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Amal Sewtohul et la quête identitaire
Littérature Mauricienne
Publié dans Le Temps le 20 - 07 - 2012

Fils d'émigrants chinois à Maurice, le protagoniste du nouveau roman de Sewtohul, Made in Mauritius, a grandi dans un conteneur dans la Chinatown de Port-Louis.
Avec ses amis indiens, fils de coolies et aussi misérables que lui, il parcourt les faubourgs de la capitale de long en large. Ils incarnent les espoirs et les désillusions de la jeune génération mauricienne.

Il y a du Bernardin de St-Pierre, mais aussi quelque chose de Salman Rushdie et d'Arundhati Roy dans le nouveau roman du Mauricien Amal Sethowul. Made in Mauritius est le troisième livre sous la plume de ce romancier talentueux. On pourrait définir son thème comme la quête identitaire romantique en temps de bouleversements post-coloniaux. Paul et Virginie ont changé de nom et de couleur de peau, et leur idylle revue et corrigée se lit sur fond de guerre (et paix) des civilisations dont l'ancienne « Ile de France » est devenue le lieu emblématique.

Quarantenaire, Sewtohul appartient à la nouvelle génération d'auteurs qui sont en train de renouveler depuis deux décennies la littérature mauricienne. Il est le fils spirituel d'Edouard Maunick, la grande figure de la francophonie du Sud et le petit frère d'Ananda Devi dont les récits percutants de la guerre des sexes et des classes donnent à voir son île natale sous un angle résolument nouveau.

Des anti-héros mémorables

Amal Sewtohul, lui, s'est fait connaître en mettant en scène des personnages d'anti-héros mémorables, confrontés aux mystères et complexités des origines. Ses personnages ont pour nom Ashok (dans Histoire d'Ashok et d'autres personnages de moindre importance), Sanjay (dans Les Voyages et aventures de Sanjay, explorateur mauricien des anciens mondes) ou Laval qui est le principal protagoniste de son dernier opus. Ils errent sur la route de la vie et du monde à la recherche de leur identité d'homme-carrefour, installé au confluent d'une pluralité de traditions. Hommes au destin tragique, ils ne sont pas des Mauriciens comme les autres, mais paradoxalement ils n'en sont pas moins représentatifs des hommes et femmes de leur génération, comme le rappelle la dédicace à l'ouverture de Made in Mauritius consacrée « à tous les Mauriciens de la génération de l'Indépendance » !

Né dans un conteneur cargo que ses parents émigrés de la Chine de Mao ont installé au cœur de la Chinatown de Port-Louis, Laval s'inscrit dans cette génération de l'Indépendance dont il incarne à travers sa propre histoire personnelle les espoirs et les désillusions. Une histoire personnelle douloureuse dont les origines remontent aux soubresauts de la Chine post-impériale que les parents du protagoniste ont fuie dans l'espoir d'un avenir meilleur. La misère les guette dans la capitale mauricienne où ils ont débarqué au début des années 1950. Elle a englouti leurs rêves et leurs espérances.

Une nation « arc-en-ciel »

Laval s'en sort mieux. Sans doute parce qu'il a su s'intégrer dans l'histoire de son pays. Il s'agit bien entendu d'« histoires » avec un « s », « histoires » au pluriel, car Maurice dont il est natif n'est point une nation monolithique, mais une nation « arc-en-ciel ». Son histoire est la somme des histoires des communautés qui y cohabitent. Grâce aux amis qu'il s'est fait dans la communauté indienne, Laval a très tôt accès à cette pluralité qu'il vit comme une véritable libération. Parcourant les faubourgs et les banlieues en compagnie de ses âmes damnées indiennes, répondant aux beaux noms de Feisal et d'Ayesha, il se libère de ses fantasmes et de ses obsessions communautaristes symbolisés par le conteneur cargo chinois amarré à tout jamais au marché portlouisien. Ses amis le font rentrer dans leurs propres mythologies, fondées comme celles des émigrés chinois dans la peur et le rejet de l'autre. En leur compagnie, Laval apprend progressivement à surmonter ses limites pour mieux se mesurer à l'autre, à l'aune d'une hybridité domestiquée et féconde.

Les plus belles pages de ce poignant récit de formation sont celles où Laval et son ami indien Feisal découvrent le paysage de leur pays dans toute sa beauté luxuriante, à l'occasion d'une marche quasi initiatique à travers les champs de canne. « Nous sommes montés sur une petite bosse qui nous permettait de regarder au-dessus de la végétation, et nous avons regardé le paysage au-delà de l'autre versant de la colline. C'était la première fois que nous voyions à quoi ressemblait l'île, en dehors de Port Louis. (...) C'était à la fois très pauvre, et rempli d'une beauté difficile à décrire, la beauté des lieux oubliés, la route était parfois bordée de grands arbres centenaires, et en voyant de temps à autre des ruines en pierre de moulins à sucre. Comme je l'ai dit plus tôt, c'était un jour où le ciel était couvert de nuages épais, et la lumière qui les traversait tombait en pyramide sur les collines au loin, comme si Dieu se promenait ici et là sur l'île. "Alors comme ça, ceci est mon pays, me suis-je dit, à un moment. Mais personne ne me ressemble". »

Made in Mauritius ne se réduit pas toutefois à cette appropriation de l'histoire et de la géographie de l'île qui en constitue certes une dimension essentielle. Mais pour donner la véritable mesure de la richesse de cette saga baroque de Maurice indépendante, il faudrait aussi pouvoir parler de la vie amoureuse de Laval avec... Ayesha, de leur séparation, de leur émigration en Australie, de Sultan son fils qui ne se reconnaît guère dans l'histoire de son père. En fait, ce dernier ne s'est jamais vraiment libéré de ses obsessions originelles du conteneur empli de souvenirs d'un autre monde. Mais dans « conteneur », il y a aussi « conteur », tapi comme une ambition, comme une identité secrète que Laval ne saura jamais transmettre à sa postérité. C'est cela peut-être, sa tragédie !
(MFI)
Made in Mauritius, par Amal Sewtohul. Collection “Continents noirs", Editions Gallimard, 307 pages.


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