Kamel Letaïef fait, donc, encore parler de lui, mais cette fois, carrément, à son insu. Il y a quelques mois, on a téléchargé Sakher El Materi s'adressant à l'épouse de Ben Ali à coups d'invectives à l'endroit de Marouane Mabrouk, de l'épouse de celui-ci, Syrine, et de Slim Chiboub dont elle a aussitôt répliqué qu'il était un homme mort. Ces intrigues florentines, l'art machiavélique de prendre en otage le Monarque, au service d'une caste, ce ne sont toujours que des aspects patents de la manière dont fonctionnent les régimes personnalisés. En filigrane, la puissance de la femme dans les arènes du palais, dans les coins reclus à travers les secrets d'alcôve reste la pierre angulaire de tout le système ; un système bâti sur la courtisanerie. Et même lorsque le « locataire » du palais se prétend être un « président élu ». La cassette de Kamel Letaïef implorant le pardon et la mansuétude de Ben Ali aura fait le tour du pays. Sur le coup, ça a laissé pantois. Or, beaucoup parmi ceux qui l'ont écoutée et réécoutée et qui connaissent tous les détails sur ces années de rupture entre les deux « ex-amis » auront vite fait de détecter de sérieux anachronismes : comme le divorce de Ben Ali avec Naïma El Kéfi, en avril 92, et son mariage avec Leïla, un mois après, et non en 91, comme «transposé» dans la cassette. Et puis, les observateurs soulèvent un détail important : Kamel Letaïef a un problème de langue (il ne prononce pas bien le S) alors que cela ne transparaît pas dans le dit enregistrement. Nous savons tous que le courant ne passait pas à l'époque entre Abdallah Kallel et Kamel Letaïef. On sait, aussi, que la mainmise de l'Intérieur avait commencé dès cette époque là, à se muer en une espèce de boîte de Pandore : les commandes du pays, il fallait les actionner à l'Avenue Habib Bourguiba, bien plus qu'à Carthage. Mais l'enjeu sfaxien était assez marqué. Maintenant, Kamel Letaïef affirme que sa fille est mariée à un Sfaxien, et que cette « cabale » qu'il qualifie de « truquée » est le fait d'un « blogueur » et « d'un esprit du mal ». Or, sur le fond, Kamel Letaïef nie-t-il avoir été l'ami intime de Ben Ali et de l'avoir aidé à réaliser cette fulgurante ascension ? « Non, je ne le nie pas. Jusqu'en 92, c'était plus qu'un ami intime. Mais, après l'entrée de Leïla au palais, j'ai commencé à voir, grandeur nature, se déployer devant mes yeux le mythe maléfique de « Mister Hyde et Docteur Jeckyl ». C'était la métamorphose. S'il avait eu quelques semaines de plus à sa disposition Ben Ali serait devenu un Néron… Quant au jeu de voix et aux imitations sur cassette, je félicite le blogueur… Mais, je lui conseille d'étudier beaucoup plus les voix qu'il veut imiter. Car, là, ce n'est qu'une mièvre réplique ». Et à la fin des fins, c'est comme si l'on oubliait dans quel type de régime nous étions : rien ne passait ; tout était contrôlé. Un tel enregistrement ne serait-il pas tombé plus tôt aux mains de Ben Ali ? Ne l'aurait-il pas exploité au moment d'envoyer Kamel Letaïef faire un séjour à la chambre A4, de la Prison civile de Tunis ?