Ce qui s'est passé, hier, au sein de la Constituante est indigne de la démocratie et indigne de cette Révolution qui autorisait tant d'espoirs, tant de concorde et, surtout, cette liberté d'expression dont le peuple a été brimé. Il nous vient à l'esprit ces mots de Ghandi à la lumière de ce qui s'est produit : « chacun a raison de défendre son point de vue, mais il n'est pas exclu que tout le monde ait tort ». Les partisans d'Al Aridha tiennent mordicus à ce que les martyrs de la Révolution et les blessés soient traités avec bien plus d'égards qu'on ne leur ait réservé, le 9 avril, à coups de matraque et de cocktails molotov. Mais c'est un sujet, désormais, récurrent, espèce de charte rébarbative pour critiquer le gouvernement Jebali, ensuite pour rétablir l'inévitable amalgame : « le gouvernement Ghannouchi », formule, elle aussi, désormais, surannée. Du coup, c'est encore le syndrome Etat/Parti Etat qui resurgit, ponctuel, implacable pour tarauder cette démocratie naissante. Mais, quel que soit le degré d'ironie utilisé par les élus d'Al Aridha, il y a à déplorer certains extrêmes. D'abord, les élus d'Ennahdha déplorent l'amalgame en entonnant l'hymne national. Celui-ci est, donc, instrumentalisé comme on instrumentalise les transcendances divines, l'éthique identitaire et les valeurs sacrées de la patrie. A chacun, néanmoins, son mode d'emploi. Pour autant l'hémicycle, chambre d'enregistrement durant cinquante ans, se libère et s'accomplit dans la diversité. Sauf que la diversité veut aussi qu'on s'adresse des critiques en gens civilisés et non pas à coups d'accusations acerbes. De leur côté, les élus d'Ennahdha devraient comprendre que, très difficilement, l'imaginaire collectif ne verra pas les traits de Ghannouchi dans ceux de Jebali. Cela fait que l'un est diabolisé et l'autre est « victimisé ». C'est injuste, mais c'est comme ça.