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Quand Ennahdha répudie la chariâa
Publié dans Le Temps le 07 - 12 - 2011

Par Zine Elabidine Hamda - « Pour que les hommes, tant qu'ils sont des hommes, se laissent assujettir, il faut de deux choses l'une : ou qu'ils y soient contraints, ou qu'ils soient trompés. » Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire.
Le retour du mouvement Ennahdha au devant de la scène politique s'est accompagné, surtout durant la campagne électorale, d'un revirement notoire au niveau de son discours politique. Exprimé, d'abord, pour rassurer les partenaires internationaux de la Tunisie, puis pour amadouer une opinion publique prête à suivre son élan « révolutionnaire » de changement, le discours « moderniste » adopté par les leaders d'Ennahdha a tranché avec le dispositif doctrinal de ce mouvement élaboré, étoffé et diffusé depuis 1979 dont l'idée maîtresse était l'imposition de la charia, sinon la référence explicite à celle-ci dans l'organisation de la Cité.
Durant la campagne électorale, et même avant, le mouvement Ennahdha s'est défendu de vouloir appliquer la charia, principalement à la radio, à la télévision et dans les journaux, pour rallier à lui le maximum de voix parmi les masses qui ne le connaissent pas nécessairement et, surtout, parmi ceux des électeurs du RCD désormais orphelins de représentation politique. Ghannouchi, Jebali et d'autres leaders se sont évertués à faire des déclarations allant dans le sens du respect des libertés, du pluralisme et de la démocratie.
A la suite de la victoire du mouvement islamiste lors des élections du 23 octobre 2011, Hamadi Jebali, Secrétaire Général du mouvement, s'est exprimé clairement, lors d'un meeting populaire à Sousse pour un « 6° califat », même si devant le tollé général, il a dû modérer ses ambitions et réaffirmer son engagement pour un système républicain. Cette déclaration faisait suite à celle de Rached Ghannouchi où il exprimait sa réserve quant à deux points du Code du Statut Personnel : l'adoption et l'interdiction de la polygamie.
Arrêtons-nous à cet aspect contradictoire du discours d'Ennahdha.
Que veut dire, de la part d'un islamiste, ne pas recourir à la charia, alors que tout le dispositif politique, intellectuel et culturel de l'islam politique repose justement sur les principes de la Charia ? S'agit-il là d'une manifestation du double langage dont les islamistes sont depuis longtemps accusés ? Est-ce là un reniement de leur doctrine, à visée électorale ? Sommes-nous face à une « évolution » doctrinale d'Ennahdha ?
L'islam politique d'Ennahdha repose, en réalité, sur une dualité fondatrice. Il est religieux et politique, prédicateur et activiste, conservateur du point de vue de la morale et libéral en économie. Il oscille entre la sauvegarde d'une mémoire et l'implantation dans une société en mouvement.
Un point d'histoire
Il est significatif de remettre, d'abord, cette duplicité apparente dans le processus historique de l'évolution idéologique d'Ennahdha. Le mouvement islamiste tunisien fut créé d'abord sous le nom de Mouvement de la Tendance islamique au début des années 1980. Dès 1968, les principaux leaders islamistes avaient animé l'Association pour la sauvegarde du Coran ainsi que quelques mosquées. La création du mouvement s'inscrivait dans le cadre géopolitique de la confrontation entre « le monde libre » organisé autour du monde occidental et l'Union soviétique et ses alliés dans le Tiers-monde. C'est à ce titre que les islamistes tunisiens furent « aidés », dans les années 1970, par le Parti Socialiste Destourien de Bourguiba dans sa stratégie de répression des partis et groupes politiques tunisiens qui se réclamaient de « la gauche ». Le magazine al-Ma'arifa fut publié, en 1974, dans les rotatives du parti au pouvoir, des mosquées ont été mises à disposition des prêches des leaders du mouvement dans la Médina de Tunis et dans quelques quartiers de la périphérie de la capitale. Les portes de l'Université furent ouvertes à l'action islamiste contre la gauche estudiantine et l'UGET.
Suite à la cure ultralibérale qui suivit la période du socialisme destourien de Ben Salah, le Mouvement islamiste se trouva renforcé par son activisme et prit place, dans les années 80, dans le paysage politique. On vit même se tenir des meetings réunissant les islamistes et des partis de l'opposition démocratique. Ce fut aussi l'époque où commença l'infiltration de l'UGTT et la présence discrète au sein de la LTDH.
Une duplicité doctrinaire
D'un mouvement adjuvant du parti destourien dans sa lutte contre la gauche qui portait le combat pour les libertés et la démocratie, le mouvement islamiste se mue progressivement en parti d'opposition. Son installation dans le paysage politique appelle spontanément un correctif à la doctrine. Pressé de toutes parts de clarifier sa position vis-à-vis des avancées modernistes, Rached Ghannouchi finit par déclarer au journal Assabah, le 17 juillet 1988 après avoir été reçu par Ben Ali, que le Code du Statut Personnel est un cadre propre à organiser les relations familiales. C'était le gage à donner pour bénéficier d'un accueil bienveillant de la part des autres acteurs politiques du moment. Cependant, cet « abandon de souveraineté » déclaré de la charia sur la sphère privée n'a pas induit une refondation doctrinale. Le mouvement continue à entretenir ses troupes au moyen du dispositif idéologique de la charia.
En réalité, le « double langage » d'Ennahdha est un des signes de sa structure composite. D'une part, des clercs cultivés, à leur tête Rached Ghannouchi, ayant une capacité à rationaliser les problèmes, tiennent le haut du pavé. D'autre part, des groupes composites, parmi lesquels des imams traditionalistes imbus de culture orale, le plus souvent liturgique, forment le gros de la troupe. Deux discours travaillent ces deux sphères de l'islamisme tunisien, l'un rationnel, s'inscrivant dans les débats sociaux, tourné vers la société politique et tenant compte de la réalité des rapports de force sur le terrain, l'autre orthodoxe, tourné vers le passé sous l'influence du wahhabisme médiatique, cultivant une mémoire fantasmée, idéalisée, atemporelle.
Le conservatisme revendiqué par Ennahdha s'enracine dans les prêches rétrogrades des imams nahdhaouis dont la fonction première est de formater les esprits grâce au mythe de l'âge d'or de l'islam et de maintenir les troupes dans l'espoir d'une reconquête islamique. Le libéralisme économique préconisé s'accommode d'un discours politique « libéral », produit en direction des acteurs économiques du pays. C'est ce qui explique le ralliement d'une partie du patronat à Ennahdha.
La question à poser ici est : de quelle force économique Ennahdha est l'expression ? Car, en politique, les véritables leviers de la souveraineté sont économiques. L'islam politique n'est pas une doctrine révolutionnaire - ce qui explique son absence de la Révolution du 14 janvier - ; il repose sur l'establishment (le bazar, les commerçants, les affaires). Il s'inscrit naturellement dans le cadre de la reproduction sociale des forces qui structurent le système politique et social. La dissolution du RCD et l'adoption d'une démarche démocratique ont permis à Ennahdha de se positionner en tant que force de « stabilité » du système. Pour parler aux élites économiques modernes du RCD, Ennahdha s'octroie - contre ses propres principes fondamentaux - le discours moderniste, comme fit Ben Ali pour le discours des droits de l'homme qu'il brandit à la face du peuple comme une idéologie.
Une stratégie de conquête du pouvoir
L'islam politique dont se réclame Ennahdha a toujours poursuivi une stratégie de conquête du pouvoir qui repose sur deux paradigmes : la formation d'une avant-garde islamiste et la dissémination dans les classes défavorisées de l'idéologie de la charia. Par le prosélytisme caritatif auprès des plus démunis et l'embrigadement des jeunes et des moins jeunes dans les mosquées, les écoles et les universités, Ennahdha a préparé depuis plusieurs années sa métamorphose en parti de masse.
Entré en dissidence, avec deux épisodes d'actions violentes attestés et reconnus par les leaders islamistes, les militants d'Ennahdha furent la cible privilégiée du régime. Amnesty International dénombra plus de 30.000 prisonniers politiques islamistes depuis le début de la répression. Pendant ce temps, les chaînes de télévision wahhabites proliféraient sur les satellites. Une véritable opération d'acculturation prit place pour remodeler les mentalités et les schèmes de pensée des téléspectateurs en fournissant un contenu à caractère religieux (fatwas, récits, prêches, feuilletons), des références essentiellement relevant de l'histoire islamique d'Arabie, peuplant la mémoire de personnages historiques (imams, cheikhs, califes, guerriers, etc.) principalement issus des dynasties arabes qui gouvernèrent l'Arabie du temps des califes bien éclairés. Ce contenu médiatique, réduit à une monoculture idéologique, dont les éléments relèvent de signes extérieurs d'appartenance communautariste (tâyfiya), étrangers à la culture tunisienne (qamis, hijab, etc.), vint combler le vide culturel dans lequel fut maintenue la société, travaillée par l'idéologie du laisser-faire, de l'affairisme et du consumérisme des années Ben Ali. Une large part de la population entra dans une aliénation culturelle qui explique, entre autres raisons, l'absence des troupes islamistes dans le processus révolutionnaire, puisqu'elles étaient orientées plutôt vers la haine de la modernité et de l'Occident.
Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, Ennahdha développe, suite au 11 septembre 2001, une nouvelle stratégie à double dimension. La première, prise en charge par les cadres nahdhaouis de l'intérieur, en direction des masses en cours de « réislamisation », se base sur la diffusion du discours islamiste se référant à la doctrine orthodoxe de la charia. La seconde, entreprise essentiellement par Rached Ghannouchi et quelques leaders, en direction des partis d'opposition tunisiens, met en avant l'attachement d'Ennahdha au combat démocratique. C'est dans ce cadre que naît la plateforme politique du « collectif du 18 octobre 2005 pour les droits et les libertés en Tunisie » qui rassemble les islamistes, le FDTL, le CPR, le PDP, le POCT et les Nassériens.
Le pouvoir de Ben Ali vieillissant, de plus en plus lâché par le peuple, devait secréter une solution pour sa pérennité. Les clans qui se disputaient le pouvoir choisirent devant cette vague de réislamisation de la société qui leur échappait par son caractère extraterritorial de préparer une « alliance » potentielle avec l'expression politique de l'islam tunisien. C'est ainsi que Mohamed Sakhr El Materi fut autorisé à lancer la chaîne Zitouna FM le 13 septembre 2007, et ensuite la banque Zitouna, pour préparer une possible accession au pouvoir à l'horizon de 2014. Geste d'ailleurs salué par Rached Ghannouchi dans une lettre qui est restée célèbre.
L'irruption de la Révolution est venue perturber ce scénario. Mais, en l'absence de l' « aile islamisante » du RCD, l'alliance avec les partis de l'opposition, signée en 2005, réactualisée à la télévision tunisienne lors d'un débat, diffusé après le 14 janvier 2011, réunissant Rached Ghannouchi, Mustapha Ben Jaafar et Hamma Hammami, explique aujourd'hui l'accord politique de partage du pouvoir entre Ennahdha, le CPR et Attakattul sur la base du contenu de la plateforme.
Chemises noires, qamis blancs
Contrairement au wahhabisme et au Tabligh qui ont des stratégies religieuses, l'islam politique d'Ennahdha développe des stratégies politiques à référent religieux. Comme pour les wahhabites, l'introduction dans le tissu social de marqueurs sociaux idéologiques (hijab, qamis, barbe), associés à une ritualisation accentuée de leurs troupes, renforce le noyau programmatique islamique. Cette communautarisation de la population, par l'introduction de signes extérieurs non-nationaux, qualifiés d' « islamiques », a pour but de diviser, d'exclure et d'opposer une partie de la population à une autre, tout en gommant les signes extérieurs de l'adoption du temps de la modernité.
Au sein de larges franges de la population, la promotion d'un Islam qui divise fait ressurgir la peur du « fascisme vert ». Des chemises noires, on passerait aux qamis blancs. On opposerait les pieux aux mécréants, les tenants de l'authenticité aux vendus de « hizb França », les musulmans aux laïques et aux communistes athées, les apôtres des droits de Dieu aux défenseurs des droits de l'homme. Dans un deuxième temps, on chargerait des milices d'agir, en dehors du cadre de la loi et des institutions démocratiques, au nom de la défense de l'islam, contre tous ceux qui dérangent les politiques islamistes. Ce scénario s'est vérifié en Arabie saoudite, en Iran et en Turquie.
Cependant, les dirigeants d'Ennahdha maquillent cette stratégie par un discours lénifiant sur le respect des libertés en pointant en modèle l'AKP Turc. Or, si l'on jette un coup d'œil sur le rapport d'Amnesty International 20011, on découvre que l'AKP n'est pas le modèle qu'on nous dépeint. Suspension de journaux, blocage de sites web, arrestations de journalistes, tortures et mauvais traitements infligés en dehors des centres de détention officiels, impunité des responsables, voilà des exemples des pratiques islamistes de l'AKP. On est loin du modèle idyllique présenté par Ghannouchi.
La répudiation de la charia dans le discours d'Ennahdha reposerait, peut-être, sur une prise de conscience de l'impossibilité de gouverner un pays modernisé avec des slogans islamistes qui renient l'acquis moderniste, dans une société largement ouverte aux influences de la mondialisation : des élites modernes de plus en plus nombreuses, des universités qui mettent chaque année des dizaines de milliers de diplômés sur le marché du travail, des institutions soustraites au réfèrent religieux. Ce système moderne de production d'élites et de gestion des ressources humaines et matérielles est difficile à ignorer. Si on ajoute la conjoncture internationale, surtout le souci des Etats-Unis d'aider la Région à accéder à la démocratie, politique qui constitue la pierre angulaire de sa stratégie dans la zone arabe, le nouveau discours des islamistes acquiert du sens.
Logique révolutionnaire et logique électorale
L'avènement de la Révolution, sur la base de revendications de dignité, de liberté et de justice portées par une jeunesse enthousiaste, ouvre une page nouvelle dont l'axe fondamental est d'instaurer un point de non-retour vers la dictature. Les forces révolutionnaires auxquelles se sont agrégées les élites modernistes et les partis de la gauche démocratique se trouvent devant une impasse. La dissolution du RCD vient, en effet, mettre Ennahdha au centre de l'échiquier politique. Car la nature ayant horreur du vide, le parti le plus structuré (30.000 activistes couvrant les circonscriptions électorales) obtient le score le plus large dans les élections du 23 octobre. Le ralliement d'une partie des militants du RCD dans les régions a amplifié le succès des islamistes. Il est intéressant de voir dans l'avenir comment les forces démocratiques du pays, émiettées et disparates, vont développer leur stratégie émancipatrice dont le créneau est de refuser toute dictature qu'elle soit proclamée au nom des hommes ou au nom de Dieu.
Dans les rapports de force politiques, économiques et sociaux, la logique électorale, qui ne relève pas de la logique révolutionnaire mais de la reproduction sociale du système, favorisa les forces de « stabilité » au détriment des forces de changement. De ce fait, la recomposition du paysage politique ne manquera pas de tenir compte des vraies forces en présence. La compétition politique étant, pour un temps, révolue, ce qui se profile, ce sont les alliances avec les forces économiques qui structurent le tissu social.
En définitive, l'adoption de l'habit moderniste par Ennahdha est une réponse, non aux élites modernistes et laïques qui sont la cible privilégiée des islamistes, mais aux élites modernes du capitalisme local. Une stratégie d'alliance, à long terme, se profile. Elle consiste à perpétuer le système inégalitaire hérité du RCD, conforme à la doctrine islamiste (qui se base sur l'inégalité homme/femme, riche/pauvre, élite au pouvoir/population soumise), en association avec les « forces vives » du passé. Le soutien apporté par l'ex-patron des patrons, Hédi Jilani, à Ennahdha est un premier élément d'objectivation de cette tendance. Ainsi d'une stratégie de prise de pouvoir, Ennahdha serait en position de force pour mettre en pratique une stratégie de domination à long terme. Il ne faut pas oublier que l'establishment bourguibien a troqué sa veste rouge pour une veste violette le 7 novembre 1987. Pourquoi ne choisirait-il pas une veste bleue aujourd'hui pour préserver ses privilèges ?
wiss
zarzour


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