De notre correspondant particulier à Paris : Zine Elabidine Hamda - La campagne officielle vient de commencer. Strictement réglementée, avec un temps de parole égal dans les médias et le recours à un tirage au sort pour les apparitions à la télévision, dans le même style que nous avons connu en Tunisie pour les élections du 23 octobre 2011, la campagne se déroule dans un climat morose. Atone, sans éclat particulier ni thèmes porteurs qui devraient montrer une voie pour affronter la crise financière et économique qui frappe la France et l'Europe depuis 2008.A moins de 15 jours du premier tour, les chances des uns et des autres se précisent. Depuis quelques semaines, les sondages se suivent sans grands changements consacrant un duo de tête : Sarkozy/Hollande. Deux sondages viennent de confirmer cette tendance. Le premier celui d'Ipsos-Logica-Business consulting réalisé les 6 et 7 avril pour France Télévisions, Radio France et Le Monde donne Nicolas Sarkozy vainqueur avec (29%, -0,5) au premier tour de la présidentielle devant François Hollande, à 28,5% (+1 point en une semaine). La remontée du candidat socialiste a été enregistrée après que le président sortant eut présenté son programme aux Français le 5 avril. Le second sondage réalisé par Harris Interactive pour VSD et LCP et publié mardi, donne la même tendance : François Hollande réduit son écart avec Nicolas Sarkozy. Dans l'ensemble, et au vu des chiffres des sondages, la France vote globalement à droite. La gauche reste, arithmétiquement parlant, minoritaire. Si l'on additionne les scores de Nicolas Sarkozy de Marine Le Pen et de François Bayrou, on est au-delà des 50 % requis. Cependant, avec les reports de voix au second tour, le candidat de la gauche serait majoritaire. Hollande obtiendrait entre 53 et 54 % des voix. Cette victoire présumée du socialiste a été confirmée sans interruption dans tous les sondages sans exception depuis plus de six mois. Les deux autres candidats de droite, Marine Le Pen et François Bayrou, n'arrivent pas à percer au-delà des 15%, alors qu'un fort sentiment anti-Sarkozy s'était développé dans l'opinion depuis 2008 qui s'était traduit par un taux de satisfaction qui ne dépassait pas les 30% dans les sondages. Souffrant d'un manque de charisme apparent, malgré un discours politique au fait des enjeux majeurs auxquels fait face la France, François Bayrou n'est jamais arrivé à rééditer sa campagne de 2007 où il s'était imposé comme le troisième homme. Marine Le Pen, elle, s'est empêtrée dans un choix stratégique de sortie de l'euro qu'elle paie dans les sondages. L'opinion française ne semble pas, en effet, à l'écoute d'une telle solution qui aggraverait la crise actuelle. Autre particularité de cette campagne, la percée spectaculaire de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche qui a su réveiller les déçus de la gauche, agréger le vieux réseau du parti communiste français et les militants trotskistes et altermondialistes qui voient en lui une alternative à la candidature de François Hollande. Cette poussée à gauche s'est faite aussi au détriment d'Europe Ecologie-Les Verts représentés par l'ex-magistrate Eva Joly qui, avec 1,5% des intentions de vote, rate son entrée en campagne. En réalité, les écologistes français ont une histoire constante avec les présidentielles. Tous les candidats qu'ils ont présentés par le passé n'avaient pas réussi à avoir des scores conformes à leur présence au niveau des législatives et des régionales. A part la figure de Daniel Cohn-Bendit, le mouvement écologiste n'a pas su présenter une candidature à portée nationale. Cette fois-ci, le score d'Eva Joly pourrait avoir de lourdes conséquences sur l'accord conclu avant les primaires socialistes entre les écologistes et le parti socialiste. En cas de victoire, François Hollande pourrait se trouver libre de ne pas en tenir compte. Le vote communautaire Plus qu'à aucun autre moment, la campagne actuelle a mis au devant de la scène le vote communautaire. A la lepénisation des thématiques adoptées par les candidats de la droite s'ajoute l'exploitation de la tuerie de Toulouse. Au Front national et à l'UMP, la lutte contre l'immigration et la stigmatisation des musulmans sont des axes fondateurs d'une stratégie de conquête ou de reconquête d'un électorat d'extrême droite. En face, les musulmans de France, qui traditionnellement votent en majorité à gauche, se sentent renforcés dans leur volonté de barrer la route aux courants xénophobes et islamophobes. Si la communauté juive vote traditionnellement à droite, les dernières positions du président-candidat ont eu pour effet une désaffection des soutiens d'artistes et d'intellectuels juifs qui avaient soutenu Sarkozy en 2007. Le Conseil représentatif des institutions juives de France s'est même démarqué des thématiques islamophobes développées durant la campagne. Le vote catholique va traditionnellement à droite. Cependant, selon un sondage exclusif Pèlerin en partenariat avec le Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris, le président-candidat ne recueillerait que 33% d'intention de vote de l'ensemble des catholiques au premier tour. Le reste est réparti entre François Hollande, qui recueille les voix des catholiques de gauche (autour de 23%), et François Bayrou. Le sondage indique aussi une tentation pour certains électeurs catholiques de voter Le Pen car ils se considèrent non représentés par la droite classique ou très peu entendus sur leurs préoccupations fondamentales. Une surprise au premier tour des élections le 22 avril n'est cependant pas à exclure. Les instituts ont sorti, jusqu'ici, trop de sondages contradictoires durant les mêmes périodes pour leur accorder une confiance aveugle. Entre conflits d'intérêts et calculs politiques, il n'est pas dit qu'un autre 21 avril ne se reproduirait pas.