Par Mohamed Klani - Il n'y avait pas l'affluence des grandes rencontres mais les réfractaires ont loupé une opportunité de mieux cerner la personnalité de Néziha Rjiba alias Om Zied. A la fondation Temimi l'éternelle rebelle s'est livrée au jeu sans masque et sans fioritures, c'est-à-dire telle qu'elle est depuis son enfance comme en a témoigné son camarade de promotion Béchir Khantouche, l'un des fidèles des séminaires. Pour mémoire, Om Zied est la première qui a soumis Ben Ali à la mise à l'épreuve dès janvier 1988 avec sa chronique au journal Erraï rendue célèbre dans la clandestinité , sous le titre Nachaz ( Parasite). La censure de la chronique et la suspension du journal ont rapidement édifié cette femme sur la fibre de Ben Ali, sur sa conception de l'exercice du pouvoir et, naturellement, sur ses desseins. La suite est une lutte acharnée et ininterrompue d'Om Zied contre le régime sans jamais reculer devant la férocité des méthodes et l'acharnement du système. Ses multiples distinctions internationales sont autant de témoignages pour son courage tant intellectuel que physique. Maintenant les explications sont là : déjà adolescente, Néziha Rjiba, que son père surnommait l'ogre, avait une aversion pour l'injustice et aspirait d'égaler Taha Hussein avant d'embrasser avec amour et passion le métier d'enseignante qui lui a permis de communiquer au-delà du cours ses principes et convictions tout en prenant le pouls de la société à travers le comportement des élèves . Chemin faisant, elle a acquis la conviction que l'indépendance a été confisquée par Bourguiba pour opérer une mainmise sur le pays avec les performances reconnues et les dérives longtemps occultées et qui n'échappent aujourd'hui à personne malgré les liftings récurrents des bourguibistes nostalgiques d'une époque dont ils semblent les bénéficiaires et non les victimes. Om Zied en a parlé sans ressentiment tout en se montrant intransigeante à l'égard de son ami Marzouki avec qui elle a fondé le CPR, constatant avec amertume que son parti a été phagocité par Ennahdha. Son départ irréversible du parti la libère même et la convainc de s'en tenir à sa vocation première, voire naturelle : écrire. Avec la précision symbolique : désormais elle se fera payer car ce n'est plus du militantisme exclusif et pur, c'est du travail qui obéit à des contraintes et aux exigences de la discipline. A ses détracteurs qui lui reprochent des entorses à la discipline du parti, elle rétorque : le compromis est possible, la compromission, non ! Femme authentique qui n'a pas laissé la modernité menacer ses traditions et son ancrage à Kalaa Sghira, Om Zied peut poursuivre sa mission et s'acquitter de la sale besogne qu'elle s'est attribuée contre vents et marées, à savoir dire tout haut ce qu'elle peut penser de la gouvernance du pays. Les attaque indignes qu'elle a subies depuis la Révolution l'ont même réconfortée dans sa détermination à poursuivre le combat contre l'injustice, l'obscurantisme et la prolifération de l'égo dans le paysage public. C'est pourquoi elle évoque ce djinn qui surgit épisodiquement pour empêcher les forces du bien à aider le pays à sortir de l'ornière, manière d'épingler des têtes, des groupes, des actes. Et là chacun se reconnaîtr. Au demeurant Om Zied revendique sa part de folie rejoignant le grand Nizar Kabani qui disait: « N'y a-t-il pas dans un brin de folie une grande part de discernement ?» Ayant retardé à plusieurs reprises sa venue à la Fondation, Néziha Rjiba n'a fait que prolonger le plaisir de sa rencontre. Mais le goût d'inachevé a plané à l'issue de la rencontre tant il est vrai que cette dame demeure un livre ouvert!