Samedi dernier, la galerie Yahia a abrité le vernissage de l'exposition d'œuvres - installations et sculptures - de Mourad Habli, jeune artiste qui expose pour la troisième fois dans cet espace. Environ une vingtaine d'œuvres engagées politiquement occupent la galerie. Elles sont divisées en quatre grandes parties : « Yakine » (national), « Arab pop voice » (régional), « African pop voice » (continental) et « L'oro falso del G8 » (international). « Universal pop voice » est un projet ambitieux que Mourad Habli a commencé à élaborer en janvier 2011 « dans la perspective d'accompagner les mouvements populaires dans le monde depuis le début de la révolution tunisienne » explique l'artiste. L'exposition vise les politiques en premier lieu accusés d'avoir aliéné leur peuple et censuré les artistes. L'auteur de ces œuvres veut rendre justice aux opprimés, aux torturés et aux martyrs de ces soulèvements populaires ayant signé de leur sang la révolution. La première partie de l'exposition intitulée « Yakine » est une installation en bas reliefs en acier représentant des pétales de roses. Elle est dédiée à la défunte « Yakine », fillette de six mois morte asphyxiée par le gaz lacrymogène lors des émeutes à Kasserine. Yakine symbole de tous les martyrs tombés lors des manifestations ayant suivi le 14 janvier. Un hommage poétique à l'égard de ce bébé ravi très tôt. La deuxième partie « Arab pop voicie » est consacrée à la région arabe. Sept sculptures en tout dont deux représentant le régime de Ben Ali. La première sculpture verticale au sol comprend une face galvanisée portrait du dictateur avant la révolution, le verso du même portrait est rouillé signifie l'image du système politique en place depuis 23 ans. Les cinq autres sculptures sont identiques aux deux premières. Elles donnent une image souillée des pays arabes comme l'Egypte, la Libye, le Yémen, La Syrie et l'Algérie dont les peuples se sont soulevés ou sont en train de le faire contre les dictateurs de leur pays. La troisième partie placée sous le thème « African pop voice » ou « Les Néo Négriers », est constituée d'une installation qui montre les difficultés socio-économiques de l'Afrique dont certains pays sont en proie à la famine et au génocide. L'œuvre en métal galvanisé donne à voir les différentes périodes ayant marqué l'Afrique : la période esclavagiste (1441/1888) durant laquelle des négriers noirs vendaient leurs confrères à des négriers blancs et la période contemporaine où des dictateurs mafieux appauvrissent leur pays en s'alliant à des cartels capitalistes internationaux pour sauvegarder leurs intérêts. La quatrième partie « L'Oro falso del G8 » est une représentation constituée de portraits des plus grands hommes politiques occidentaux dont le président français et le chef du gouvernement italien. A travers ces sculptures sous forme de portraits, il s'agit de mettre en évidence de manière caricaturale, le mécanisme financier régi par l'ONU, le FMI et le G8 et que l'artiste accuse de soutenir à fond les dictateurs arabes et africains corrompus. Recto doré et verso rouillé. Un jeu de contrastes entre or et rouille pour souligner les visages des gouvernants tyrans. Cette exposition, même si elle a des accents manichéens, montre encore une fois, que l'expression artistique se libère chez nous du moins pour le moment. C'est le printemps des arts, profitons-en.