Par Khaled GUEZMIR - Le Forum Démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol) est dans la tourmente… Pourquoi ! A notre humble avis, deux raisons essentielles. La première, son alliance jugée, par de nombreux cadres et militants, « contre-nature » avec « Ennahdha », islamiste modérée, mais qui ne s'écarte pas d'un pouce de son objectif fondamental « l'islamisation » de la Tunisie et de la société dans son ensemble. Beaucoup d'autres membres actifs et sympathisants qui ont voté pour le parti du Dr. Ben Jaâfar estiment avoir été « trompés » parce qu'ils considèrent être un véritable « détournement de voix » et n'accepte pas un alignement aussi clair avec « Ennahdha ». Un mouvement qui a été de tous les combats pour la liberté et la tolérance du temps de la dictature et qui est connu pour ses valeurs modernistes et sa proximité avec l'Occident, ne peut, malgré son attachement, je dirai très « tunisien », à l'identité arabo-musulmane et spécifique de notre « manière d'être », se fondre dans le même projet de société tel qu'il est développé par un « allié protecteur » de plus en plus dominant et exigeant. La deuxième raison c'est qu'au bout du compte cette alliance n'a pas été bien productive pour « Ettakatol ». Des miettes de pouvoir, un ministère des Affaires sociales qui porte tel le rocher Sisyphe, les problèmes de la société et une présidence de l'Assemblée Constituante certes, prestigieuse mais comme dirait feu Si Jallouli Farès, lui aussi, président de l'auguste assemblée en 1955, « trop peu » pour faire un monde, à savoir pouvoir peser sur l'évolution de la vie politique du pays et avoir une part de « souveraineté » dans un système contrôlé de fait par le Parti largement majoritaire. Pourtant, la démarche du président Ben Jaâfar est justifiée, selon lui, par la volonté de garantir la stabilité du pays en participant activement à la mise en place d'un « gouvernement d'intérêt national » dans cette période de transition à hauts risques. Beaucoup d'observateurs avertis et certains de nos partenaires occidentaux les plus influents voient aussi d'un très bon œil la présence du Dr. Ben Jaâfar dans ce processus et surtout comme garantie morale importante dans l'élaboration de la future Constitution. Celle-ci doit consacrer en plus des valeurs identitaires « tunisiennes » et des acquis des mouvements réformistes depuis deux siècles, la volonté de notre pays et son peuple de vivre son temps en adoptant les valeurs universelles de liberté de justice et d'amitié avec tous les peuples de la terre sans exception. Maintenant, que faire pour sauver « Ettakatol » d'une désintégration possible, si la contestation interne continue à s'amplifier. Certains prévoient dans le cas le plus pessimiste une fonte avec Ennahdha, surtout son aile libérale qui est elle aussi majoritaire, mais qui se laisse aller à certains « ballons d'essai » dangereux qui risquent de lui coûter cher, comme l'indifférence actuelle et affichée, devant la montée de l'extrémisme religieux. D'autres annoncent une possible « réintégration » de ce parti dans son milieu « naturel » : le Centre démocratique et libéral, d'autant plus que plusieurs formations ont déjà lancé des manœuvres pour un nouveau pôle qui ferait contre poids à Ennahdha aux prochaines élections. Comme vous le voyez le temps est limite… limite et Dr. Ben Jaâfar et ses cadres loyalistes ne peuvent plus jouer les Talleyrand et dire à leurs troupes « Allons doucement… nous sommes pressés ». La survie d'Ettakatol en tant que partenaire, à part entière et non « protégé » d'Ennahdha, dépendra de la manière dont seront conduis les débats pour la rédaction de la Constitution. Le premier faux-pas qui mettrait en danger les acquis fondamentaux de notre peuple et ses élites sa modernité et son identité spécifique pourrait être fatal à ce mouvement. C'est là que Dr. Ben Jaâfar fait face à un véritable défi. Sa réussite personnelle est la pérennité de son mouvement, dépendra de « l'habit » constitutionnel qui sortira des palais du Bardo ! Pourvu qu'il soit un « beau costume » pour la Tunisie éternellement libre, démocratique, solidaire et musulmane tolérante et modérée ! Disons, tout de même, à Si Mustapha : Courage et bonne chance ! Surtout tenez bon !