L'ancien patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a fait irruption dans la présidentielle française en accusant ses adversaires d'avoir fait capoter sa candidature, à une semaine du second tour pour lequel Nicolas Sarkozy peine à faire son retard sur le socialiste François Hollande. Absent de la campagne électorale, l'ancien favori des sondages pour succéder à Nicolas Sarkozy estime qu'il a été «naïf sur le plan politique». «Je n'ai tout simplement pas cru qu'ils iraient si loin (...), je ne pensais pas qu'ils pourraient trouver quelque chose capable de m'arrêter», déclare DSK, faisant allusion aux hommes du président Nicolas Sarkozy, dans une interview accordée au quotidien britannique le Guardian. Selon le journal, l'ancien ministre socialiste, dont la carrière politique a été brisée net par l'affaire du Sofitel de New York, «accuse des ennemis liés à Nicolas Sarkozy d'avoir empêché sa candidature». Toujours dans cette interview réalisée par le journaliste d'investigation américain Edward Jay Epstein, l'ancien chef du Fonds monétaire international ne croit pas que les faits qui se sont produits au Sofitel de New York soient un coup monté, mais il estime que les suites de l'affaire ont été «orchestrées par des personnes ayant un agenda politique». DSK a bénéficié d'un non-lieu au pénal en août 2011 à New York mais l'affaire, qui se poursuit au civil, avait révélé au grand jour une facette obscure de sa personnalité : son rapport aux femmes, à la limite du «harcèlement», selon des témoins. Dans un entretien avec le quotidien Libération, Edward Jay Epstein affirme, sans avoir aucune «preuve formelle», que DSK «était devenu la principale +cible+ des services français en février ou en mars 2011». «Ils surveillaient ses faits et gestes», pense le journaliste américain. La porte-parole de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, s'en est prise au candidat socialiste François Hollande qui, selon elle, «vient de se trouver un nouveau témoin de moralité», un «témoin de moralité qui est mis en examen pour proxénétisme aggravé» dans une affaire de prostitution, dite du Carlton, à Lille Nord de la France). M. Hollande «était forcément au courant», a affirmé la porte-parole. Les déclarations de DSK interviennent à une semaine du second tour à la présidentielle pour lequel le socialiste est invariablement donné gagnant. M. Hollande a attaqué hier le chef de l'Etat, dénonçant son attitude «déplorable», ainsi que celle de son camp à l'approche du vote du 6 mai. «Avant le premier tour, déjà, il y avait eu des polémiques, des attaques, du dénigrement. Mais le résultat de dimanche dernier ajoute encore à l'affolement. Quel festival, quel Bouquet !», dit-il dans une interview au journal Le Parisien. «Je serais ainsi le candidat des mosquées (...), j'aurais tout connu des comportements de Dominique Strauss-Kahn, je voudrais régulariser tous les sans-papiers», énumère-t-il. «Heureusement que Ben Laden est mort ! Peut-être aurait-il aussi donné des consignes ?», ironise M. Hollande, dépeint comme étant le candidat du «communautarisme» par Nicolas Sarkozy, arrivé derrière le socialiste au premier tour (27,18% contre 28,63%) et qui doit attirer les électeurs de Marine Le Pen Front national, extrême droite, 17,90%) pour espérer l'emporter. Le président sortant joue son va-tout en reprenant à son compte des propositions de Mme Le Pen, suscitant les critiques de la gauche et de rares voix dans son propre camp. Cette posture très à droite ne semble guère productive, si l'on en croit les derniers sondages qui montrent une grande stabilité depuis le lendemain du premier tour, M. Sarkozy étant toujours donné nettement battu en n'obtenant que 45 à 46% des intentions de vote.
Déficits et dettes Les chemins divergents de Sarkozy et Hollande Les deux candidats en lice pour le second tour de la présidentielle promettent d'assainir les finances publiques mais ils divergent tant sur les moyens de réduire les déficits et la dette que sur la manière de doper la croissance en France et en Europe. La problématique - Depuis 1974 et le premier choc pétrolier, les finances publiques de la France ont fini chaque année et sans exception dans le rouge. La dette publique n'a cessé de se creuser pour franchir fin 2011 le Cap des 1.700 milliards d'euros. En un an, elle s'est accrue de plus de 100 milliards. Pour la première fois aussi en 2012, les intérêts de la dette formeront le premier poste budgétaire de l'Etat, devant l'Education nationale et la Défense. Le 13 janvier, lorsque Standard & Poor's a retiré son «triple A» à la France, une explosion des taux était redoutée. Elle n'a pas eu lieu mais demeure une épée de Damoclès. Un facteur extérieur comme le dérapage incontrôlé des finances publiques espagnoles pourrait provoquer une nouvelle hausse insupportable des taux. Déficits publics - Nicolas Sarkozy et François Hollande entendent tous deux ramener les finances publiques dans le vert, le premier dès 2016, le second, en toute fin de mandat, en 2017. L'engagement européen quasi contraignant pris par la France et sur lequel le prochain gouvernement, quel qu'il soit, jouera sa crédibilité économique est de ramener les déficits publics à 3% du PIB en 2013 contre 5,2% l'an dernier et 4,4% attendus cette année. Pour la suite, les trajectoires visées par les deux candidats divergent quelque peu. Nicolas Sarkozy entend réduire les déficits de 1% par an ce qui conduirait à l'équilibre en 2016 et même à un excédent budgétaire de 0,5% l'année suivante. Son concurrent socialiste vise 2,3% en 2014, 1,6% en 2015, 0,8% en 2016 et, donc, 0% en 2017. Dette publique - Corollaire de la réduction des déficits publics, le recul de la dette publique connaîtrait des trajectoires similaires pour Nicolas Sarkozy et François Hollande. Depuis février, l'actuel gouvernement table sur un pic à 89,1% du PIB en 2013, suivi d'un reflux l'année suivante. Les deux candidats entendent ramener ce ratio à 80,2% en 2017. Méthode - Nicolas Sarkozy prévoit un effort de 125 milliards d'euros reposant sur deux tiers d'économies et un tiers d'impôts nouveaux. François Hollande parle de 100 milliards, répartis à parts à peu près égales entre baisse des dépenses et recettes nouvelles. Croissance - Plus la croissance est forte, plus les recettes fiscales sont abondantes. Cette question s'annonce encore plus vitale pour le candidat socialiste, dont le programme repose sur une hypothèse de croissance légèrement supérieure à celle de son adversaire et fait appel davantage à l'impôt. Nicolas Sarkozy espère 2% de croissance pour les années 2014 à 2017, François Hollande, jusqu'à 2,5%. L'Europe - François Hollande a placé au cœur de son projet la renégociation du pacte fiscal européen, qu'il refuserait de ratifier sans l'ajout d'un «pacte de croissance». Mais la chancelière allemande Angela Merkel est foncièrement opposée à cette renégociation. Quant au président de la Banque centrale européenne BCE) Mario Draghi, il prône depuis peu un «pacte de croissance» mais d'inspiration nettement plus libérale que celui du candidat socialiste. Règle d'or - S'il était réélu, Nicolas Sarkozy ferait graver dans le marbre le retour à l'équilibre budgétaire par le vote d'une «règle d'or» dès l'été au Parlement. Le candidat socialiste ne veut pas en entendre parler mais envisage une «loi de programmation pluriannuelle des finances publiques» qui serait présentée au Parlement réuni en session extraordinaire, à l'été aussi.