compétences féminines qui manquent. Cette absence a été interprétée par certaines comme un prélude à son éviction, une manière de préparer les téléspectateurs à une télévision sans femmes, ce qui est un projet obscurantiste visant à les exclure de la société. En témoignent les débats et les manifestations presque quotidiens réclamant la polygamie et remettant en cause le droit au travail des femmes. S'ajoute à ces écueils la position du gouvernement provisoire qui refuse de lever les réserves émises par Ben Ali concernant la déclaration générale de la CEDAW (convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes) à la veille du 13 Août, date anniversaire de la promulgation du Code du Statut Personnel. La part de responsabilité Toutefois, certains journalistes ont jugé que l'aspect qualitatif est contrecarré par l'aspect quantitatif, les compétences de celles-ci sont insuffisantes pour lui permettre d'occuper une place privilégiée, d'être placée sur les devants de la scène. Car la femme n'est pas présente partout, elle s'auto-exclut dans plusieurs domaines et refuse d'assumer ses responsabilités en intégrant certaines instances comme le syndicat, a fait savoir un enseignant. Ces réticences ont été expliquées par des facteurs subjectifs mais également objectifs, et là, on a soulevé les conditions sociales de la femme qui travaille sur deux fronts, au foyer et en dehors. Des solutions ont été formulées pour la libérer de ce double fardeau et lui permettre de s'adonner à des activités épanouissantes pour elle et fructifiantes pour la société : le travail à mi-temps, l'installation de crèches sur les lieux de travail, les congés parentaux… Donc, il faut commencer par changer la réalité pour faire évoluer les mentalités. Les pontes des médias Au-delà de ces imperfections et ces lacunes relevées dans le camp féminin, il reste évident que le rôle des médias reste déterminant pour plaider la cause de la femme et la rétablir dans ses droits. Néanmoins, avec le retour des anciens lobbys de l'information et l'émergence de nouveaux groupes de pression, le paysage médiatique n'augure rien de bon, a observé un journaliste. Certains médias privés sont illégaux, ne bénéficiant d'aucune autorisation à part celle de Ben Ali. L'information est exploitée par eux comme un moyen de consommation, on en use juste pour émouvoir le récepteur. Ces organes façonnent l'opinion publique nationale à leur guise, et l'un de leurs caïds, a-t-il ajouté, se permet d'insulter le Syndicat National des Journalistes Tunisiens et de se vanter qu'il est libre de faire ce qu'il veut !!! Le pire c'est que le gouvernement provisoire ne bronche pas devant ces dépassements et ces arrogances, il est clair qu'il veut nous faire parvenir à l'échéance capitale du 23 Octobre avec ce genre de médias, a enchaîné le journaliste. L'antidote culturel Abdelkrim Hizaoui, directeur général du Centre Africain de Perfectionnement des Journalistes et Communicateurs (CAPJC), a conforté le journaliste dans son analyse lorsqu'il a dit que, dans une émission d'une radio privée nationalisée, l'animateur a demandé à une jeune fille titulaire d'un master en informatique et demandeuse d'emploi si elle était engagée sur le plan religieux !!! « de alwahabia (par référence à Abdelwahab Abdallah, le patron de l'information sous Ben Ali), on est passé au wahabisme( doctrine intégriste née en Arabie Saoudite et qui constitue la source d'inspiration pour Ben Laden et Al Qaîda) », a ironisé le professeur formateur. Il a tout de même nuancé son jugement à propos de l'impact des médias sur les mentalités, parce que, a-t-il soutenu, en Tunisie, il n'existe pas de résistance culturelle comme c'est le cas dans d'autres pays arabes. La réunion s'est achevée sur une note mitigée, on a jugé que la femme n'est pas trop lésée, étant donné qu'elle occupe plusieurs postes clef ? En l'occurrence, dans le domaine journalistique, la présidence du SNJT est détenue par une femme, Néjiba Hamrouni, qui est la quatrième à avoir occupé ce rang.