Tunisie : accès gratuit aux sites historiques et musées ce dimanche    Ons Jabeur affrontera Clara Tausen    Relations sino-arabes...Cap sur une coopération solide    Tunisie – Les avocats refusent l'intégration des magistrats limogés dans leur ordre    Solidarité mondiale : les capitales se lèvent pour dénoncer les crimes sionistes    Tunisie – METEO : Pluies orageuses éparses sur le nord et le centre    Gestion des dons : le Croissant-Rouge tunisien répond aux accusations    Hamza Belloumi s'explique sur le reportage censuré des quatre vérités    USA : Patatras pour Biden, la condamnation de Trump l'a dopé, les dons de campagne explosent    Derby : les mesures annoncées par le ministère de l'Intérieur    Taux de vie en baisse au Royaume-Uni depuis 2010    Lancement de la plateforme fiscale "Tej" pour la transparence et la numérisation des certificats de retenue à la source    Drame à Bizerte : un étudiant arrêté pour le meurtre de son père et l'agression de son frère    L'hôpital Habib Thamer fait des miracles avec les fumeurs les plus dépendants    BCT : le TMM se stabilise à 7,97%    Découvrez les trésors cachés des Peintres Italiens en Tunisie à la TGM Gallery    Sousse : à peine 32 000 moutons alors qu'il en faut 90 000, quant aux prix…    Gabès : Des projets qui amélioreront la qualité de vie et ils avancent bien    La France barre la route d'Israël : il ne vendra pas ses armes dans le plus grand salon européen    Bizerte : mandat de dépôt contre le jeune qui a tué son père    Le chef du Gouvernement : «L'Etat tunisien a adopté la production d'énergies alternatives en tant qu'option stratégique face aux défis climatiques»    Classements des plus grands producteurs et exportateurs mondiaux et arabes de coton en 2023    Un expert explique les séismes en Tunisie : Rassurant et terrifiant à la fois    CAB : Renouer avec le succès !    Cérémonie du Prix Hannibal pour la promotion des études stratégiques    MEMOIRE : Meherzia OUBAYA MNAKBI    CONDOLEANCES    Tunisie Telecom – Sparkle : Pour une nouvelle route de transit IP internationale vers l'Europe    Anme – Deuxième appel pour le financement de projets de maîtrise de l'énergie dans les communes : Développer des projets verts innovants    Pourquoi | Les rumeurs…    Roland-Garros | Ons Jabeur passe aux huitièmes : Le cœur et le savoir...    UST : Aucun risque pris    Lancement de l'«Encyclopédie numérique des Couleurs» : Cartographie des infinités chromatiques, une initiative tunisienne !    L'auteure française Catherine Cusset à La Presse : «C'est difficile aujourd'hui d'être femme sans être féministe»    Cessez-le-feu à Gaza : Le Hamas réagit positivement à la proposition de Biden    L'équipe nationale : Première séance d'entraînement au stade Chedly Zouiten    Olfa Abdelkefi Chakroun: L'architecture et l'empathie    La société Eagle Pictures de Tarak Ben Ammar distribuera le film Megalopolis de Coppola    Andriy Lunin écarté du groupe de Real Madrid avant la finale    Roland Garros : Ons Jabeur affronte Leylah Fernandez pour une place en huitièmes de finale    Sfax : Démantèlement d'un réseau criminel actif dans l'immigration illégale    Urgent : Secousse tellurique à Bizerte    Vague de chaleur mortelle en Inde    Météo : Légère hausse des températures    Tunisie: Ce dimanche, accès gratuit aux musées    Pour des raisons de santé, Wael Dahdouh met fin à sa visite en Tunisie    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Hatem Mziou… Les 5 infos de la journée    Le Festival du Cirque en Tunisie revient dans une 7e édition du 1er juin au 5 juillet 2024    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La préface de Jean Daniel, Directeur du Nouvel Observateur
Publié dans Le Temps le 11 - 02 - 2012

L'incroyable actualité du message laissé par Habib Bourguiba légitime la tendresse hagiographique du témoignage entre tous précieux de l'un de ses anciens collaborateurs, Chedli Klibi. Le présent ouvrage ne constitue pas et ne prétend pas être une biographie exhaustive. Il tient, par exemple, pour négligeable la façon dont un homme d'exception, sans doute, le plus éminent des chefs d'Etats arabes, a subi le fameux naufrage de la vieillesse.
Or, comment ne pas être, tout de même, au moins attristé par le parcours d'un leader fait pour la gloire mais qui, après avoir été un libérateur visionnaire puis un despote éclairé, s'est attardé dans son pouvoir jusqu'à connaître la sénilité autoritaire. Reste, par-dessus les années, le rayonnement de cette gloire et l'auteur de ce livre n'est-il pas l'un des mieux placés pour jeter autant de vives lumières sur le legs incomparable du Combattant Suprême ? D'autant que ce que nous vivons, aujourd'hui, nous ramène irrésistiblement vers lui.
Son actualité réside dans le fait que Bourguiba aura triomphé à la fois du panarabisme et de l'islamisme, ces deux extrêmes sans cesse complémentaires. Il n'en était pas moins arabe ni moins musulman. C'est ce qu'il tenait à dire tout en se réservant le droit personnel d'interpréter, selon le génie qu'il s'attribuait, l'héritage du Prophète et l'esprit du Coran. Rappelons, toujours pour souligner son actualité, que Bourguiba avait pris son parti de la division des Arabes allant même jusqu'à considérer que leur désir d'unité provoquait leurs déchirements permanents et relevait, parfois, de « la malédiction ». Ni la communauté de la langue, ni celle de la religion, n'avaient jamais, selon lui, conduit à de vraies solidarités même pas dans le Maghreb sauf, et encore pendant la guerre d'Algérie.
Quant à l'Islam, il refusait qu'il pût inspirer l'immobilisme politique du « Vieux Destour » ni le fanatisme religieux des Frères musulmans. Il était, dans le même élan, très réaliste et très visionnaire sur ces derniers phénomènes. En fait, contre tous les fanatismes, il était voltairien, car on rappelle trop rarement que dans sa lettre sur l'intolérance, Voltaire détestait autant les athées que les dévots. Mais, en homme d'action programmé et en chef prédestiné, il croyait en son propre génie pour atteindre avec plus d'efficacité les objectifs que les idéologues et les nihilistes prétendaient rejoindre sans connaître leurs adversaires. Comme Gramsci dans la révolution marxiste, Bourguiba a inventé, dans la lutte anticolonialiste, le gradualisme. Parcourir des étapes, ce n'est pas être modéré, c'est contourner la nécessité.
Bourguiba a pu adopter sa méthode gradualiste par le fait qu'il avait un lien secret et parfois, d'ailleurs, avoué avec les ennemis qu'il devait combattre, en l'occurrence, les Français et les Occidentaux. Il voulait leur prendre ce qu'ils avaient de meilleur pour les combattre dans ce qu'ils avaient de pire. Il voulait retourner contre eux les armes de leur propre civilisation. Il ne croyait, d'ailleurs pas, il me l'a dit et je l'ai écrit, qu'il suffit d'être antioccidental ou progressiste pour avoir une identité spécifique. L'identité d'un jeune Tunisien, ce n'est pas de ressembler à tous les jeunes Arabes, ni à tous les jeunes musulmans. C'est d'être tunisien. Lorsqu'il m'a dit cela, je l'ai vu, et je le revois, aujourd'hui, petit mais prêt à bondir, le menton impérial mais le front aux aguets, le pétillement bleu de son regard dominateur et amusé, toujours prompt aux ruses du commandement.
Bourguiba était de la race des félins. Oui, je le revois et le réentend lorsqu'il exposait à ses disciples ses thèses sur les civilisations. A l'échelle de l'Histoire, il n'y avait, selon lui, ni bons ni méchants ; il y avait des peuples qui s'affaissaient d'autres qui se hissaient. L'histoire de Carthage comme l'histoire de Rome devaient servir à comprendre celle des Arabes. Bourguiba est, à mes yeux, le premier libérateur qui se soit débarrassé de tous les complexes vindicatifs habituels aux colonisés. Lorsqu'il a imaginé d'inaugurer son pouvoir par une libération de la femme arabe, comme elle n'en avait jamais connu, il s'est référé sans doute à l'esprit et à la lettre du Coran, dans une formule que certains érudits avaient concoctée pour lui, mais il ne refusait pas l'idée que, dans ce domaine, la lente évolution de l'Occident pouvait être un exemple. Cet homme mettait au-dessus de tout le développement économique mais aussi le savoir, la culture,le goût de la perfection, la foi dans le progrès d'où qu'il vînt. On a compris que j'ai eu longtemps un faible pour cet homme et qu'aucun de ses égarements, qui ont été nombreux – j'en sais personnellement quelque chose – ne m'ont jamais vraiment incité à le renier. Si je le contemple, je le juge, si je le compare, je le loue : j'en vois bien peu qui le valent. Et ce ne sont pas ses prophéties sur la division des Arabes, sur la régression islamiste et sur le conflit israélo-palestinien qui m'inciteraient à m'éloigner de lui aujourd'hui.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.