Des associations féministes ont estimé, hier, que des menaces qui pèsent sur les droits de la femme tunisienne ainsi que sur les libertés en général, dénonçant un « revirement total» du parti islamiste Ennahdha par rapport à ses promesses électorales dans ce domaine. «Nous avons l'impression qu'une nouvelle dictature qui se base sur une Constitution ainsi que sur des lois liberticides s'installe peu à peu. Des restrictions pèsent sur les libertés au nom du respect des bonnes mœurs et de l'ordre public. L'adoption par la commission des droits et des libertés à l'Assemblée nationale constituante d'un article stipulant que la protection des droits des femmes et de leurs acquis est soumise au principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille est un revirement total par rapport aux promesses faites au cours de la campagne électorale par tous les courants politiques, dont le mouvement islamiste Ennahdha » , a affirmé Radhia Belhadj Zekri, présidente de l'Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement (AFTURD)
S'exprimant au cours d'une conférence de presse organisée à Tunis par son association en collaboration avec l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) et la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH) et consacrée à la présentation du programme des activités qui marqueront la célébration 56ème anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel (CSP), Mme Belhadj Zekri a également déclaré que les militantes féministes et les défenseurs des droits de l'homme sont «surpris par les positions prises par des représentants peuple et dont le seul but est la remise en cause du principe de l'égalité entre les sexes et le refus de la reconnaissance des droits humains des femmes ».
Article «très dangereux»
Dans ce même ordre d'idées, la présidente de l'ATFD, Ahlem Belhadj, a jugé que le principe de la complémentarité de la femme avec l'homme est « très dangereux » dans la mesure où il peut favoriser plusieurs interprétations qui risquent de remettre en question les acquis de la femme tunisienne. « L'article adopté par commission des droits et des libertés à l'Assemblée constituante pourrait ouvrir la porte à la remise en question du droit de la femme au travail puisque la complémentarité pourrait être interprétée dans ce domaine par le travail de la femme à l'intérieur de la maison et de l'homme en dehors du foyer familial. L'article en question peu aussi ouvrir la porte à la remise en question de la monogamie », a-t-elle précisé. ET d'ajouter : « Tout en exprimant notre refus catégorique de la complémentarité homme femme , nous réclamons plus que jamais la constitutionnalisation des droits des femmes tunisiennes et à l'adoption de la convention internationale de lutte contre toutes les formes de discrimination contre la femme (CEDAW).
De son côté, le président de la LTDH, Me Abdessattar Ben Moussa, a précisé que les espoirs qu'avait naître la révolution, à savoir l'égalité, la liberté, la dignité et la démocratie comment à s'évaporer. « Le ministère de l'Intérieur interdit de nouveau l'organisation de marches pacifiques alors que des syndicalistes ont été torturés à Sfax. Dans le projet de la constitution en cours d'élaboration, on stipule que le droit de la vie est sacré mais on indique que seule la justice peut remettre en question ce droit à la vie en prononçant des peines de mort », s'est-il inquiété.
Programme riche
Par ailleurs, la présidente de l'ATFD a souligné que les associations féministes ont con concocté un programmé riche et varié pour la célébration 56ème anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel. Entamé le 8 août à Bizerte par une table ronde sur le thème « le Code du statut personnel : réalités et perspectives», ce programme comprend notamment des conférences-débats sur les perspectives des droits de la femme, des expositions sur le parcours du penseur réformateur Taher Haddad , qui était à l'origine du statut très évolué de la femme, et des projections de films documentaires sur les luttes des femmes tunisiennes dans tous les domaines. Des pièces de théâtre célébrant le rôle des femmes dans la construction de la Tunisie moderne, des concerts assurés par la chanteuse engagé Amel Mathlouthi et des concerts de rap sont également prévu.
Le point d'orgue des festivités sera l'organisation d'une marche pacifique pour les droits des femmes, le 13 août à 21 heures, de l'Avenue Habib Bourguiba à la Place des Droits de l'Homme.