La chronologie des évènements en Egypte depuis la confirmation de Mohamed Morsi au poste de Président de la République donne une préfiguration sur le professionnalisme politique du nouvel homme fort de l'Egypte. En prêtant serment devant la Haute Cour constitutionnelle ,le 30 juin dernier, Mohamed Morsi ,issu des Frères Musulmans et qui devient ainsi le premier président civil de la République à avoir été élu démocratiquement et de surcroît n'appartenant pas à l'armée ,prend déjà possession d'un pays ,longtemps habitué à une mainmise presque totale de l'armée.
Les premières décisions semblent donner raison à tous ceux qui ont misé sur la capacité d'ouverture des Frères Musulmans. En faisant un pacte avec les huit millions de libéraux qui ont voté pour lui au deuxième tour, en plus des cinq millions des voix provenant de son parti, le nouvel homme fort de l'Egypte avance à pas sûrs. Il donne forme aux prémisses d'un Etat civil fort et équilibré et consolide le long et difficile chemin qui doit mener à la démocratie.
Détrompant les plus avertis des observateurs ,qui lui donnent une marge de manœuvre très réduite face à un Conseil suprême des forces armées(CSFA), véritable Etat dans l'Etat, Morsi, en fin stratagème, est en train d'aplanir les obstacles et de démolir les plus solides des barrières. D'abord par la prise du pouvoir exécutif , la récupération du pouvoir législatif, après la dissolution par l'armée en mi-juin , de l'Assemblée nationale ,contrôlée par les islamistes ensuite par l'exclusion de l'armée de toute intervention dans la rédaction de la future constitution égyptienne.
Ces décisions ont été renforcées par l'écartement de l'institution militaire au pouvoir, notamment par la mise à la retraite du tout puissant maréchal Hossein Tantaoui(76 ans),véritable pilier du régime Moubarek et Ministre de la Défense pendant vingt ans ,sous l'ancien régime , ainsi qu'un certain nombre des dirigeants de l'armée. Cette grande surprise, impossible à envisager peu de temps avant, augure -t-elle de changements radicaux dans la nouvelle gestion politique, sociale et économique de l'Egypte post révolutionnaire ?
« Ce pas sur la bonne voie »,comme l'a exprimé l'ancien chef de l'agence internationale de l'énergie atomique ,ne doit pas fausser la carte de route pour mener le pays à une véritable démocratie et établir les fondements légitimes de l'Etat civil. Car le cumul actuel par le président des pouvoirs législatif et exécutif, s'il va durer, ne contredit-il pas les principaux fondamentaux de la démocratie ?
Par ailleurs dans un pays qui comprend plus de quatre vingt millions d'habitants et qui de surcroît connait les soubresauts d'une double crise économique et sociale aigue, minimiser à l'extrême le pouvoir de l'armée ne risque –t-il pas de causer de très graves problèmes pour la stabilité et la sécurité ?
Un trop grand pouvoir entre les mains d'un super Président ne ramenerait-il- pas l'Egypte à la case départ et n'impliquerait-il-pas de nouvelles revendications ?
Si la grave crise dans le Sinai ,où seize des gardes-frontières égyptiens ont trouvé la mort ,le 5 août près de la frontière avec Israël et Gaza ,a montré la véritable limite de l'armée égyptienne et a donné une occasion exceptionnelle au Président de faire le ménage ,en se débarrassant aisément d'éventuels concurrents dangereux, il est évident de se demander jusqu'où pourra aller Mohamed Morsi, en dehors de ses convictions religieuses, pour tenir ses promesses électorales et redonner à l'Egypte l'aura dont elle a toujours rêvé ?