«Compenser la vacuité des programmes culturels dans les manifestations des partis politiques, inciter les artistes, longtemps privés de s'exprimer et de donner à voir leur art, à investir la rue par la culture, riposter aux tentatives de muselage des expressions des artistes par des mouvances extrémistes, tels sont les objectifs principaux de notre mouvement» a indiqué Hafedh Djedidi, président de l'Association «Radhedh méditerranéen pour les arts» au cours du colloque sur le thème « La pratique artistique extra-muros et son impact sur la rue tunisienne» tenu dimanche et lundi au centre d'art vivant du Belvédère. Organisé par le Collectif « Le manifeste de la culture » dans le cadre de son festival qui se tient à l'Avenue Habib Bourguiba jusqu'au 25 Août 2011, en collaboration avec l'association « le défi pour les arts et la citoyenneté » et le centre d'art vivant du Belvédère, ce colloque a regroupé plusieurs universitaires et spécialistes qui ont présenté des communications autour de cette thématique, ainsi qu'une pléiade de jeunes chercheurs. Inaugurée dimanche soir, cette manifestation culturelle a débuté par une projection de vidéos sur les arts de la rue, à travers l'expérience de Sousse « Performance, procession extra-muros » initiée par l'association « Radhedh », ainsi que deux autres expériences d'un collectif belge sur la préservation du patrimoine matériel et les arts forains. Au cours de la première séance de ce colloque, les intervenants ont présenté des communications dont la teneur a suscité un vif débat autour de l'art et de la création en période de révolution. Mohamed Moumen, universitaire et critique de théâtre (Sousse), a parlé des difficultés de l'adaptation des arts scéniques à la rue et de la nécessité de réfléchir sur les modalités à engager pour révolutionner ce rapport. « L'occupation de la rue aujourd'hui, nécessite une révision des rapports entre tous les partenaires de l'expression artistique tunisienne » a t-il expliqué. Pour sa part, l'universitaire et homme de théâtre Ridha Boukadida (Sfax), a présenté une expérience personnelle d'une performance sur « le mythe d'Oum Edhrari » et évoqué les difficultés et la répression qu'il a rencontrées en 1991 sous le régime du président déchu. « Cette performance a occupé toute la ville de Kalaa Seguira avec la participation de plus de 300 acteurs et quelques 3000 spectateurs » a-t-il rappelé. De son côté Bechir Gorchane, universitaire et artiste plasticien (Sousse), a tenté de lier les arts de la rue au concept d'art total qui met en vedette la libre expression artistique de la communauté. Le chercheur et plasticien Abdelkerim Kraiem a tenté de cerner la part festive de l'expression plastique extra-muros. Au cours de la séance de lundi, l'universitaire fattah Ben Amor (Sfax), a parlé de la gageure réceptive de l'expression artistique dans les espaces ouverts et sa capacité à dévoiler la part cachée de l'être. Hafedh Djedidi, universitaire et homme de théâtre (Sousse) a, quant à lui, proposé une lecture rétrospective des arts dans les espaces extérieurs, insistant sur la part de l'ancrage identitaire de ces arts. La jeune chercheuse plasticienne Soukaina Sassi a présenté une réflexion sur l'art de la danse et ses modes d'expression dans la rue. La séance a été prolongée par des témoignages d'artistes qui ont confronté leur art aux exigences de la rue. Au cours du débat qui a suivi les communications, les intervenants ont mis l'accent sur la nécessité de disputer la rue aux manifestants et aux partis politiques, sur l'ouverture des champs d'expression artistique aux jeunes issus des quartiers pauvres et marginalisés des villes tunisiennes. (TAP)