Marchés perdus pour l'économie nationale En dépit de l'état d'urgence qui signifie la rupture avec le recours à la violence et les pratiques illégales d'entrave au droit au travail, les 180 employés de Galpharma demeurent encore les otages d'une minorité d'ouvriers. Conséquences : des ouvriers, depuis trois mois sans salaire, vivant une situation dramatique et forcés de recourir à la solution de l'endettement pour gérer le quotidien familial, des enfants malheureux, des pères de famille peinant à assumer leur rôle de chefs de familles et pour certains ouvriers, des perspectives plus sombres qui se précisent de plus en plus, s'ils n'arrivent pas à honorer leurs engagement vis-à-vis de leurs créditeurs anciens et nouveaux. Tenaillés par l'angoisse, endurant les pires souffrances morales, blessés dans leur amour-propre de pères et de conjoints impuissants à faire face aux besoins de leurs familles, des ouvriers n'ont pas hésité à prendre contact avec notre journal pour crier leur colère et faire part de leur stupéfaction, voire même leur consternation d'hommes impuissants, abandonnés à leur sort face à l'hégémonie brutale d'une minorité qui jouit paradoxalement de l'impunité. Enchaînement des échéances Ces ouvriers, évoquent le passé avec d'autant plus de nostalgie qu'ils sont actuellement en proie aux affres de l'humiliation : ils regrettent particulièrement le climat de concorde au sein de l'entreprise et la communication aisée entre le personnel et l'administration. Ils se disent d'autant plus dépités qu'à peine leurs salaires confortablement majorés, l'entreprise a été bloquée. Le bât blesse encore plus à cause de l'enchaînement des échéances : le Ramadan, l'Aïd, la rentrée scolaire et l'Aïd El kébir qui point à l'horizon. Le tout conjugué à la cherté surprenante de la vie ! Un coup d'arrêt à l'expansion de l'entreprise Outre sa face sociale dramatique le sit-in est lourd de conséquences économiques ayant fait subir à Galpharma des pertes considérables qui vont avoir des répercussions négatives sur sa croissance et se traduire par l'annulation de projets créateurs de quelque quatre cent vingt postes d'emplois avec un taux très élevé de médecins et de pharmaciens, deux projets de 26 millions de dinars d'investissement, en 4 ans. A ce propos, la réaction est compréhensible : pourquoi investir dans une filière à haut risque en raison de l'inflexibilité et de l'intransigeance syndicale0 ? Il suffit de voir les pertes subies par l'entreprise en l'espace de trois mois : des produits finis d'une valeur de trois milliards bloqués dans les dépôts, alors que les médicaments sont en rupture de stock dans les pharmacies. Parmi ces stocks, il y a 40 000 boîtes d'un produit fabriqué exclusivement par Galpharma et que la pharmacie centrale va importer de l'étranger à coup de devises. D'autre part, des quantités de matières premières, d'une valeur de quatre milliards, stockées dans les dépôts risquent d'être détériorées. L'entreprise a dans la foulée court le risque de perdre définitivement le marchés mauritaniens qui importe pour 1,5 milliard de dinars ainsi que le marché libyen vers lequel les exportations auraient quintuplé, sans ce sti-in paralysant. Taieb LAJILI
Témoignages En désespoir de cause, des ouvriers de Galpharma, restés trois mois sans salaire ont fini par vaincre leur peur et briser le mur du silence : Mondher Fériani, 45 ans, employé aux dépôts : Chez moi, c'est l'enfer Je n'ose plus rentrer à la maison où je suis assailli par les demandes de mes trois enfants dont la mère a réintégré le domicile de mes parents. Ca me rend malade de subir quotidiennement l'humiliation d'être un père désargenté qui n'arrive pas à subvenir aux besoins de sa famille. Je veux reprendre mon travail pour pouvoir honorer mes dettes en premier lieu et acheter le complément de fournitures scolaires à mes enfants. Je vis en permanente la honte et l'angoisse du lendemain car je ne sais pas si je serai en mesure de nourrir mes enfants, moi à qui mon salaire de 497 dinars me permettait de vivre asssez dignement. Tarak Ghorbel, 28 ans, célibataire Ma hantise : aller en prison à cause des crédits Je touchais 450 dinars, ce qui me permettait d'honerer mes crédits bancaires de 160 dinars ainsi que mes lettres de change d'un montant de 70 dinars par mois. Je pouvais également participer au budget familial. Aujourd'hui, c'est ma pauvre mère qui se saigne pour me donner mon argent de poche. Le plus triste, c'est que je vis la hantise d'être poursuivi par mes créditeurs et d'être jeté en prison. Mariam Bakkar, 25 ans opératrice Ma vie de couple est en danger Comme j'ai convaincu mon mari de quitter le domicile de ses parents et de louer une maison, maintenant que je n'ai plus touché mon salaire, il me le fait payer cher parce que le sien ne suffit pas à faire face à toutes les charges familiales en plus du loyer. Je vis dans la craite permanente d'essuyer sa colère qui peut être parfois brutale. Ma vie de couple est en danger à cause du sit-in d'une minorité.