-Les affiliés réclament davantage d'information alors que les médecins spécialistes libéraux sont encore réticents... Un mois après son entrée en application, le nouveau projet de l'assurance-maladie n'est pas encore parvenu à une phase de bilan mais, un constat reste toujours possible pour relever les premières impressions de tous les intervenants et, là, les affiliés sont unanimes : l'information précise manque terriblement. : « Personne, même pas les guichets de la CNAM, ne dispose des éléments nécessaires pour fournir les éclaircissements demandés par les affiliés. Malgré leur bonne volonté, les agents ne parviennent pas à répondre à nos interrogations. Pourtant, le service d'accueil a un rôle important en matière d'information et d'orientation, surtout dans cette phase de démarrage de la réforme. C'est un poste très sensible. Or, il est confié à un agent de sécurité au centre du Bardo !! Donc, il est clair qu'un grand travail reste à faire sur ce plan. ». Du côté des professionnels, l'impression générale est qu'il n'y a pas eu pratiquement de changement dans le mode de suivi des prises en charge des maladies de longue durée sauf que le nouveaux cas (les Affections Prises en Charge Intégralement) doivent passer systématiquement par un médecin conventionné. Quant à l'application des parcours de soins ne sera entamée qu'au 1er juillet 2008. Les affiliés auront à choisir, d'ici le 31 mars prochain entre l'une des trois filières proposées. Faute de quoi, ils seront intégrés dans la filière hospitalière. Entre-temps, il est nécessaire de palier ce déficit communicationnel par la multiplication des campagnes de sensibilisation expliquant la consistance de la réforme et facilitant l'accès à ses prérogatives. D'ailleurs le Temps a cherché à avoir une idée sur les interrogations en suspens de chacun des intervenants dans cette réforme pour contourner les points qui restent à élucider.
Du côté des affiliés Du côté des affiliés, le principal souci concerne essentiellement l'accès aux prestations médicales. En effet, l'ancien régime, notamment pour les affiliés de la CNRPS, leur permet d'accéder aux consultations de tout le corps médical, public et privé. Par contre, la réforme restreint la consultation aux prestataires de services conventionnés avec la CNAM. Et comme les médecins ne font, semble-t-il, pas la queue pour se conventionner, le choix des affiliés est très réduit surtout dans les grandes concentrations comme Tunis et Sfax. A Tunis, ils ne sont même pas 10 % à être conventionnés. En plus, souligne un affilié : « la consultation suppose une confiance du patient dans les capacités du médecin auquel il confie sa santé. Or, la liste est très limitée, d'une part, et contient essentiellement des praticiens en manque de clientèle, d'autre part. Aucun des noms des grosses, voire les moyennes pointures de la médecine n'y figure*. C'est donc un pas en arrière en matière de choix des médecins auxquels les affiliés ont accès. Ceci représente une forme de pénalisation des affiliés que la CNAM est appelée à réviser. La CNAM peut s'inspirer de l'exemple français en matière d'accès aux prestations de tous les praticiens et de privilégier les médecins conventionnés pour le remboursement. Autrement, ils ne pénalisent pas les médecins non conventionnés mais, plutôt, les affiliés en restreignant leur choix à un groupe défini de praticiens. C'est une atteinte à un principe fondamental de la déontologie qui accorde la liberté de choix du médecin par le malade. ». Les affiliés crient aussi à un manque flagrant de communication sur les différents sujets qui intéressent les affiliés et, notamment, les retraités parmi eux. Selon eux : « l'entrée en application de la réforme a été précédée de tout un tapage médiatique sur le ticket modérateur. Or, rien de ceci n'a été, encore, pratiqué en raison de l'application progressive de la réforme. En plus, ce processus progressif n'est pas du tout assimilé par les affiliés. C'est autour de tels détails que les campagnes de sensibilisation doivent être axées. »
Les prestataires des services Si du côté des pharmaciens, des laboratoires d'analyses médicales, des centres de radiologie et, voire les dentistes, aucun problème n'a été posé en matière d'honoraires. Les médecins spécialistes libéraux contestent la proposition qui leur a été faite par la CNAM et qui a été scellée par la convention sectorielle signée avec le Syndicat Tunisien des Médecins Libéraux. Ils trouvent qu'elle n'est pas en harmonie avec l'esprit du code de déontologie concernant les honoraires et le libre choix du médecin par le malade, notamment. Ils réclament l'ouverture de négociations avec leur syndicat représentatif : le Syndicat Tunisien des Médecins Spécialistes Libéraux « STMSL » pour un éventuel annexe à la convention sectorielle qui permet d'expliciter certains points litigieux. D'ailleurs, c'est ce qui explique le faible taux de conventionnement de cette corporation (inférieur à 20%). La réforme de l'assurance-maladie passe, donc, par une phase transitoire. Le gros des dossiers gérés concerne les anciennes prises en charge de maladies de longue durée (près de 60.000). La base de données de la CNAM est en phase de constitution. Le réseau de prestataires privés des services médicaux est en gestation. La structure de remboursement a dépassé le cap du rodage. Mais, c'est surtout la communication qui manque. Pourtant, c'est le pilier fondamental de toute réforme. Donc, beaucoup de travail reste à faire, surtout en matière de communication de l'information. Mourad SELLAMI
* Hormis les médecins qui pratiquent l'activité privée complémentaire et dont la présence dans cette liste soulève des interrogations quant à la légalité du conventionnement des APC.