Dès l'entrée au Centre Culturel international de Hammamet, une grande fresque murale en émail recouvre une muraille autrefois sans vie. Cette fresque acquise par l'Etat a trainé longtemps dans les archives faute d'espace pouvant la contenir. « Heureusement, aujourd'hui, elle vient de trouver un bon emplacement à sa juste mesure » nous déclare la femme du peintre feu Habib Blel, disparu le 16 mars 2002. En effet, cette sculpture est un beau monument visuel qui attire l'attention des visiteurs du Centre qui accueille depuis le 1er juillet une exposition des œuvres de ce peintre intitulée « Rêves d'émail».
Une exposition à titre posthume qui nous fait découvrir les différentes possibilités qu'offre l'émail. Habib Blel, qui est devenu maitre en la matière, n'était pas du tout destiné à ses débuts à devenir artiste peintre. Ingénieur en génie civil, il découvre la technique de l'émail tout à fait par hasard au cours d'un séjour de convalescence en Suisse. C'est souvent de la sorte que commence l'amour de l'art, lors d'un événement douloureux qui survient à un moment de la vie de quelqu'un. Alors, on se met à remettre tout en question.
C'est ainsi que de retour en Tunisie, il essaie d'utiliser cette technique sur le cuivre, l'argent et l'or. Le résultat est époustouflant, alors il décide d'en faire sa principale activité d'autant plus que sa participation à la Biennale d'Osaka en 1993 lui vaut une récompense. Plus d'une trentaine d'années, il entretient une relation très proche et amicale avec ce matériau auquel il donne toute son imagination et sa créativité. Habib Blel s'est donc spécialisé dans le travail de l'émail pour devenir l'artiste incontournable dans cette discipline.
Des centaines d'œuvres de différents formats et genres forment l'essentiel de son œuvre qu'il expose souvent dans sa propre galerie. Les émaux exposés à Dar Sébastien à Hammamet provoquent la curiosité des visiteurs parce qu'elles invitent au rêve et au voyage. Un imaginaire riche et inventif transposé sur des espaces divers. Les thématiques se déclinent en plusieurs genres du portrait de Charlot, de danseuse classique aux figures mythiques immortalisées sur le support en passant par le thème classique de la médina. Les formes et les couleurs prennent une dimension irréelle et onirique produit de l'action du feu sur le cuivre. Le four et la poudre avec lesquels l'artiste a travaillé durant toute sa vie sont également exposés.
Tel un dresseur de fauves, Habib Blel réussit à dompter ce matériau résistant grâce à sa maitrise de l'art du feu en introduisant parfois une touche humoristique à ses œuvres d'une grande subtilité et une harmonie agréable. Cela est sans doute dû à son étonnement face à la vie qui recèle tant de richesse au niveau des tons de couleurs et des formes prodigieuses. Audacieuse reste sa démarche qui perpétue un art né au 6ème siècle avant JC avec les Egyptiens, puis les Byzantins qui ont mis les bases de l'émaillerie et enfin les Chinois et les Japonais qui ont excellé dans cet art et l'ont transmis à l'Europe et au reste du monde.
L'exposition est ouverte au public qui cherche à s'émerveiller au contact d'un art ô combien précieux.