Très périodiquement depuis quatre ans les journées de céramique d'art reviennent et s'installent dans une ambiance de fête à Sidi Kacem Jelizi pour encore une fois concrétiser la démarche de ce centre d'art qui consiste, aujourd'hui, comme hier, le passé, non pas pour le motiver et s'y maintenir passivement, mais pour le saluer et l'impliquer dans une démarche critique et moderniste assumée. L'année dernière, en pareille époque et malgré les événements de l'année 2011, les journées de céramique de Sidi Kacem furent consacrées à la confrontation pacifique entre des céramistes contemporains espagnols et des céramistes presque de la même trempe tunisiens. Les jeunes artistes tunisiens ont exploité ce workshop pour connaître les expériences très enrichissantes de céramistes espagnols de haute voltige.
L'expérience 2011 concerne aussi bien le travail sur le matériau argile (plusieurs sortes) que la confection formelle, l'émaillage et enfin la cuisson.
La même expérience est reprise, aujourd'hui, en 2012, c'est devenu une tradition pour la coopération espagnole de participer fortement à la réalisation commune d'une telle performance.
N'oublions pas que Sidi Kacem Jelizi est andalou et c'est peut être pour cela que les espagnols ont, depuis longtemps favorisé la création du centre national de la céramique artistique en finançant tout son équipement. Qu'ils en soient remerciés ici.
La présence au Workshop de cette année de céramistes espagnols est donc tout à fait logique. D'autres céramistes de pays étrangers viennent se joindre aux jeunes tunisiens pour animer la rencontre. En plus de Maryam Cheltout l'artiste tuniso-française, très connue, le Centre Sidi Kacem accueille cette année un céramiste égyptien, Khaled Sirajeddine, deux espagnols, Carmen Vila et le maître Joan Corrillo. Une céramiste suisse, venant de l'Egypte, complète le tableau, un tableau, cette fois-ci international.
L'approche de cette session 2012 est suscitée par la céramique musulmane la plus primitive et la plus ancienne, celle du début de l'implantation musulmane en Ifriqiya.
La céramique référence des Workshop de cette année est celle de la mosquée aghlabite de Kairouan et plus particulièrement de la céramique à reflets métalliques.
Historiquement, cette céramique très appréciée par les hommes de sciences pour son originalité technique (émaillage nouveau) et pour sa signification historique et artistique constitue une thématique de taille pour les céramistes.
Tout le monde connaît l'importance de la mosquée de Kairouan et des étapes de sa construction.
La réfection de 836 de la mosquée suivie de celle de 862 a consisté une extension de sa surface (3 travées) mais surtout par la réfection de la couple précédent le Mihrab et surtout la parure de ce Muhrab (Adnan Louhichi ; céramique islamique de Tunisie), c'est cette parure qui nous importe. Louhichi dit que outre les panneaux de marbre sculpté, c'est l'ensemble de carreaux de faïence qui constitue l'originalité et l'importance de l'aménagement du Mihrab. Ces carreaux de faïence sont à reflets métalliques et représentant un ensemble unique de carreaux de 161 pièces dont 127 sont bien conservés in situ.
Les carreaux sont d'abord monochromes et sont lustrés en or jaune ou en or vert clair avec des reflets encore frais qui tournent au rose.... au violet, au jaune. Ce spectre changeant est déterminé par l'angle de vue et l'intensité de la lumière.
D'autres carreaux sont polychromes à décor vert, brun et ocre.
Les reflets sont multiples, jaune, doré, bleu et vert, passant par des variations et dégradations de couleurs importantes.
Le chromatisme bleu et vert a perduré jusqu'au 12ème siècle, aussi bien dans les sites ifriqiyens qu'autour de la Méditerranée à Béjaya, ainsi qu'à Qalaât Béni Hamed. Mais aussi en Occident méditerranéen, au Portugal, en Espagne andalouse ou chrétienne, en Sicile, en Italie et à Marseille, en France.
D'autres de Karkouan, ces couleurs à reflets métalliques ont conquis des régions multiples du monde.
1100 ans, après, l'expérience est refaite et voilà que le Centre national de la céramique artistique de Sidi Kacem Jelizi, refait le chemin autrement que dans le passé.
L'objectif de l'opération proposée par Mohamed Hachicha, est éminemment, culturelle et artistique. Comment ressusciter sans nostalgie, l'éclat des reflets métalliques d'antan ?
Le problème est apparemment technique puisque les jeunes visent à maîtriser les techniques et le savoir faire anciens du reflet métallique, le perpétuer et le transmettre à leur tour aux plus jeunes.
Les résultats en produits artistiques créés par les différents participants au Workshop, sont impressionnants en qualités techniques et surtout en effets et reflets de couleurs miroitantes splendides. La leçon a été compris et donnée par tous nos artistes. C'est dire que le Workshop a atteint pleinement ses buts. Je vous invite à aller voir l'exposition à Sidi Kacem Jelizi pour vous convaincre pour l'éclat retrouvé de la céramique à reflets métalliques.