Après vingt ans de vie musicale au sein du groupe palestinien Sabreen, Kamilya Joubran a commencé à collaborer avec Werner Hasler, musicien de jazz formé à la Swiss Jazz School de Berne, au cours d'une résidence artistique en Suisse où elle avait été invitée par la fondation Pro Helvetia . Kamilya était samedi dernier, l'hôte du centre culturel Néapolis de Nabeul où elle a proposé un spectacle original né de la rencontre entre une musique orientale traditionnelle et des sons électros. Elle a voulu se confier à la fin de son show à notre journal. Le Temps : comment concevez- vous votre collaboration avec Werner Hasler ? Kamilya Joubran : c'est un langage et un échange entre Werner et moi, deux artistes qui se posent des questions. En fait, nous partons d'une idée assez originale de chanson, que je lui soumets. Lui y travaille de son côté, puis nous la reprenons ensemble en ayant soin de laisser les choses mûrir. Nous venons de cultures si différentes que la collaboration musicale est parfois compliquée, mais ça ne l'empêche pas d'être d'une rare intensité. *Qu'est -ce que vous essayez d'exprimer à travers vos chansons ? -Nous exprimons d'abord ce que nous ressentons à travers des textes qui ont un engagement ou un regard vrai, honnête sur ce qui se passe car je m'intéresse à cela aussi : Qu'est ce que les écrivains ont à dire ? Leurs soucis, leurs angoisses et leurs expériences comme celle du Libanais Paul Shaoul, « torturé par la guerre civile », celle de la Syrienne Aïcha Arnaout, aux méditations introspectives, celle de l'Irakien de Berlin Fadhil Al-Azzawi, qui « se révolte, crie, essaie de réveiller les consciences », ou celle de la jordanienne Sawsan Darwaza, qui m'a confié ses écrits d'amour. *Quel message transmettez- vous au public ? -Je veux être porteuse d'un message : il y a toujours ce peuple, cette culture, cette histoire… Mais, est-ce si simple que ça. Je voudrais les toucher par des mots simples et profonds. *Ne craigniez- vous pas d'être cataloguée par certains de chanteuse engagée? -Non ! …parce que, je suis une chanteuse engagée. Je crois à ce que je fais. Je parle d'une situation qui existe. Et quand je m'engage, je mets en œuvre tout ce qui est en mon « pouvoir » pour me faire entendre. *D'après vous, où se situe la chanson arabe engagée ? -Elle a ses adeptes. Il y a plusieurs courants et chacun essaie de se positionner et de s'ouvrir sur d'autres sonorités musicales. *Quelle est votre plus grande joie ? -Que quelqu'un ou plusieurs, lors de mes concerts, soient touchés par ma musique ! *Est-ce que vous êtes arrivée à internationaliser la chanson arabe après votre passage à Paris ? -J'ai essayé de l'Internationaliser à ma manière. Il y a un public qui vient m'écouter même sans comprendre la langue. C'est la meilleure manière d'approcher une culture qui n'est pas le leur. Il faut dire que je suis à chaque fois, accueillie à bras ouverts. *Est - ce que le public tunisien a adhéré à votre spectacle ? -J'ai senti cette fois-ci une adhésion totale du public tunisien à mon spectacle. Et c'était différent par rapport à mon dernier passage en 2007 lors du festival de la Médina. *Pourriez-vous nous parler de votre nouvelle création ? -Elle s'intitule « Résistantia » et sera concoctée en collaboration avec quatre collègues français. Elle traitera de thèmes sur la résistance de troubadours, des peuples de l'Amérique latine et du monde arabe. Propos recueillis par: Kamel Bouaouina