Les mémoires des hommes d'Etat tunisiens se poursuivent sans se ressembler. Le dernier en date est celui de Hédi Mabrouk « un diplomate hors pair », comme le décrivait Chedly Klibi. Ils étaient des centaines à Beïet El Hikma, vendredi soir à assister à la séance de présentation du livre de Hédi Mabrouk Feuilles d'Automne, des membres de la famille, des amis, des diplomates, des hommes de lettres et de médias. C'est un monsieur qui a longtemps servi la Tunisie. Au cours de sa carrière, il a eu à assumer plusieurs charges dans la haute sphère économique et politique avec un long passage à l'ambassade de Tunisie en France et comme ministre des Affaires étrangères dans le dernier gouvernement de Bourguiba. Samy, le fils précisera que le livre donne une certaine idée de la Tunisie. Le texte a été écrit par le père. Il a fallu attendre 12 ans pour publier l'ouvrage. « C'est grâce à la Révolution que le livre a pu être publié ». Mohamed Masmoudi de Sud Edition affirme que « ce beau livre fait partie d'une série qui met en relief la Tunisie des dernières années. Hédi Mabrouk était parmi les meilleurs de sa génération ». Ce livre propose une collection de photos qui ramène le lecteur à une époque heureuse « où l'amitié et la générosité étaient présentes ».
Chedly Ayari, ancien ministre de Bourguiba, présentera le livre dans un français impeccable qui témoigne de dons littéraires en plus de ses qualités d'économiste.
« Le livre de Si Hédi a un côté romancier sans être auto-biographique ». Ce sont des mémoires qui montrent que l'auteur avait un regard prospectif sur la scène. « C'est un carnet de voyage, quasiment un journal intime ». Les lecteurs peuvent y retrouver des choses connues, d'autres non connues et ce, grâce à « la densité de sa vie publique, sa grande accessibilité professionnelle et privée à l'information et sa discrétion ». Le livre regorge d'informations et de matière abondante. Des portraits et des révélations enrichissent le livre. Tout en restant discret sur sa propre personne et sa famille, il avait peint au vitriol certains personnages, comme Ben Ali sans les désigner. « Il manie bien l'humour beldi et tunisois », dit le conférencier.
L'auteur a parlé de l'époque coloniale, de Wassila Bourguiba qui a eu « le bonheur d'avoir fait le choix du camp de la Résistance ». Il a parlé de la gravité de son activisme politique et diplomatique.
« Les feuilles d'automne » ne manquent pas de révélations. Chedly Ayari en relève quatre. La première concerne la chronologie des étapes vers la démocratie. La culture politique de Bourguiba, n'autorisait pas d'espérer que le Père de la Nation s'accommoderait de la Démocratie. La deuxième révélation concerne l'épisode Ben Salah. Bourguiba avait soutenu l'expérience des coopératives juste comme manœuvre de diversion devant la montée du gauchisme. Il voulait montrer que les coopératives sont une utopie. Il a soutenu Ahmed Ben Salah de façon tactique et conjoncturelle. Il envisageait la chute de Ben Salah bien avant 1969. « On ne peut le dédouaner des erreurs économiques de cette époque », renchérit Chedly Ayari. Concernant l'assassinat de Salah Ben Youssef, Hédi Mabrouk, ne pense pas que Bourguiba ait été son instigateur désigné. La quatrième révélation concerne le mur de La Marsa. « Rompre les relations avec la France pour un mur de clôture, facilitera leur rétablissement ». « C'était un motif futile voulu ou provoqué en relation avec l'affaire de l'Algérie.
Ridha Mabrouk, le patriarche de la famille ne cachait pas son bonheur. La présentation du livre représente pour lui, un grand moment inespéré. « Il y a dans ce livre de quoi être fier en tant que Tunisien », dit-il.
L'éditeur Masmoudi, fait l'éloge de la grande simplicité et la grande intelligence des moments et des hommes de Hédi Mabrouk. « Le texte se suffit à lui-même. La documentation est très importante. Si Hédi cultivait le sens de l'amitié en gardant des photos de ses amis ». De longues séances ont été consacrées au choix des photos. Un véritable panorama est fait. « Un grand plaisir de partager l'itinéraire d'un homme exceptionnel », conclut-il.
Dans la préface du livre, Chedly Klibi écrivait : « Hédi Mabrouk était une des figures les plus brillantes de la société tunisienne. Ancien « Sadiki », il maîtrisait l'arabe et le français. Issu d'une famille à cheval sur Monastir et Tunis, il tenait des deux et connaissait aussi bien les us et coutumes de la capitale que ceux de la Tunisie profonde ».
Un document que les historiens sauront exploiter à bon escient.