Invitée d'honneur des Rencontres cinématographiques de Hergla (14-19 Juillet), Sarah Maldoror, la grande cinéaste antillaise deux fois primée aux JCC EN 1969 avec son court-métrage « Monogambée » et en 1972 avec « Sambizanga » a fait escale jeudi 12 Juillet au Cinémadart de Carthage. Présentée par Férid Boughedir à un public peu nombreux mais intéressé, Sarah Maldoror fait partie des derniers survivants d'une génération de cinéastes témoins des soubresauts de l'histoire du continent africain. A la fois cinéaste et militante, Guadeloupéenne de naissance, africaine d'adoption, française de résidence, Sarah Maldoror a étudié au VGIK de Moscou où elle a côtoyé entre autres Sembène Osmène, elle tourne depuis 1969 documentaires et fictions. Sa rencontre à Paris avec Mario de Andrade, poète et fondateur du MPLA angolais a été décisive dans sa formation politique et dans l'intérêt qu'elle porte au continent africain. Une programmation heureuse nous a donné à voir son premier court-métrage « Monogambée » réalisé en 1969 et son dernier documentaire « EIA Aimé Césaire » réalisé en 2009. En dépit de la mauvaise qualité de la copie qui nous a été présentée, « Monogambée » est une très belle découverte. Adapté d'une nouvelle de l'auteur angolais Luandino Vieira, tourné en Algérie avec des comédiens algériens, » Monogambée » traite de la question de la torture des résistants angolais par les colons portugais. Filmé comme un ballet, dans un noir et blanc très travaillé, orchestré par de très beaux morceaux de Jazz du « Art ensemble of Chicago » où viennent s'entrechoquer rythmes archaïques et sons ultramodernes, ce court-métrage de Sarah Maldoror tranche avec une cinématographie africaine des années soixante engluée dans un volontarisme politique au premier degré. Les corps souffrants y sont sensuels, lestes et expressifs, chorégraphiés comme dans un ballet adossés à une musique qui grince, choque, progresse et décline dans une perturbation continue des sens et de la perception. Un film qui s'inscrit de plain-pied dans la modernité cinématographique. « EIA Aimé Césaire », second film de la soirée est le troisième documentaire réalisé par Sarah Maldoror sur le grand poète martiniquais. Dans cette élégie joyeuse tournée en 2009, ( Césaire est décédé en 2008) , les images extraites des précédents documentaires réalisés par Sarah Maldoror sur le poète martiniquais, nous montrent un Césaire à la fois passionné par sa terre et passionnant de par la limpidité de son verbe, la clairvoyance de sa vision, la cohérence de sa pensée. Papa Césaire comme aiment à l'appeler les martiniquais était autant soucieux des grandes idées ; l'histoire tragique des martiniquais, le statut de ce département de la République française que de petites gens, paysans et pêcheurs auprès desquels il passait une partie de son temps.
Cet hommage rendu à une grande dame du cinéma afro-antillais se prolongera quelques jours à Hergla durant les Rencontres cinématographiques. Il est d'autant plus impérieux aujourd'hui que l'on a tendance à vouloir nous faire oublier cette dimension africaine consubstantielle à notre identité nécessairement plurielle.