Le référendum objet de controverse, voire de dissension entre Ennahdha et le CPR, est de nature à inquiéter le peuple sur l'avenir que lui réservent ceux qui sont appelés à prendre les rênes du pouvoir ? En effet lors du débat du mercredi dernier, la proposition de M. Moncef Marzouki de soumettre le projet de constitution à référendum, a été catégoriquement rejetée par Ennahdha..M. Marzouki fut si contrarié qu'il quitta séance tenante l'hémicycle, malgré l'insistance de l'un de ses collègues au palais du Bardo. Quelle est la portée de ce malentendu et quel en sera l'impact sur l'avenir du pays ? En fait, la proposition de Marzouki a été dans un souci de faire participer directement le peuple à l'élaboration de la constitution, celle-ci étant le cadre dans lequel s'exercera le pouvoir. Le fait de la soumettre à référendum, permet au peuple d'intervenir directement dans la conduite de la politique nationale. C'est de bon augure de la part de Marzouki décidé à être constamment tout près du peuple. L'argument d'Ennahdha peut-il se justifier ? Le refus d'Ennahdha de pratiquer le référendum n'est pas nécessairement de nature à nuire à l'intérêt du peuple, car le fait pour ce dernier d'avoir choisi les représentants de la constituante, signifie, théoriquement du moins, qu'il leur a fait confiance. Il leur a délégué le pouvoir d'agir désormais en ses lieu et place, pour tout ce qui concerne les rouages du pouvoir. Sachant que le référendum, peut présenter des inconvénients, en dehors de la perte de temps, lorsqu'il est utilisé par son auteur pour renforcer sa légitimité, et glisserait alors vers le plébiscite. Est-ce le cas en l'occurrence ? Si référendum il y a, il serait utilisé logiquement par la coalition, ou la « troika » comme on l'a désignée. Déjà Nejib Echabbi, leader du Parti Démocratique Progressiste (PDP) s'est empressé de déclarer que « la Troïka commet un coup d'Etat contre le peuple, par le fait d'imposer rapidement le vote lors des débats à la Constituante », C'est trop dire, car cette Troïka représente la coalition avec la majorité des élus du peuple. Pour une fois que des élections se font en toute liberté et dans la transparence totale, on ne peut parler de coup d'Etat, lorsque des décisions sont prises, par le vote de ces élus mandatés par le peuple. Un vote au sein de l'hémicycle, vaudrait peut-être mieux qu'un référendum qui pourrait glisser vers le plébiscite. Et puis à quoi auront servi les élections des membres de la constituante ? à moins que le peuple entende retirer le mandat par lequel il a déjà délégué les membres de la constituante pour le représenter. Il importe de dépasser les malentendus, agir avec abnégation, afin de trancher efficacement, et pour ce faire, un vote au sein de l'hémicycle, vaut mieux qu'un référendum, qui peut ne pas exprimer la vraie volonté du peuple. A ce propos, je ne sais quel constitutionnaliste a affirmé la plupart de ceux qui votent par oui, à l'occasion d'un référendum, agissent soit par suivisme ou par ascendant moral ou matériel. Le vote au sein de l'assemblée est plus probant, car il obéit à la loi de la démocratie. Bien qu'ayant ses inconvénients, celle-ci est plus déterminante. Il faut donc se hâter avec lenteur, comme l'a exprimé à sa façon Mustapha Ben Jâafar, président de la constituante, dont l'intention est d'agir dans la sérénité sans emportement ni entêtement. Rien ne sert en effet de prendre des décisions à chaud. A plus forte raison lorsque celles-ci sont de nature à mettre les bâtons dans les roues, plutôt qu'à servir l'intérêt du peuple. Ces décisions doivent être le fruit d'une concertation dans la sérénité et en toute bonne foi et surtout en toute objectivité. Ahmed NEMLAGHI