Les figues de barbarie, plus connues sous nos latitudes sous le qualificatif de « Hendi » sont déjà arrivées dans nos marchés alors que leur saison n'a pas encore commencé. L'arrivée prématurée de ces fruits peu couteux et très prisés par les gens de condition modeste et même par la classe moyenne, ne fait évidemment pas le bonheur des marchands de fruits car leurs fruits seront moins concurrentiels.
L'un d'eux se bagarrait d'ailleurs avec un jeune homme qui avait disposé sa brouette pleine de Hendi juste à côté de ses fruits de saison si chers, si inaccessibles. Après avoir évincé le jeune homme, il nous dira : « ces jeunes nous ruinent en nous faisant une concurrence déloyale. Moi je paye des taxes et un loyer et eux ils viennent détourner nos clients à leur profit... »
Et il est vrai que bon nombre de familles n'achètent plus, ou ne peuvent plus acheter, que ces figues de Barbarie. Au marché Sidi El Bahri, nous rencontrons une dame aux revenus modestes abonde dans ce sens : « moi j'attendais l'arrivée du Hendi avec impatience. C'est le seul moment de l'année où je peux me payer des fruits tous les jours. Le reste du temps, je ne peux en acheter qu'une fois par semaine... »
En ce mois de Ramadan qui a vu flamber les prix des fruits, elle n'est pas la seule à se comporter ainsi. Nous avons rencontré un très grand nombre de pères de familles et de femmes au foyer qui faisaient leur marché le regard inquiet, l'air hagard, étonnés par cette flambée certes habituelle, mais qui a atteint des sommets cette année.
Surnommé « Soltan El Ghalla » (le sultan des fruits), le « Hendi » est vendu de diverses façons et à des prix variables. Actuellement, on entasse ces fruits dans des boites plus ou moins grandes que l'on vend à un Dinar, ce qui reste assez abordable. En effet, chaque boite contient entre deux et trois kilos de « Hendi », ce qui revient à 300 ou 400 Millimes le kilo. Ces fruits étant assez bourratifs, on n'en consommera que deux ou trois pièces par personne et par repas.
Et puis il y a ces jeunes chômeurs qui disposent de brouettes sur lesquelles ils entassent ces fruits non épluchés... Elles sont vendues cent Millimes pièce, un prix élevé qui s'explique par le fait que le marchand vous les épluche et vous les sert dans un petit sachet en plastique... Vous évitez ainsi les problèmes d'épines sur les doigts, qui font si peur aux clients peu habitués à manipuler ces fruits.
Un marchand a bien voulu nous donner sa technique pour éviter de se faire piquer : « il suffit de les laver abondamment à l'eau claire, les épines tombent toutes seules. Mais cela pose un problème, car il faut alors les vendre assez rapidement, car le Hendi ne se conserve pas très bien, une fois mouillé... » Un conseil à retenir pour les phobiques des épines de notre fruit si exotique, si apprécié par tous.
Bizarrement les supermarchés n'ont pas encore intégré ce fruit sur leurs étals. Explication d'un citoyen averti qui achetait du Hendi à la pièce : « c'est très probablement à cause de l'impossibilité de s'approvisionner régulièrement et aussi à cause du fait que ces fruits ne sont pas disponibles au marché du gros. Ils sont les seuls qui obéissent encore aux règles de la cueillette que pratiquaient nos ancêtres. »
Le grand capital n'a pas encore réussi à s'infiltrer dans tous les domaines, et c'est tant mieux pour le citoyen modeste...