Après un silence assourdissant face à la recrudescence de la violence menée par des groupes de salafistes, la multiplication des actes de contestation dans plusieurs régions et la régression de l'état sécuritaire en Tunisie, le Chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali s'est prononcé, mercredi soir, sur la première chaîne de télévision nationale, « Watania 1 » pour parler de plusieurs questions d'actualité. Marqué par un laxisme ambiant et une confusion apparente par rapport à certains points, le discours du Chef du gouvernement provisoire n'a pas manqué de messages directs, adressés essentiellement, aux partis de l'opposition, aux dirigeants de l'organisation ouvrière, à quelques syndicats de la sécurité, à Abou Iadh et aux conseillers du Président de la République. Pour ce faire, Hamadi Jebali a eu recours à un discours tantôt arrogant, tantôt populiste. « J'aimerais bien que chacun respecte la place où il est, sa mission et même la façon dont il s'exprime... ».
Nolens volens, le gouvernement continue Menée par Imen Bahroun Ben M'rad, Directrice de la chaîne « Watania 2 » et Saïd Khezami, rédacteur en chef du journal de la Télévision nationale, l'interview a duré presque une heure et demie. Et si la première question a été étroitement liée à l'actualité nationale, plus particulièrement, l'attitude des partis de l'opposition par rapport à la situation par laquelle passe la Tunisie et son appel à la formation d'un gouvernement de salut national, proposition d'ailleurs clairement refusée et rejetée par Jebali, le discours a très vite dérivé pour évoquer le problème d'extradition de Baghadadi Mahmoudi, ancien premier ministre du temps de Keddafi. Répondant à la première question, le Chef du gouvernement provisoire considère que la proposition des partis de l'opposition est inacceptable. Il était très clair là-dessus en annonçant que « ce gouvernement provisoire va continuer son travail ». En adoptant cette attitude, le Chef de gouvernement provisoire nie que la Tunisie passe par une phase de crise et qu'elle se trouve dans une impasse. Nul ne peut nier l'enchaînement des grèves et les vagues de protestation, ni même la divergence ou le désaccord entre la présidence de la République, le gouvernement et la Constituante. Mais malheureusement, Jebali refuse de voir cette réalité, le monde réel et considère même qu'il s'agit « d'une exagération au niveau des paroles et des pensées ».
Le Chef du gouvernement provisoire se voulait rassurant, il était dans un monde virtuel, dans une Tunisie virtuelle très loin de la post modernité. Il parlait de la Tunisie vitrine tout en oubliant la Tunisie des refoulés, des pauvres, des chômeurs, des exclus... la Tunisie profonde qui réclame ses droits économiques et sociaux. Il s'est contenté de présenter des chiffres et des promesses. Un taux de croissance de 4,8 % lors du premier trimestre, quelques kilomètres d'autoroutes déjà programmés depuis des années, des millions de dinars pour le développement régional... Mais l'exemple vient d'en haut : « je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées », disait Winston Churchil.
Economie : rien de concret En effet, aucune solution concrète, ni de démarche claire n'ont été annoncées pour arrêter les grèves prochaines, ni même la concurrence déloyale qui se facture très cher aussi bien au consommateur qu'à l'économie nationale. Hamadi Jebali n'a fait que rappeler les facteurs qui sont derrière la hausse des prix, à savoir : « le trafic de marchandises, la mafia qui gère les circuits de distribution, les commerçants qui ne respectent pas les tarifs... ». Il n'a rien annoncé comme mesure réelle pour rétablir la situation au normal ou pour relancer le pouvoir d'achat des Tunisiens qui reste tributaire de l'augmentation de leur salaire net. Le chef du gouvernement provisoire s'est contenté de faire allusion aux personnes démunies, aux ouvriers et aux travailleurs des chantiers, mais il n'a rien déclaré à ces gens ni même, pour donner un coup de pouce au SMIG. Notre dirigeant ne veut pas voir la situation. Il ne veut surtout pas sortir du monopole des pays du Golfe. Il était, d'ailleurs, très clair là-dessus. « Notre relation avec l'Arabie Saoudite est une question de principe et stratégique », réitère-t-il. Parlant toujours de la situation économique, et plus particulièrement de la dénotation de la Tunisie suite à l'évaluation de l'agence spécialisée dans le domaine, « Standard and Poor's », Jebali fait une lecture le moins que l'on puisse dire pas convaincante. Il considère que cette « association ou organisation » comme il l'a bien prononcé « est en train de sanctionner la démocratie ». Toutefois, « à quelque chose malheur est bon », juge le Chef du gouvernement provisoire. Système de sécurité en déliquescence Commentant la question de la sécurité et les actes de violence menés dernièrement par des groupes de salafistes et de leur impact sur l'image de la Tunisie et surtout sur le tourisme, Hamadi Jebali insiste sur le fait que « le système de sécurité est en déliquescence morale et humaine ». Il considère que des « syndicats de sécurité sont en train de jouer un rôle négatif et que leurs communiqués sont d'ordre politique ». Mais une question se pose à ce niveau. Quelle est la politique adoptée par le gouvernement provisoire pour appliquer la loi et arrêter ces groupes ou ces individus qui imposent leur dictat aux citoyens ? Aucune réponse n'a été prononcée par le dirigeant pour témoigner d'une bonne volonté d'appliquer la loi en vigueur. « Dictature laïque puis dictature islamiste » En revanche, il est essentiel de dire que le Chef du Gouvernement s'est adressé à Abou Iadh, leader des salafistes Djihadistes tout en l'appelant au dialogue et à l'organisation dans un parti politique. « Diffusez votre message dans les tribunes » appelle Hamadi Jebali qui se voulait très rassurant sur toutes les questions, dont le tourisme. Il juge que l'image de la Tunisie transmise ces derniers jours est négative et ne reflète pas la réalité. Et ce à cause des médias, laisse entendre notre dirigent tout en signalant « qu'aucun incident n'a été enregistré dans un hôtel, ni qu'aucun touriste n'a été agressé ». Mais il faut dire que c'est assez tard, car les pays étrangers parlent déjà « des groupes d'islamistes qui commettent des exactions très grave pour imposer la Chariâa en Tunisie », renchérit Marine Le Pen hier, dans l'émission « Question d'Info » diffusée sur la chaîne française LCP. Elle considère même que « la dictature laïque était remplacée par une dictature islamiste ». Il est temps dès lors de voir les choses de manière plus claire, d'être réaliste et d'arrêter de pointer du doigt et d'accuser l'autre : (médias, syndicalistes, juristes...). Il est urgent de lancer un vrai débat avec tous les acteurs pour faire sortir la Tunisie de cette impasse et de ne pas attendre que « la roue tourne », comme a dit notre dirigeant en arabe « hatta el ijla dour ». Il voulait dire « El Ajla », la roue ». Car en parlant de la « Ijla » nous sommes dans un autre vocabulaire totalement différent. La « Ijla » est la génisse, qui risque d'être traite une fois qu'elle devient vache. Et nous chanterons ainsi la fameuse chanson de Chikh Imam « Bakarat Haha Ennataha ».