De notre correspondant permanent :Zine Elabidine Hamda Dès le lendemain de sa victoire à l'élection présidentielle du 6 mai, le nouveau Président de la république française, François Hollande, s'est attelé aux deux tâches immédiates qui le concernent directement : à l'international, la prise de contact avec les dirigeants des Etats les plus influents de la planète, et à l'intérieur, la formation de son gouvernement. La campagne législative du mois de juin est, pour le moment, laissée aux mains du parti socialiste. Le premier gouvernement du 15 mai devrait porter l'empreinte présidentielle puisque Hollande n'est ni tenu par les résultats des législatives, qui auront lieu au mois de juin, ni par la composition de l'actuelle assemblée. Il aura cependant à gérer les équilibres entre les différentes formations qui se placent dans ce que le candidat Hollande avait appelé « la majorité présidentielle », à savoir le PS, les radicaux de Gauche, Europe Ecologie-les Verts et le Front de gauche. Si les premiers jours ont été marqués par la prédominance de la question européenne, la crise grecque s'étant invitée dès dimanche à la suite de la déconfiture électorale des deux grands partis traditionnels, la question épineuse du « volet croissance » en Europe a été aussi au centre des pourparlers avec le Président du Conseil européen Herman Van Rompuy et le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, rendue encore plus urgente par l'aggravation des finances espagnoles. La question européenne n'a pas éclipsé pour autant la formation du gouvernement. François Hollande a annoncé qu'il dévoilerait le nom de son premier ministre le 15 mai, le jour de son investiture. Mais personne n'en doute : son choix est déjà fait. Cependant deux noms sont avancés : le Président du groupe PS à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, fidèle parmi les fidèles de Hollande, et Martine Aubry, chef du Parti, ancienne candidate battue aux primaires, et fille de Jacques Delors, père spirituel du nouveau président. L'équation femmes François Hollande fait face, pour réussir la composition de son gouvernement, à une question féminine. Il a à résoudre deux équations importantes : la place à donner à Ségolène Royal et à Martine Aubry. Sa première compagne s'était portée candidate au perchoir de l'Assemblée nationale. En lui réservant le poste qu'elle aura à conquérir aux législatives, Hollande se débarrasserait ainsi du poids d'avoir à la gérer au gouvernement. De son côté, Ségolène s'est investie totalement dans la campagne faisant même du porte-à-porte pour Hollande. Etrange destinée que la sienne qui loupe l'Elysée à deux reprises, la première en tant que candidate à la présidence et la seconde en tant que première dame. Martine Aubry, elle, pourrait être une prétendante sérieuse au poste de premier ministre. Avec une forte personnalité, Martine tient le parti, elle a de bonnes relations avec ses différents courants et entretient de très bons rapports avec Cécile Duflot, chef de file d'Europe Ecologie –les Verts. Seulement voilà, tant de qualités réunies ne peuvent qu'attiser la méfiance du fin politique Hollande. A la tête du gouvernement, elle ne serait pas facile à manier et pourrait l'éclipser en faisant jouer ses prérogatives constitutionnelles. Elle pourrait se voir offrir un grand ministère d'Etat pour gérer les dossiers chauds, l'économie et les finances. Restent les deux « dames vertes », Eva Joly et Cécile Duflot. La première a plombé, par sa campagne désastreuse, les ambitions de l'autre. Toutefois, les Verts devraient être représentés au gouvernement par deux ou trois personnalités. Equilibres politiques François Hollande a indiqué lors de sa campagne que son premier ministre serait issu du parti socialiste. Pour garantir l'équilibre d'un édifice gouvernemental appelé à être pluriel, reste l'option Jean-Marc Ayrault. C'est celle qui a les faveurs des pronostics et celles de… Hollande. Calme, réservé, et fidèle compagnon, neuf sans être nouveau en politique, Jean-Marc Ayrault, professeur d'Allemand, pourrait être un atout pour envisager les négociations à l'échelle de l'Europe, et en particulier avec l'Allemagne d'Angela Merkel. Des postes devraient être réservés aux différentes composantes de la « majorité présidentielle ». Jusque-là, seul le Front de gauche a décidé de ne pas participer au gouvernement. Ni Jean-Luc Mélenchon ni Jacques Laurent du PC n'ont voulu y être. Les radicaux de Gauche auraient, comme le veut la tradition, un portefeuille, ainsi que le Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement qui s'est désisté en faveur de Hollande. Y aurait-il un poste pour François Bayrou dans le cadre de l'ouverture promise par le nouveau président? Rien n'est moins sûr. Peut-être une « mission » honorifique. Ouverture vers les jeunes ? A coup sûr, le slogan de campagne « Le changement, c'est maintenant » verra une première illustration dans la composition du premier gouvernement de Hollande. Les deux caps qu'il s'était choisis, la justice et la jeunesse, le mèneront vers la rénovation de la classe politique au sein du PS.C'est une occasion rêvée de mettre à l'écart certains éléphants. Et de lancer de jeunes loups qui ont faits leurs preuves durant la campagne. Certaines personnalités socialistes ont été mêlées dès le départ de la campagne à des « dossiers » qui préfigurent des postes gouvernementaux : Vincent Peillon (51 ans) à l'éducation, Marisol Touraine (53 ans) à la santé, François Rebsamen (60 ans) à la sécurité, Jérome Cahuzac aux comptes publics. Avec ses idées franches et audacieuses, Manuel Vals (49 ans) a réussi à décomplexer le discours de la gauche en matière de sécurité et d'immigration. Il ferait un jeune et entreprenant ministre de l'intérieur ou de la ville. Les fidèles Stéphane Le Foll (52 ans) spécialiste de l'agriculture , Victorin Lurel (60 ans), chargé de l'Outre-mer au PS et Bernard Cazneuve, porte-parole de la campagne et président de la commission d'enquête sur l'affaire Karachi, pourraient aussi se retrouver au gouvernement. Est-il possible d'éviter certains poids lourds comme Bertrand Delanoë, le Maire de Paris, Gérard Collomb (64ans) le Maire de Lyon, Laurent Fabius (65 ans) pressenti aux Affaires étrangères ou le bouillant Arnaud Montebourg (49ans) ? Hollande choisirait-il de promouvoir des fidèles comme Michel Sapin (60 ans) ou André Vallini (55 ans) à la Justice? Ce ne sont pas les personnalités de qualité qui manquent à gauche. Tout est affaire d'équilibre et de négociation avec le Premier ministre désigné. Restent les jeunes qui ont fait leurs preuves dans l'entourage de François Hollande ou dans les structures du parti. Le nouveau président osera-t-il faire le pas du rajeunissement dans cette période de crise qui nécessite plutôt des gens d'expérience ? Des noms, devenus stars, comme Fleur Pellerin (38 ans) , Aurélie Filippetti (38 ans), Delphine Batho (39 ans) ou Bruno Julliard (31 ans) pourraient avoir un secrétariat d'Etat ou être repêchés à l'Elysée. Pierre Moscovici (54 ans) fait déjà office de coordinateur de la transition. Il irait naturellement au secrétariat général de l'Elysée où il rejoindrait « les maghrébins » de François Hollande : Faouzi Lamdaoui, actuel Chef de cabinet de campagne, kader Arif et la pétillante Najat vallaud-Belkacem (34 ans),porte-parole du candidat Hollande. Les autres proches collaborateurs devraient être maintenus autour du Prèsident : la plume Aquilino Morelle, Bruno Le Roux et Olivier Faure. L'option Jean-Marc Ayrault comme premier ministre permettrait à François Hollande de peser dans la composition du futur gouvernement. Si une autre option s'avérait utile pour Hollande, il ne perdrait pas d'influence d'autant plus qu'il est sorti vainqueur de deux élections successives : les primaires socialistes et la présidentielle.