• La promulgation de la loi sur l'instance provisoire de la magistrature, principale revendication des juges • Les négociations se poursuivent encore, affirme le ministère Les magistrats ont entamé, hier, une grève de trois jours en signe de protestation contre le retard qu'accuse la promulgation d'une loi portant création de l'instance provisoire de la magistrature. Le taux de participation à cette grève a atteint environ 90%, selon les statistiques de l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT), qui a lancé le mot d'ordre de la grève.«Le taux de suivi du débrayage s'est situé à environ 90% sur l'ensemble du territoire. Dans certains tribunaux, dont ceux de Sousse, Sfax et Mednine, nous avons enregistré des taux de participation de 100% », souligne Raoudha Karafi, vice-présidente de l'AMT , indiquant que les juges adhérents au Syndicat des Magistrats Tunisiens (SMT) ont aussi observé la grève. Et d'ajouter : « A travers leur grève, les magistrats protestent contre le retard enregistré en ce qui concerne la promulgation de la loi portant création d'une instance supérieure indépendante pour la magistrature. Ils expriment également leur attachement à ce que cette instance soit réellement indépendante du pouvoir exécutif ». Mme Karafi a également fait savoir que le ministère de la Justice cherche à mettre la main sur cette instance provisoire chargée de gérer les affaires de la magistrature en attendant l'élection d'un nouveau Conseil supérieur de la magistrature. «Le ministère perçoit l'instance provisoire de la magistrature comme une entité administrative placée sous sa tutelle alors que les magistrats s'attachent à l'indépendance et à l'autonomie financière de cette instance », a-t-elle noté. La vice-présidente de l'AMT a précisé, dans ce cadre, que l'ensemble des magistrats souhaitent que le nombre des magistrats élus dépasse celui de ceux nommés par le ministère de la Justice au sein de cette instance.
Détérioration
Par ailleurs, l'Association des magistrats a fait assumer la responsabilité de la détérioration du service de la justice aux autorités. « Les juges continuent à travailler en l'absence de toute garantie d'indépendance. C'est pourquoi nous pensons que le pouvoir assume pleinement la détérioration de la situation de la magistrature et des magistrats qui résulte d'un vide institutionnel », a-t-elle indiqué dans un communiqué publié hier.
Sur un autre plan, l'association a exprimé son refus du recours au mécanisme de révocation des magistrats en matière d'assainissement du corps de la magistrature, jugeant que cette procédure ne permet pas de dévoiler la vérité, et de juger ceux dont la corruption est avérée dans un contexte qui garantit la transparence et le droit à la défense.
Du côté du ministère de la Justice, on se contente d'affirmer que « les négociations sur la mise en place d'une instance provisoire de la magistrature, qui se poursuivent encore, ont abouti à des avancées concrètes sur beaucoup de points », sans autre précision.
A noter que les magistrats tunisiens avaient observé une grève de deux jours, fin mai, à l'appel du Syndicat des Magistrats Tunisiens, une structure créée au lendemain de la révolution, pour exiger la révision d'une mesure de révocation prise par le ministre de la Justice à l'encontre de 82 magistrats soupçonnés de corruption sous le régime de l'ancien président Ben Ali.
Le SMT avait, lui aussi, jugé que la révocation des magistrats est « contraire aux fondements de la justice transitionnelle qui exigent de révéler la vérité au peuple et de juger ceux qui ont violé les droits, tout en garantissant des jugements équitables et surtout le droit à la défense ». L'AMT n'avait pas cautionné cette grève.