Des heurts violents ont éclaté, mercredi, au campus universitaire El-Manar, entre les membres de l'Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET), le plus ancien syndicat estudiantin à l'université dominé par la gauche, et ceux de l'Union Générale Tunisienne des Etudiants (UGTE), une organisation réputée proche du mouvement islamiste Ennahdha et qui vient de reprendre du service à l'Université vingt ans après sa dissolution par l'ancien régime. Cet incident qui a précédé de quelques heures seulement l'annonce du lancement de «La Jeunesse d'Ennahdha à l'Université», la nouvelle aile estudiantine du parti islamiste vainqueur des dernières élections, rappelle les affrontements de sinistre mémoire qui ont opposé des étudiants islamistes et gauchistes à la fin des années 80 et au début des années 90. «Le retour tonitruant de la branche estudiantine d'Ennahdha semble avoir réveillé les démons du passé à l'Université tunisienne qui risque encore de se transformer en un véritable champ de bataille entre les différentes idéologies et tendances politiques», s'inquiète un enseignant au campus universitaire El-Manar qui était témoin des vieilles luttes fratricides entre l'UGET et l'UGTE. Selon des témoignages recueillis sur place, les affrontements qui se sont produits avant-hier étaient très violents, même si aucun dégât physique ou matériel majeur n'est à déplorer. «Refus d'un RCD barbu» Lors de deux manifestations organisées simultanément par l'UGET et l'UGTE, des provocations et des petites phrases assassines distillées de part et d'autre ont mis le feu aux poudres. «Les étudiants de gauche accusaient leurs rivaux nahdhaouis d'être des pions du Qatar et des Américains et insistaient sur le passé militant glorieux de l'UGET. Les étudiants islamistes accusaient, quant à eux, les membres de l'UGET d'avoir servi la dictature de Ben Ali», rapporte Soukaïna, témoin oculaire. Et d'ajouter: «des cris et des insultes verbales, on est très vite passé aux agressions physiques. Par-ci, on déchire des affiches, par-là on lance des chaises et des tables au-dessus des têtes». D'autres témoins ont fait état de tentatives d'usage d'armes blanches. A l'UGET, on affirme que l'organisation qui a toujours fait barrage aux tentatives de la branche estudiantine du Rassemblement Constitutionnel démocratique (RCD), l'ex parti au pouvoir, résistera aux nouvelles tentatives d'instrumentalisation politique de l'université et de la cause des étudiants. «Les premières provocations ont émané des islamistes qui cherchent à transformer l'université en un lieu de propagande au profit de leur parti. C'est pourquoi, nous refusons catégoriquement ce retour d'un RCD barbu », précise Chaker Aouadhi, membre du Bureau exécutif de l'UGET. Droit à la coexistence Du côté de l'UGTE, on avance une version des faits complètements différente. « Tout a commencé quand des membres de l'UGET ont agressé physiquement et verbalement nos militants, affirmant sans détours que la violence constitue le seul moyen de chasser les islamistes de l'Université », assure Zied Boumakhla, membre du Bureau directeur de l'organisation la jeunesse d'Ennahda à l'Université, indiquant qu'il détient des preuves irréfutables prouvant que ceux qui ont tenté d'utiliser des armes blanches étaient des membres de l'UGET. Et de renchérir : « Les étudiants de gauche qui se disent démocrates ont prouvé qu'ils n'acceptent pas le pluralisme et la coexistence des diverses tendances à l'Université». M. Boumakhla précise également qu'il est «injuste» de comparer les organisations estudiantines du mouvement Ennahda à l'ex-Organisation des étudiants du RCD, dont les adhérents s'étaient transformés en véritables flics au service du régime. Auprès de la majorité des étudiants non-politisés, les inquiétudes vont crescendo quant au risque de voir la dualité islamistes/modernistes ou encore croyants/mécréants envahir les «temples du savoir».