Un projet de loi sur les manifestations, les marches pacifiques et les réunions publiques devrait être prochainement soumis à l'Assemblée nationale Constituante, a-t-on appris auprès de l'Union nationale des syndicats des forces de sécurité intérieure. Ce projet de loi amendant et complétant la loi ° 69-4 du 24 janvier 1969, réglementant les réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et attroupements est le fruit de plusieurs mois de réunions et de consultations menées par une commission ad hoc regroupant des représentants du ministère de l'Intérieur, des experts en matière de réforme des systèmes sécuritaires et des défenseurs des droits de l'Homme. Selon des sources syndicales, le nouveau projet de loi stipule que l'exercice des libertés de réunion et de manifestation sur la voie publique est désormais soumis au seul régime d'information ou de déclaration préalable auprès de l'autorité compétente, en l'occurrence le ministère de l'Intérieur et le gouvernorat. Le régime de déclaration préalable, qui permet d'exercer la liberté de manifester après une déclaration effectuée auprès de l'autorité administrative, est appliqué dans l'écrasante majorité des pays démocratiques. Il doit remplacer le régime d'autorisation, en vigueur en Tunisie depuis l'indépendance du pays. Ce régime d'autorisation est considéré par les organisations de défense des droits de l'homme comme étant le plus attentatoire à l'exercice des libertés de réunion et de manifestions puisque celui-ci est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'administration. Cette dernière dispose, en fait, d'un pouvoir discrétionnaire, ce qui signifie qu'elle peut répondre favorablement ou défavorablement à la demande d'autorisation qui lui est adressée. Dans le cas du régime de déclaration préalable, l'administration se borne à prendre acte de la déclaration. Dans le cadre de ce régime, le refus de l'administration ne peut être qu'une exception. Le projet de loi exige que les autorités fournissent des motifs clairs et précis justifiant l'interdiction ou l'ajournement d'une réunion publique ou d'une manifestation.
Usage progressif de la violence légale
La déclaration préalable doit être faite au moins trois jours ouvrables et aux heures de service, avant la tenue de la réunion ou de la manifestation. Ce délai court à compter de la date de réception de la déclaration préalable par l'autorité compétente. La déclaration doit également indiquer avec précision l'objet de la manifestation ou de la réunion publique, les lieux de rassemblement et l'itinéraire. Le nouveau projet de loi fixe, par ailleurs, les moyens par lesquels les forces de l'ordre peuvent disperser les rassemblements, manifestations et autres attroupements. Elle stipule, dans ce cadre l'usage progressif de la violence légale monopolisée par l'Etat. La première étape consiste à faire sommation aux manifestants de se disperser au moyen d'un porte-voix, d'un signal audible ou lumineux de nature à les bien avertir. La sommation doit être faite à trois reprises par un représentant de l'autorité qualifiée, ayant la qualité d'officier de police judiciaire revêtu de son uniforme réglementaire ou porteur de l'insigne de ses fonctions. Ce dernier peut prononcer des appels du genre « Avertissement. Dispersez-vous ou il va être fait usage de la force » ou encore « Obéissez à la loi. Dispersez-vous». Au cas où les agents de l'ordre se trouveraient en présence de manifestants qui refusent de se disperser malgré les avertissements qui leur sont adressés, ils peuvent employer progressivement des moyens anti-émeute pour les disperser. En premier lieu, les policiers arrosent les manifestants d'eau chaude ou les chargent à coups de matraques. Ils peuvent ensuite passer aux jets de grenades lacrymogènes avant de recourir en cas de nécessité aux tirs à balles en caoutchouc. Le dernier recours qui ne concerne que les cas de légitime défense et de protection des biens publics sensibles reste les tirs à balles réelles. Et même dans ce cas de figure, les agents sont appelés à procéder par étape. Ils doivent commencer par des tirs à balles réelles en l'air de façon verticale pour faire peur aux manifestants. Place ensuite aux tirs au dessus bien au dessus des têtes des manifestants. Au cas où les manifestants tentent d'atteindre leur but par la force malgré l'utilisation de tous les moyens sus-mentionnés pour les disperser, les forces de l'ordre peuvent tirer directement à balles réelles en visant les jambes.