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« Ce que je retiens de l'histoire en général, c'est sa façon d'enseigner et de renseigner sur la vérité... »
Interview de l'artiste musicologue et universitaire, Mohamed Zinelabidine, Président du Laboratoire de Recherches en Culture, Nouvelles Technolo
Publié dans Le Temps le 24 - 07 - 2012

Mohamed Zinelabidine qui est à la fois musicien-compositeur, musicologue et homme de culture, compte à son actif trois doctorats d'Etat dans des domaines pluridisciplinaires qui contribuent à faire valoir le statut d'artiste en Tunisie.
Il assume aujourd'hui plusieurs tâches et fonctions : directeur du laboratoire de recherche en culture, nouvelles technologies et développement» ; directeur de l'Institut supérieur de musique et de musicologie de Tunis ; chercheur à l'Université de Paris I Sorbonne – Panthéon, dont il est membre depuis 2001.

Il vient de participer au mois de juin dernier, à un colloque organisé à l'initiative du Professeur Eliane Chiron, directrice du Centre de recherches en arts visuels à Paris I-Panthéon Sorbonne, avec la participation d'artistes et universitaires tunisiens et français. A vrai dire, Mohamed Zinelabidine n'a pas chômé depuis sa démission du ministère de la culture en 2011, car comme on le sait toujours, ses projets se suivent et ne se ressemblent pas. Entretien.

Le Temps : cela fait quinze mois que vous avez remis votre démission au ministre de la Culture de l'époque, Ezzedine Bechaouch, le regrettez-vous ?

Mohamed Zinelabidine : non, pas le moins, le 14 janvier 2011 a été pour moi une date abasourdissante venue pour lever l'hypothèque sur une période qui mérite aujourd'hui qu'on s'y attarde avec analyse, objectivité et moins de ferveur. Je ne pouvais pas rester au poste comme si de rien n'était, car tout compte fait, je ne suis pas un administratif de carrière, encore moins un politique de circonstance. Je suis un universitaire et artiste tout court, quelqu'un qui se nourrit des idéaux intellectuels et républicains et qui y participe à sa façon. J'approuve quand il le faut et m'indigne quand c'est le cas. A ce titre, le Président déchu n'a pas déçu seulement ses opposants politiques, il a déçu tous les Tunisiens partisans et opposants. Les Tunisiens n'en reviennent pas devant la complexité du système d'intérêts financiers et économiques que Ben Ali couvait et dont il était à la fois protecteur et bénéficiaire. Une telle réalité soudaine quand elle surgit suite au 14 janvier 2011 pour lever le voile à tout son secret, elle ne peut être qu'apocalyptique pour tous les Tunisiens, sans exception. A titre personnel, ce ne sont point les petits avantages que procure un poste de conseiller de ministre ou de directeur général qui m'auraient convaincu de rester au poste, tous ceux qui me connaissent, reconnaissent plutôt en moi l'homme de volonté et d'action qui ne renonce jamais à ses principes. Ce que je retiens de l'histoire en général c'est sa façon d'enseigner et de renseigner sur la vérité. Même si les deux dernières décennies ont compté beaucoup d'acquis, tout au moins dans les deux secteurs que je connais le plus, l'enseignement supérieur et la culture, il était temps pour moi d'opérer une coupure, une distance et une évaluation par rapport à toute forme d'implication du passé. Ma démission a été aussi une dénonciation portée à l'encontre d'un ministre, en l'occurrence Ezzedine Bechaouch. Sans doute, l'homme de culture est respectable, mais son passage comme ministre de la culture a conjugué à la perfection populisme, clientélisme, déroute et confusion.

*Est-ce que cela veut dire que vous en arrivez à regretter certains actes ?

- Quand je réalise la portée des petits postes de responsabilité que j'ai occupés pendant la dernière décennie et ce que j'en ai fait au concret, relativement à l'immense travail que j'aurais pu faire valoir pour mon pays si l'occasion m'était donnée, l'équation est loin du compte. Peu de gens connaissent en effet mes parcours universitaires soldés par l'obtention de trois doctorats dans trois universités différentes de la Sorbonne en Sociologie culturelle, en Histoire de la musique et musicologie et en Géopolitique et sciences de l'art, en plus d'une agrégation à Paris-Vincennes. Aussi ma carrière internationale d'artiste-musicien ayant beaucoup appris de l'ouverture et des contacts avec les plus grands artistes évoluant dans les meilleurs centres et théâtres du monde. Enfin, ma formation à l'Ecole Nationale d'Administration dans le cadre de la troisième promotion de l'Institut des hauts fonctionnaires de l'Etat et la formation en « leadership et gestion par la qualité » en Grande Bretagne, en Corée du sud, à l'Institut de Défense nationale...Un tel parcours, inédit je dois dire, y compris en Europe et aux Etats-Unis, aurait servi amplement et davantage à un pays en voie de développement comme la Tunisie. Ce que je regrette le plus aujourd'hui, c'est la volonté délibérée d'assécher le pays, d'en exclure les personnes-ressources. Ces compétences sont aujourd'hui, pour une large part, acculées au silence et font les frais de calculs à la fois politiciens et arbitraires. Maintenant pour ce qui me concerne, c'est différent, car je continue d'agir dans des contextes internationaux, notamment à l'Université Paris-Sorbonne, à l'Université Paris-Descartes, à la Fondation des Savoirs Europe-Méditerranée pour la culture, au Groupe d'études et de recherches sur les mondialisations...entre autres implications. J'y interviens comme directeur de recherches et expert en Culture et développement. Sans manquer de rappeler mon élection, en mars dernier, dans le cadre de la société civile, pour diriger l'Institut Thétis de la Méditerranéité, issu de l'Association pour la Culture et les arts Méditerranéens que préside l'universitaire Mansour M'henni.

* Depuis votre démission du projet de la Cité de la culture, quelles actions avez-vous menées ?

- J'ai présidé plusieurs jurys de thèse à l'Université Paris I-Panthéon Sorbonne, dans le domaine des arts visuels. Cela m'a permis d'évaluer des pistes de recherche innovantes en rapport avec les arts, les technologies de l'information et de la communication, l'esthétique et la poïétique. Les doctorants ont été français, tunisien et omanais. J'ai également repris avec, les chercheurs tunisiens du Laboratoire de recherche en culture, NTIC et développement nombreuses rencontres scientifiques et artistiques pour repenser le rôle de l'art et de la culture à l'aune postrévolutionnaire et la deuxième République en chantier. Comme c'est un laboratoire qui compte artistes, écrivains, musiciens, juristes, économistes, sociologues, philosophes.... l'échange est toujours très instructif pour promouvoir autrement les politiques publiques de la culture et des arts en Tunisie. Nous avons fêté, au mois de mars 2012, la 80ème Conférence thématique du laboratoire et la 26ème Conférence consacrée aux politiques culturelles et les stratégies de développement, organisée conjointement avec le Centre de recherches en arts visuels de Paris I-Panthéon Sorbonne, dirigé par le Professeur Eliane Chiron et le Groupe d'études et de recherches sur les mondialisations de Paris 8-Vincennes, présidé par le Pr François de Bernard. Je continue aussi mon engagement en tant qu'expert international en politiques de développement culturel, ainsi j'ai donné une conférence en juin dernier dans le cadre de la Fondation des Savoirs Europe-Méditerranée que dirige le Professeur Bernd Thum, à Stuttgart...etc. Je viens d'achever aussi la rédaction de quatre publications pour les éditions de la Sorbonne, pour l'Allemagne et le Maroc, en plus de mes directions de thèse.

* Pour revenir aux stratégies de développement culturel, comment jugeriez -vous l'action du ministère de la culture après la Révolution du 14 janvier 2011 ?

- Depuis le 14 janvier jusqu'au 23 octobre 2011, le ministère a joué au pompier et un dysfonctionnement total a caractérisé cette période. Maintenant que l'élection de l'ANC a dégagé un gouvernement élu, on est en mesure d'attendre une action assagie, concertée, réfléchie et prospective. Il s'agit maintenant de réengager une politique à même de réorganiser le secteur de l'art, de la culture et du patrimoine comme secteurs d'activité et de croissance, de création de richesses et de développement durable. C'est à cette condition seule que la Tunisie pourrait accéder au droit à la culture, à la décentralisation régionale, à la démocratisation culturelle, à l'implication de la société civile, à l'investissement, à l'entreprenariat et au travail indépendant. De mémoire d'universitaire et de chercheur, nous y avons beaucoup travaillé, en appelant à la bonne gouvernance culturelle, à la moralisation de la gestion culturelle publique, à une distribution rigoureuse de l'aide à la création artistique selon des critères transparents, à une gestion saine des grands festivals et du sponsoring culturel, à une meilleure politique d'emploi culturelle selon les besoins et impératifs historiques et socio-économiques afin que les deniers de l'Etat soient répartis de manière justifiée, équitable, décentralisée et paritaire. Voilà autant de chantiers à promouvoir pour la préservation et la revivification du patrimoine culturel matériel et immatériel en Tunisie

* Et pour la Cité de la culture ?

- Il faut rappeler, pour le cas de la Cité de la culture, qu'il y avait deux structures administratives différentes pour le suivi de sa réalisation, agissant sans rapport direct. Une première structure créée en 2005 et qui dépend directement du ministère de l'équipement et se charge du bâtiment, des aspects techniques, architecturaux, en plus des équipements, disposant d'un budget autonome. Une deuxième structure créée en 2008 et qui relève directement du ministère de la culture, c'est celle-là que j'ai chapeautée depuis 2008. Son objectif a été de piloter une étude stratégique pour définir les meilleurs modes d'exploitation de la Cité de la culture sur les plans juridique, comptable et gestionnaire. Cette Unité de gestion était fondue dans les services du ministère de la culture et ne disposait pas d'un budget autonome. Malgré cela, un immense travail y a été entrepris par des centaines d'artistes et d'experts nationaux et internationaux, pour la plupart bénévoles, ayant proposé les statuts de la Cité de la culture et veillé à la réalisation de la première Cinémathèque nationale tunisienne, du premier Musée national des arts contemporains, des premiers Théâtres de l'Opéra national de Tunis. Ces équipes ont aussi défini les politiques sectorielles pour la chorégraphie, le théâtre, la musique, l'opéra, les arts plastiques, les arts contemporains, le cinéma avec une ébauche de création du chœur de l'Opéra de Tunis, l'orchestre de l'Opéra de Tunis...ainsi qu'un noyau préfigurant le théâtre national lyrique. Paradoxalement, après la Révolution, aucune attention réelle n'a été accordée à cet immense travail ô combien structurant pour la politique culturelle, ce qui est un véritable gâchis. D'autant que toute politique publique tient à la continuité de l'ouvrage, à l'alternance des responsabilités, à l'élucidation des paramètres d'évaluation de l'existant parmi les expressions artistiques, la gestion des institutions, l'état des lieux patrimoniaux, les conditions de production des œuvres, la résonance des arts dans l'environnement social, les modes de création et leurs conditions, le rapport entre connaissances et compétences, les rapports entre aptitudes et emploi, la précision du rôle des collectivités territoriales communes, départements et régions, le mécénat, l'incitation juridique en faveur des opérateurs privés, le rôle des associations et de la société civile, les modes et circuits de production et de distribution, la diversité des médias et des industries culturelles, l'application des droits de propriété intellectuelle et artistique, les brevets d'invention technique...En prenant exemple sur les politiques culturelles des pays avancés et développés, nous retrouvons ces schémas d'analyse. Nous l'avons suffisamment dit et répété par le passé, nous ne le redirons jamais assez !

* Serait-ce pour cette raison que vous avez organisé à l'Université Paris I-Panthéon Sorbonne un colloque international sur la Révolution tunisienne sous le thème « Révolution, Art et Mutation »?

- C'est à l'initiative du Professeur Eliane Chiron, directrice du Centre de recherches en arts visuels à Paris I-Panthéon Sorbonne que ce colloque s'est tenu le 9 juin 2012, avec la participation d'artistes et universitaires tunisiens et français dont bien sûr Eliane Chiron, Françoise Brunel, Radhi Daghfous, Mansour M'henni, Hélène Merquié, Michel Salssmann, Saifallah Ben Abderrazak et moi-même. Nous avons passé en revue la particularité révolutionnaire tunisienne en la comparant à d'autres Révolutions survenues en Europe et ailleurs pour en dégager le rôle des artistes, des intellectuels et des universitaires. Nous avons débattu de « la souveraineté de l'image », du « révolutionnaire-artiste », de « l'art pour et par le peuple sous la Révolution française », de « soudain la Révolution à plume déployée ; la Révolution tunisienne dans trois textes de littérature tunisienne d'expression française », de « l'étincelle qui cherche la poudrière », de « la Révolution tunisienne dans le processus des mouvements sociaux de la Tunisie à l'époque islamique », de « jusqu'au bout du quai n 2 » et enfin de « la vie musicale en Tunisie après la Révolution du 14 janvier, état des lieux et attentes ». La publication de ces actes est prévue pour la fin de l'année.

* Pour conclure, quelle Révolution pour la culture et quelle Culture pour la Révolution en Tunisie ?

- L'histoire des pays développés renseigne que ce sont les artistes et les intellectuels qui ont souvent été à l'avant-garde des métamorphoses et transmutations sociales, psychologiques et esthétiques du monde, autant que cela soit le cas de cette Tunisie de l'après 14 janvier 2011 ? L'ingéniosité, le talent, la créativité sont là. J'invite donc tous les acteurs de l'art et de la culture à sauvegarder la mémoire culturelle tunisienne non sans anticiper sur une liberté d'agir et de créer en faveur de l'art contemporain, l'art d'avant-garde. Au moment où le nouveau Gouvernement s'évertue à explorer les concours porteurs d'employabilité et réducteurs de chômage, il y a moyen de créer à travers la culture, les arts, les métiers de production, de logistique et de médiation et dans toutes les régions du pays des milliers d'emplois dans ce secteur... une perspective édifiante que la Tunisie, sans ombrage, est en mesure d'assurer et d'assumer !

Propos recueillis par : Sayda BEN ZINEB


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