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L'Union méditerranéenne: gadget diplomatique ou projet viable ?
Chronique
Publié dans Le Temps le 04 - 08 - 2007

La Méditerranée est la frontière la plus inégale du monde. Et cette inégalité ne cesse de se creuser. En témoigne le nombre grandissant de jeunes sud-méditerranéens, réfugiés alimentaires et immigrés clandestins qui frappent à la porte de l'Europe en quête d'un travail et d'une qualité de vie qu'ils ne trouvent pas chez eux.
Le projet d'Union méditerranéenne (UM), préconisé par le président français Nicolas Sarkozy, va-t-il réussir là où le processus Euromed, lancé douze ans auparavant, semble avoir échoué jusque là : réduire le fossé, qui n'est pas qu'économique, entre les rives nord et sud de la Mare Nostrum ?
Parmi les projets que Nicolas Sarkozy a annoncés au cours de sa compagne électorale, celui de l'UM revêt une importance particulière pour les habitants de la rive sud de la Méditerranée, tant par ses objectifs proclamés que par ses incidences imprévisibles.
Le président français a parlé pour la première fois de ce projet, le 7 février, à Toulon. Dans le discours prononcé dans cette ville portuaire du sud de la France, Sarkozy a d'abord dressé le constat d'échec du processus de Barcelone, lancé en 1995 et censé rapprocher les pays riverains de la Méditerranée. Avec ses 38 membres (les 27 de l'Union européenne, la Commission européenne, son instance exécutive, et 10 pays du Sud), l'enceinte Euromed, engluée dans les affrontements israélo-arabes et les rivalités interarabes, s'est révélée irréalisable ou, tout au moins, difficile à mettre en place. Ce processus aurait échoué «parce qu'il est un avatar du dialogue Nord-Sud qui place les pays du sud de la Méditerranée dans une position de dépendance vis-à-vis de leurs voisins plus prospères du Nord», mais aussi parce qu'il «crée des relations inégales entre le centre et la périphérie» et, surtout, parce qu'il mise sur «le développement du commerce et du libre-échange, ce qui revient à confondre la fin et les moyens», comme l'a écrit Daniel Vernet dans ''Le Monde'' du 10 juillet.
Un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique
C'est donc en partant de ce constat d'échec que Sarkozy a cru devoir lancer le projet d'UM, un regroupement régional des pays méditerranéens et un espace de civilisation où, comme l'a expliqué le président français, nos «sociétés ouvertes retrouveront leur capacité d'intégration et inventeront de nouvelles manières de vivre ensemble». «C'est à la France de prendre l'initiative d'une UM, comme elle prit jadis l'initiative de construire l'Union européenne (UE)», a aussi déclaré Sarkozy. Avant d'expliquer: «Cette UM aura vocation à travailler étroitement avec l'UE et à avoir avec elle des institutions communes. Elle pourrait s'organiser autour de rencontres périodiques de ses chefs d'Etats et de gouvernements (...) et aurait un Conseil de la Méditerranée.» Autre précision de taille apportée à cette occasion par celui qui était alors le candidat à l'UMP à l'Elysée: la Turquie, qui n'a pas vocation à intégrer l'UE, doit être «le pivot» de cette nouvelle enceinte, dont les objectifs prioritaires seraient de «prendre en charge des questions de lutte contre le terrorisme, la gestion concertée des migrations, le développement économique et commercial et la promotion de l'Etat de droit dans la région.»
Le soir même de son élection, le 6 mai, Sarkozy est revenu sur ce projet, dont la première ébauche a été réalisée par Henri Guaino, son proche conseiller et «plume» attitré. Il a ainsi lancé un vibrant «appel à tous les peuples de la Méditerranée»: «Le temps est venu de bâtir ensemble une UM qui sera un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique».
Sa première tournée maghrébine, les 10 et 11 juillet, en Algérie et en Tunisie, a été, pour le président français, une occasion idéale pour préciser davantage les contours de son projet, ambitieux certes mais encore trop vague. Son porte-parole, David Martinon, a expliqué que le projet d'UM vise à créer «un espace de solidarité et de coopération» axé sur la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, le développement durable, l'énergie, le co-développement, l'immigration. Il a ajouté que la logique de l'UM serait celle «des réalisations concrètes» pour «créer des solidarités de fait».
Depuis, d'autres éléments de définition ont été apportés par le président français et ses collaborateurs. On a ainsi appris que l'UM serait circonscrite aux pays riverains de la Méditerranée, auxquels s'ajouteraient le Portugal et, peut-être aussi, la Mauritanie et la Jordanie, qui n'ont pas d'accès à cette mer intérieure. Elle s'articulerait autour de sommets (G-Med), une sorte de G8 auquel serait associé un Conseil de la Méditerranée, analogue au Conseil de l'Europe. Un système de sécurité collective serait aussi mis en place, le co-développement étant la base du contrat entre les signataires. Le dialogue politique mené au sein d'Euromed serait également poursuivi parallèlement. Car, comme l'a précisé Sarkozy dans une interview à ''El-Watan'' d'Alger, le 10 juillet, «il ne s'agira pas de refaire, ni de défaire, ce qui a déjà été fait, mais de redonner vigueur à ce qui existe, de voir quelles structures assuraient au mieux le pilotage du dispositif et de décider d'ores et déjà de quelques initiatives concrètes.»
Développer des synergies interrégionales et intra-régionales
Dans son intervention au Forum de l'ATUGE, le 19 juillet, à Tunis, M. Serge Degallais, ambassadeur de France en Tunisie, a abondé dans le même sens: «L'UM ne remplace ni ne s'oppose à l'Euromed. Elle pourrait même aider à faire avancer ce processus, mais sur de nouvelles bases», a-t-il dit. De même, a-t-il ajouté, «l'enceinte 5+5 pourrait trouver sa place dans l'exécution des programmes de l'UM». Traduire: il n'y aura pas de conflit mais une complémentarité des partenariats.
Tout en rappelant que l'UM «n'est pas une initiative lancée par le Nord en direction des pays du Sud, [qui serait] à prendre ou à laisser», et en insistant sur le fait que celle-ci «reste à élaborer par les partenaires concernés», le chef de la représentation diplomatique française à Tunis a ajouté, au cours du même forum, que ce projet vise à renforcer «l'identité méditerranéenne», qui «risque de se dissoudre dans un ensemble plus vaste allant de l'Oural à l'Atlantique et de la mer du Nord à Tamanrasset», en allusion au processus Euromed que l'élargissement de l'Europe semble avoir rendu impraticable. «L'UM n'est pas réservé aux happy few. Elle ne réunira pas les premiers venus», a cependant ajouté M. Degallais. Selon lui, celle-ci «ne concernera pas seulement les pays méditerranéens, mais restera ouverte à d'autres régions (Europe du Nord, Centrale et de l'Est, Pays du Golfe...).»
Comment l'UM pourrait compléter le processus Euromed voire le renforcer ? Selon le diplomate français, la part des projets transversaux dans les pays sud-méditerranéens représente 5% des moyens dégagés par l'UE sur le plan bilatéral au profit de ces mêmes pays. Il y a aussi, selon lui, une dispersion des moyens qui vont dans la zone méditerranéenne. Car, si les Etats peuvent assurer la coordination des projets à leurs niveaux respectifs, il n'y a pas encore de cadre régional [l'Union du Maghreb Arabe n'étant pas encore réellement fonctionnelle, NDLR] permettant d'assurer le financement de projets transversaux et leur harmonisation au plan régional». Selon le diplomate français, l'UM pourrait remédier à cette carence en aidant à «développer des synergies interrégionales et intra-régionales» et en mettant en route des projets structurants dans les domaines du transport et de l'énergie (gaz, électricité, énergie nucléaire civile...).
Comment mettre en place ces projets transversaux, tout en évitant les lenteurs bureaucratiques que l'on reproche souvent à la CE, ainsi qu'à ses partenaires sud-méditerranéens ? M. Degallais préconise, à cet effet, «la mise en place de structures légères pour assurer le suivi des projets et programmes» Soit, donc, un «petit secrétariat» qui gèrerait «des projets à géométrie variable» qui concerneraient, simultanément et selon les cas, le Maghreb et le Golfe, l'Europe et le Maghreb, le Proche-Orient et l'Europe, le Proche-Orient et le Maghreb, etc.
Les avantages et les inconvénients
Vue sous cet angle volontariste, l'UM présente de nombreux avantages. Pour l'UE d'abord, qui a déjà absorbé l'Europe de l'Est, et qui a aujourd'hui besoin du Sud pour se développer et pour sécuriser ses approvisionnements énergétiques et maîtriser les flux d'immigration clandestine. Pour les pays sud-méditerranéens ensuite, où la proportion d'actifs dans la population devrait s'accroître d'ici à 2020, et qui, de ce fait, ont besoin de se développer rapidement, de créer des emplois et des richesses. Leurs réserves d'hydrocarbures n'étant pas, par ailleurs, inépuisables (les experts estiment leurs réserves de 20 à 40 ans), les pays maghrébins sont appelés à assurer, eux aussi, dès maintenant, leur avenir énergétique. C'est dans ce cadre qu'il convient de situer l'offre de partenariat dans le domaine du nucléaire civil faite par Sarkozy au cours de ses récentes visites en Algérie et en Libye. Ses hôtes envisagent d'ailleurs d'y répondre favorablement, notamment en s'engageant, en contrepartie, à sécuriser les approvisionnements gaziers de la France, de manière à la rendre moins dépendante du gaz russe.
L'UM doit cependant faire face à plusieurs obstacles et blocages potentiels, dont le conflit israélo-palestinien, qui a contribué à plomber le processus de Barcelone, n'est pas le moindre. Admettre Israël au sein de cette nouvelle enceinte, ce qui est somme toute inévitable, risque en effet d'y importer le conflit israélo-arabe avec les conséquences que l'on imagine.
Il y a aussi les susceptibilités de Bruxelles, qui a de fortes raisons de craindre que l'UM n'enterre définitivement l'Euromed dans sa nouvelle version, la Politique européenne de voisinage (PEV), ou encore les réserves de l'Espagne et de l'Italie, pays traditionnellement actifs sur le front méditerranéen, qui ne voient pas d'un bon œil, eux aussi, l'activisme méditerranéen de Sarkozy et, surtout, sa manière de faire cavalier seul sur un dossier dont ils se sentent les premiers concernés.
A tous ces problèmes, on pourrait ajouter les divergences, sinon les rivalités, qui empoisonnent les relations entre certains pays sud-méditerranéens, notamment entre le Maroc et l'Algérie dont les frontières communes sont fermées depuis 1994 à cause du problème du Sahara occidental, sans oublier le conflit opposant Chypre et la Turquie.
Ce dernier pays qui brigue un statut beaucoup plus gratifiant de membre à part entière de l'UE a de bonnes raisons, lui aussi, d'opposer son veto à un projet présenté ouvertement, par son initiateur même, comme une alternative à son entrée dans l'UE.
Il reste aussi à voir la réaction des pays sud-méditerranéens à ce projet après son élaboration et annonce officielle, probablement sous la présidence française de l'UE, au deuxième semestre de 2008. Si certains de ces pays, notamment l'Algérie, la Tunisie et la Libye, qui ont des réserves sur le processus Euromed, ont montré un certain intérêt pour le projet sarkozien, d'autres attendent d'en savoir plus pour se prononcer.
Ces pays, qui attendent de l'Europe davantage d'aides financières et d'investissements directs étrangers, voudraient bien voir la France jouer en Méditerranée le rôle unificateur que les Etats-Unis ont joué en Europe après 1945. Mais que peut offrir la France à ses partenaires du Sud, en plus de ce que l'UE leur a déjà offert jusque là, et qui reste très en-deçà des besoins ? Que représentent en effet les 20 milliards que Bruxelles a consacrés au programme Euromed de 1995 à 2005 devant les 125 milliards de dollars que les Américains ont dépensés entre 1947 et 1951 pour la reconstruction de l'Europe ?


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