Lors d'une conférence de presse au Palais des Congrès à Tunis, le président de l'Instance indépendante supérieure des élections, kamel Jendoubi a annoncé officiellement la clôture la mission de l'ISIE. Après avoir remis les clés, membres de l'instance, composante de la société civile, anciens responsables politiques se posent aujourd'hui la question du devenir de cette instance et celui des élections à venir.
Said Aïdi, ancien ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle dans les deux premiers gouvernements provisoires et aujourd'hui membre exécutif du Parti Républicain «J'ai répondu présent à la séance de clôture des travaux de l'ISIE suite à l'invitation qui me fut envoyée par l'instance. C'est un grand honneur pour moi d'y avoir été convié. Je pense que la symbolique de l'ISIE est particulièrement sensible et importante dans le contexte actuel après la réussite des élections du 23 octobre, indépendamment des critiques subies. La critique est aisée mais l'art est difficile comme on dit. Mais au moins, l'ISIE a réussi sa mission. Des élections libres, démocratiques et transparentes dans notre pays. Aujourd'hui, il est très important de pouvoir assurer la seconde étape de la transition démocratique et d'assurer de nouvelles élections indépendantes et démocratiques. Il faudra continuer d' assurer et de consolider cette démarche, de continuer à bâtir cette confiance acquise entre le citoyen et les institutions de l'Etat. Cette confiance passe par la manière dont les élections sont organisées. C'est en ce sens qu'il est impératif d'avoir une instance indépendante des partis politiques pour pouvoir assurer une transition en douceur et sans heurts dont le pays a besoin.»
Slim Chaker, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports dans le second gouvernement provisoire «Je suis très content que la Tunisie puisse avancer dans la bonne direction malgré toutes ces rumeurs qui circulent. Je tiens d'ailleurs à souligner que c'est normal que l'on trébuche parfois, on est en train d'apprendre. Quant au travail de l'ISIE, je salue toute l'équipe qui a fourni un grand effort pour réussir le cap des premières élections démocratiques en Tunisie. Ce fut le couronnement d'une première étape du processus démocratique qui a conduit aux élections du 23 octobre et je pense que ce fut un grand succès et que la transition s'est faite de manière très démocratique qui honore les Tunisiens. Aujourd'hui, nous vivons une seconde phase. Nous avons assisté à la clôture des travaux de l'ISIE afin de connaître quelles sont les prochaines étapes, pour entretenir le contact. Je ne crois pas en la rupture entre tel ou tel parti. Nous sommes tous Tunisiens et notre patrie a besoin de tous les talents sans exception aucune, femmes comme hommes, chacun dans son domaine et selon son savoir-faire et son expérience. Je voudrais rajouter autre chose. Le problème majeur de la Tunisie est l'employabilité. Il faut être à l'écoute des jeunes et leur fournir des sources de revenu qui leur garantiraient la dignité. Je lutte, aujourd'hui, de l'autre côté de la barrière. Le mot d'ordre est de nous mobiliser tous pour créer des postes d'emploi à notre jeunesse. Je pense que c'est l'engagement le plus patriotique qui puisse exister en Tunisie.»
Slah Mzelouet, membre de l'IRIE de Médenine «Comme toutes les instances régionales, l'IRIE de Médenine a eu son lot de problèmes. Plusieurs ex-Rcédistes ont tenté d'infiltrer au départ l'équipe de l'IRIE. Ensuite, on a eu quelques soucis quant au comptage des résultats des élections étant donné que l'on était la seule ville où les votes blancs ont été pris en compte. Néanmoins, les élections furent une réussite. Maintenant que les jeux sont faits, tout le monde se complait à dire que la composante de l'Assemblée constituante est le fruit des travaux de l'ISIE et des IRIE. Cela a été possible grâce à la confiance qui leur a été donnée. C'est dans ce sens-là que l'ISIE devra faire publier et circuler un communiqué dans lequel elle exprime sa vision de l'avenir électoral en Tunisie. Cet acte restera dans les annales. Le président de l'ISIE devra montrer que l'instance a sa propre conception de l'avenir du processus démocratique électoral, une conception à prendre en compte pour le devenir de la Tunisie, indépendamment du sort de l'ISIE.»
Souissi Abdel Kader, avocat et membre de l'IRIE Nabeul II, chargé des affaires administratives et financières «La situation financières des IRIE a été très variable, spécialement après les élections. Si pour l'IRIE de Nabeul I et II, tout allait bien, la situation des instances régionales dont les locaux étaient loués, elle, n'était pas vraiment florissante. Par contre, ce qui m'inquiète le plus, c'est le sort de l'ISIE de manière générale. Après l'expérience que l'on a acquise, l'effort que l'on a fourni et l'apprentissage que l'on a eu, il est désolant de devoir recommencer à zéro. Notre présence à la clôture des travaux de l'ISIE n'est non pas pour nous imposer de manière abusive ou autre mais plus pour dire que nous avons des acquis, de la volonté et que nous sommes là dans le cas où l'on aura besoin de nous. D'un autre côté, nous gardons un œil vigilant sur ce qui va se passer et tenons à ce que toute instance pour les élections soit indépendante de toute appartenance politique. Vous s avez, le grand problème qui se pose est non pas de mettre fin à l'ISIE mais plus de mettre en place un plan B. Que propose-t-on à la place ? C'est l'indépendance de l'institution qui va prendre le relais qui pose problème. »
Samir Dilou, porte-parole du gouvernement et ministre des Droits de l'Homme et de la justice transitionnelle «Le plus important est non pas le sort de l'ISIE mais celui de cette expérience. Ce qui est primordial, aujourd'hui, c'est l'existence d'une instance supérieure indépendante du processus électoral et dont l'objectif serait la supervision des élections. Par ailleurs, la partie qui s'occupera des prochaines élections ne devrait en aucun cas faire partie du gouvernement, mais plutôt une instance indépendante, mis à part sa nomination ou sa composition. Cette nouvelle instance devra apprendre de la première expérience de l'ISIE, son succès notoire comme de ses petites lacunes. Le contexte a changé. La première instance a travaillé dans des conditions d'urgence, de manque de moyens et de temps. Maintenant, il faudra éviter la pression des délais et de la logistique pour améliorer le processus électoral. Dans quelques semaines, au plus tard, on annoncera la création de la nouvelle instance qui s'occupera des élections.» Melek LAKDAR
Nicolas Kavzkorovski, directeur de l'IFES (fondation internationale pour les systèmes électoraux, bureau Tunisie) Le Temps : Pourriez-vous nous expliquer la raison de votre présence lors de la conférence donnée par l'ISIE à la clôture de ses travaux ? Nicolas Kavzkorovski : Nous sommes une fondation qui est présente partout dans le mode avec à notre actif 30 bureaux régionaux et avons travaillé dans environ 100 pays depuis la création de cette fondation, il ya 25 ans. Vous avez un bureau en Tunisie. Travaillez-vous essentiellement pour soutenir les élections dans les pays en voie de processus démocratique ? Aussi mais pas seulement. Nous avons, notamment, travaillé dans des pays avec des traditions démocratique plus longues et plus établies. Pour ce qui est de la Tunisie, nous sommes là depuis le mois de février 2011. Nous avons ouvert un bureau pour travailler de manière permanente depuis septembre dernier. En quoi consiste votre travail actuellement en Tunisie ? Notre mission est d'essayer d'accompagner les processus électoraux. Lors des élections de la Constituante du 23 octobre, nous avons étroitement travaillé avec l'ISIE, mais aussi avec l'Union européenne et les Nations-Unies afin d'accompagner la Tunisie et l'ISIE sur le chemin de la transition démocratique. C'est ce que nous continuons de faire dans les mois et, j'espère, dans les années à venir. En tant qu'expert en processus électoral, comment évaluez-vous le travail de l'ISIE pour sa première expérience ? Cette première expérience d'élections démocratiques en Tunisie depuis des décennies a été fortement approuvée par l'ensemble des intervenants nationaux et internationaux aux processus électoraux, aussi des partis politiques. Les résultats ont été approuvés et respectés, une preuve de plus que l'ISIE a bien réussi sa mission malgré toutes les contraintes. C'est, à mon avis, un signe que les élections ont été bien conduites. Sinon, évidemment, il y a toujours des faiblesses, des améliorations à apporter dans un processus. Mais c'est le cas de tous les pays. Néanmoins, oui, la Tunisie a besoin de travailler, d'améliorer son processus électoral, de consolider les acquis de 2011, certainement ! Comment voyez-vous l'avenir de l'ISIE ? Je crois que ce n'est pas à moi de me prononcer. Aujourd'hui, il y a un gouvernement légitime issu des élections, il y a une Assemblée constituante. Donc, c'est à eux et aux Tunisiens de décider de l'avenir de l'instance de l'ISIE ou de la création d'une nouvelle ISIE. Melek LAKDAR oignon sihem