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"Les présidents Ben Ali et Sarkozy ont en commun le sens du pragmatisme et le sens du résultat" Conférence de presse de l'ambassadeur de France en tunisie
La visite d'amitié du Président Nicolas Sarkozy en Tunisie a été « couronnée de succès », selon M. Serge Degallaix, ambassadeur de France en Tunisie. Convergence des points de vue entre le Président Ben Ali et le Président Sarkozy, surtout que le nouveau locataire de l'Elysée connaît bien la Tunisie – comme ex-ministre, il s'était rendu plusieurs fois dans notre pays et, en plus, M. Degallaix révèle que M. Sarkozy, avait à maintes fois, visité la Tunisie à titre privé, puisqu'il aime, particulièrement, Tozeur. Mais, entre Ben Ali et Sarkozy, il n'y a pas que le capital-sympathie. Il y a, aussi, le capital-confiance. Selon M. Degallaix : « les deux chefs d'Etat ont, en commun, le sens du pragmatisme et le sens du résultat ». Quels résultats concrets peut-on espérer dès lors de cette brève visite ? « Il convient, d'abord, de préciser, affirme l'Ambassadeur, qu'il s'agissait d'une visite d'amitié et de travail. Les deux ministres des Affaires étrangères des deux pays ont travaillé, aujourd'hui (hier), sur des échéances de préparation d'une visite d'Etat du Président Sarkozy, en Tunisie, laquelle devrait intervenir début 2008. Entre temps, on approfondira le cadre d'une commission mixte et, pour ainsi dire, passer à la vitesse supérieure en approfondissant la coopération éducative (un projet d'université tuniso-française) ; la professionnalisation de la formation et aller le plus loin possible dans la consolidation économique de sorte à ce que l'on atteigne un degré de partenariat « gagnant-gagnant ». De plus, ajoute l'ambassadeur, les perspectives du XIème Plan de Développement, sont prometteuses : ainsi, les entreprises françaises cibleront-elles les créneaux importants : les transports, les énergies thermiques électronucléaires renouvelables, et le tout en fonction d'un transfert des technologies devenu, aujourd'hui, incontournable. Les deux Présidents ont, aussi, évoqué le contrat de partenariat, surtout que l'accord-cadre, signé en 2003, vient à échéance cette année d'où l'opportunité de concevoir un nouvel accord, plus moderne, mieux tourné vers les entrepreneurs. Il a, bien sûr, été question, entre les deux chefs d'Etat de lutte contre le terrorisme et la montée des extrémismes et des moyens de les juguler à leurs racines. Car, tout le monde est conscient que ces dérives ne reculent plus devant rien. Naturellement, il y à mettre en relief les échanges de vues sur les questions internationales, vues qui convergent et vous aurez remarqué que la France essaie de ramener les antagonistes à la table des négociations comme pour le Darfour, le Liban... Le Président Ben Ali et le Président Sarkozy recherchent la solution aux conflits à travers le dialogue ».
« Union euro-méditerranéenne : dissiper les malentendus » Sitôt dit, sitôt fait. L'hyper-présidence de M. Sarkozy a fait, de son projet, de l'espace euro-méditerranéen, une stratégie fondamentale et, bien sûr, géostratégique. Il s'agit de rallier les deux rives de la Méditerranée et d'étendre l'aire à l'Afrique. D'aucuns trouvent le projet « utopique » : d'autres « un peu trop taillé sur la France »... Réponse de l'ambassadeur : « Si M. Sarkozy s'est empressé d'entreprendre ce périple à travers le Maghreb (encore que la visite au Maroc n'ait pas pu avoir lieu parce que le calendrier de Sa Majesté Mohamed VI ne le permettait pas ce jour-là (hier). C'est parce qu'il tenait à dissiper, je ne dirais pas des malentendus, mais éclaircir quatre points essentiels : 1/ Cette Union n'est pas quelque chose qui sort tout casquée de la tête de la France. Ce n'est pas un papier qu'on envoie par la poste. On présente des propositions, on recueille les réactions et on en discute. Cette union n'est pas dirigée contre l'Europe. Elle ne cherche pas à saborder le Processus de Barcelone. Mais le fait est là : ce processus a déçu. Il faut, donc, sauvegarder les acquis et corriger ce qui n'a pas marché. 3/ Ce projet n'est pas conçu pour être dormeuse ou une consolation pour la Turquie. La Turquie est un partenaire, elle cherche à entrer à l'Union Européenne mais elle sera partie prenante du nouvel espace : elle est gagnante sur les deux fronts. Car, ce n'est pas simple. Cette Union doit franchir des obstacles : il y a déjà un scepticisme au Nord, du côté de l'Allemagne et de l'Angleterre et, au Sud, il y a ce conflit maroco-algérien. 4/ Enfin, quatrième point à préciser, ce projet s'appuie sur l'approche diplomatique. Le Président Moubarak sera reçu à Paris, la Libye aura aussi son mot à dire ».
Axes et stratégie
M. Degallaix nous voyait venir. Ne serait-ce pas ce côté napoléonien de la France qui refait surface avec M. Sarkozy, pour en finir avec ce côté Jeanne D'Arc, stigmatisé par les néo-conservateurs de M. Bush ? Ce retour diplomatique ne sonne-t-il pas la charge d'une revanche ? « L'idée du Président Sarkozy n'est pas de faire de la France une locomotive. Mais, de raviver un espace qui existe. Ainsi, le Président proposera-t-il la tenue d'un Sommet au premier semestre 2008 et ce sommet ne se tiendrait pas en France. Mais, il faudra bien que le processus avance sur le plan institutionnel. Et c'est ainsi que la France proposera quatre axes : - L'Environnement : dans le sens qu'il faudra préserver ce bien commun qu'est la Méditerranée . - Le Développement économique de la zone : le Président Sarkozy propose, à cet effet, la création d'une « Banque Méditerranéenne de Développement », à l'instar de la BEI, par exemple. On nous dira que les approches techniques sont complexes, sauf que le message politique passe avant tout. - Zone de stabilité et de sécurité. Il faut un code de conduite à l'instar de celui conçu à Barcelone pour lutter contre le fanatisme, la drogue, la traite des hommes et, donc, l'immigration illégale. - Dialogue des cultures : la Méditerranée a toujours été un espace fécond d'échanges et de multiculturalisme. En Tunisie, il y a la Chaire Ben Ali qui fait un travail appréciable dans ce sens. A Alexandrie, à Séville, des forums se tiennent pour rappeler les valeurs d'humanisme et de civilisations... Sinon, pour le reste, sachez que les Italiens et les Espagnols réagissent, déjà, positivement au projet initié par le Président Sarkozy ».
Zones d'ombre....
Sur le papier, le projet est très ambitieux... Un confrère s'est demandé s'il n'était pas « utopique » ou, à terme, si l'ambition de M. Sarkozy n'était pas un nouveau Schengen ? Réponse de M. Degallaix : « Rappelez-vous Jean Monet, Schuman... Au début, c'était un simple élargissement ; un processus... Et au bout du compte, chacun a gardé ses spécificités. L'Union Européenne existe depuis 50 ans. Mais il a fallu du temps pour que les barrières tombent. Quant à un nouveau Schengen, eh bien ! il ne faut se priver d'aucune ambition ». Et l'épineuse question de l'immigration, dont une partie a été assimilée (voir plus haut), par M. Degallaix, à une « traite des hommes » ? A une question posée par un confrère sur ce quota de 50% à l'avenir, réservé aux impératifs économiques français, l'ambassadeur répond, ainsi : « Il faut saisir la dimension de la loi du 24 juillet, la notion de regroupement familial, les facilités accordées aux étudiants ». Non, la France ne ferme pas les portes. Mais tout le monde est d'accord pour juguler l'immigration clandestine en venant en aide aux pays pauvres et en veillant à ce que cette aide soit utilisée à bon escient ».
Question posée par « Le Temps »
« Nous n'avons rien vu venir dans la campagne de M. Sarkozy (pas plus que maintenant, d'ailleurs), qui s'apparente à une position, une déclaration ou une prononciation concernant l'occupation de la Palestine par Israël et celle de l'Irak par les Etats-Unis. M. Sarkozy ne se prononce pas ouvertement sur le terrorisme comme s'il en laissait le privilège à M. Bush... Réponse de M. Degallaix : « M. Sarkozy s'est bien prononcé sur le conflit israélo-palestinien. Le droit d'Israël à la sécurité, le droit de la Palestine à un Etat, mais loin des dérives fanatiques. Quant à l'Irak, il faut que les Irakiens trouvent un consensus entre eux. En ce qui concerne le terrorisme, certes, M. Sarkozy et la France sont des amis des Etats-Unis, mais sachez que le Président Sarkozy ne s'est jamais privé de manifester des points de divergences sur la question, avec M. Bush ».
Compte rendu et commentaire : Raouf KHALSI
Droits de l'Homme :
« Les Présidents Ben Ali et Sarkozy ont bien parlé des questions des droits de l'Homme tant sur le plan international qu'en France et en Tunisie. Les propos ont porté sur la nécessité de faire avancer le processus démocratique et les droits de l'Homme parce qu'il y a toujours encore à faire. Mais je précise qu'aucun nom précis, aucun cas précis, n'a été évoqué par les deux Présidents.
Entre deux portes L'exception culturelle française
• Le Temps : L'exception culturelle française sera-t-elle évoquée dans le projet euro-méditerranéen. Depuis le GATT de Marrakech, à cause de cette « exception », la France ne s'est-elle pas repliée sur elle-même, ne s'est-elle pas éloignée de son espace de prédilection et sa langue ne recule-t-elle pas ? - M. Degallaix : « Il fallait protéger l'industrie du cinéma de l'invasion américaine et la production culturelle, en général. Maintenant, vous me dites que la langue française recule : ce n'est pas à cause de la France. La mondialisation, les chaînes satellitaires et peut-être, aussi, un certain désengagement de notre part, je vous le concède... Il faut, peut-être, creuser de ce côté-là... On en reparlera un jour ».
Curiosité
Nous devions, nous autres journalistes tunisiens, avoir une conférence avec M. Sarkozy, puis on nous avisa que ce serait avec son porte-parole et, finalement, tout fut annulé, à cause, dit M. Degallaix du report de la visite du Président Sarkozy au Maroc. Nos confrères français en profitèrent pour obtenir, tard, avant-hier soir, une conférence de presse improvisée avec M. Sarkozy et on a parlé de questions purement françaises : Jack Lang, Strauss Kahn et Villepin...