Toute atteinte à l'intégrité physique ou morale de l'être humain, tendant à le faire souffrir, est considérée comme une torture. Celle-ci peut aller de la simple nuisance jusqu'aux sévices et exactions entraînant des séquelles d'ordre physique et psychique. La Déclaration Universelle des droits de l'Homme, adoptée le 10 décembre 1948 par l'ONU est le premier texte juridique condamnant la torture et où il est stipulé notamment que nul ne peut être soumis à des actes de traitements cruels, dégradants et inhumains. La Convention Européenne des Droits de l'Homme, de 1951 interdit également la torture sous toutes ses formes.
La Tunisie a été concernée par le problème de la torture depuis l'ère romaine, où l'arène du Colisée d'El Jem, étaient animés par des spectacles de torture au cours desquels des condamnés à mort, des gladiateurs ou des esclaves étaient livrés aux fauves.
La torture a continué pendant les périodes où la Tunisie était sous occupation espagnole, turque ou française.
A chaque période ses tortures et ses supplices. La prison de la Goulette El karraka nous donne une idée, si infime soit-elle des exactions que subissaient les prisonniers par les geôliers (le mot karraka, signifie d'ailleurs en turc, supplice)
Durant l'ère coloniale, les sévices que subissaient les autochtones étaient aussi bien d'ordre physique que psychique. Les humiliations étaient parfois pires que les tortures corporelles.
A l'avènement de l'indépendance, le pouvoir pourtant pleinement souverain a hérité des méthodes coloniales notamment en ce qui concerne la torture.
Les geôliers que ce soit dans les caves du ministère de l'Intérieur, ou dans les prisons ont acquis les méthodes les plus sophistiquées de la torture pratiquées surtout dans les locaux de la police ou dans les prisons.
Sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali, la torture est devenue la règle surtout à l'encontre des prisonniers politiques. Ces derniers sont tous ceux qui ont été inquiétés pour leurs opinions ou pour leur idées contraires à la politique du régime en place.
Il n'en reste pas moins que dans les textes, la torture est légalement condamnée que ce soit par la constitution de 1959 ou certaines lois dont la dernière sous Ben Ali a été celle de 1999. Outre le fait que notre pays a adhéré à la convention internationale contre la torture.
Retour aux anciens réflexes dans les postes de police
Selon certains observateurs la torture est de retour après la révolution, dans les postes de police et surtout dans les prisons.
C'est ce qu'a affirmé la militante des droits de l'Homme Radhia Nasraoui, au cours d'une conférence de presse, organisée le lundi dernier sous le thème » le phénomène tortionnaire en Tunisie » précisant qu'elle a reçu des plaintes dans ce sens de la part de plusieurs personnes. Elle a surtout dénoncé les mauvais traitements dont continuent à être l'objet certaines personnes, à l'occasion d'une garde à vue ou même d'un interrogatoire musclé.
Il y a de plus en plus un retour aux méthodes pratiquées sous l'ancien régime, telles que les arrestations arbitraires, ou l'interpellation de certaines personnes en s'introduisant chez eux, tel que l'ont affirmé plusieurs parmi les participants à la conférence de presse précitée.
....et dans les prisons ?
Pour sa part, Imen Triki présidente de l'organisation « Liberté et Justice » affirme qu'il y a un retour en force de toutes les formes d'exactions dans les prisons où des mâtons n'hésitent pas à utiliser le choc électrique comme moyen courant pour mater les détenus. Ces pratiques ont notamment été utilisées, précisa-t-elle à l'égard des détenus dans l'affaire de Bir Ali Ben khelifa.
Radhia Nasraoui, a rappelé que l'extradition de Baghdadi Mahmoudi, acte contraire aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie, est une forme d'encouragement à la torture.
Réformes institutionnelles et changement des mentalités
Par ailleurs Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle a déclaré dans une conférence de presse que « les violations des droits de l'Homme ne s'arrêtent pas avec le changement du régime en place ».
Ajoutant que « la rupture avec le passé, qui a été marqué par la violence de l'Etat, impose des réformes institutionnelles et juridiques, outre le changement des mentalités »
Dans cet objectif, Samir Dilou a annoncé la création de la Ligue tunisienne des Droits et des Libertés. Le rôle de celle-ci contribuera-t-il à consolider celui de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme ? Cette dernière a toujours été, par le passé, dans le collimateur, tant du régime de Bourguiba que de celui de Ben Ali.
Il est donc nécessaire que le gouvernement intervienne par des textes de lois claires et explicites pour sanctionner le recours à la torture et condamner tous ses auteurs quels qu'ils soient.
Bien entendu il est important que la condamnation de la torture, de manière inconditionnelle, soit consacrée par la nouvelle Constitution.
Plus de place pour la torture. C'est un principe intangible, et nécessaire pour la consolidation de la Justice transitionnelle.