La rentrée littéraire 2012 en France est placée sous le signe de la relève. Elle donne la parole à des écrivains français qui renouvellent l'inspiration. Le domaine étranger est dominé par des stars des lettres mondiales. Avec 646 nouveautés à paraître entre fin août et octobre, la rentrée littéraire 2012 en France s'annonce riche et prometteuse. Des valeurs sûres (Modiano, Echenoz) et des premiers romans novateurs. Selon le dossier consacré à la rentrée littéraire par l'incontournable Livres Hebdo (n° 916, 29 juin 2012), la moisson 2012 « affiche une stabilité relative et une belle créativité ». Stabilité en nombre par rapport à la moyenne des dix dernières années qui se situe à 677,8 titres, avec des pics de production en 2007 (727) et 2010 (701). Cette stabilité est particulièrement perceptible dans le domaine étranger avec 220 titres à paraître cet automne. La production étrangère dépasse rarement le chiffre fatidique de 230 titres, fictions et essais confondus. Cette année avec 220 parutions annoncées, on reste dans les normes. Littérature française
Les magazines (Livres hebdo, mais aussi Le Point, Le Nouvel Obs, etc.) attirent l'attention sur l'absence des stars comme Houellebecq ou Le Clézio dans la production française cette année, contrairement au domaine étranger qui mobilise les grands noms de la littérature mondiale : Rushdie, Toni Morrison, Ondaatje, Philippe Roth, Orhan Pamuk, Jim Harrison. Rien de tel en littérature française, où le terrain est occupé essentiellement par des jeunes (et moins jeunes) auteurs qui se sont signalés à l'attention au cours des dernières années par la maturité de leur écriture et leur imagination puissante et maîtrisée. Les Laurent Gaudé, les Philippe Claudel, les Linda Lê, les Véronique Olmi, les Benoît Duteurtre ou les Olivier Adam constituent la génération montante des lettres françaises dont la créativité et la diversité d'inspiration (histoire, biographie, politique, société, couple, autofiction) font d'elle la relève éclatante de mille promesses des Marguerite Duras et des Le Clézio.
La continuité francophone
Rappelons que cette continuité est aujourd'hui assurée aussi par les écrivains francophones, issus des pays où pour des raisons historiques (colonisation), le français s'est imposé comme la langue d'expression littéraire. Ce phénomène est né au début du vingtième siècle et s'est amplifié au cours des dernières décennies avec l'entrée en scène des auteurs exceptionnels tels que Sony Labou Tansi, Ahmadou Kourouma ou Patrick Chamoiseau. Avec une dizaine d'auteurs francophones programmés cette année, la rentrée littéraire 2012 témoigne de la grande vitalité de la francophonie littéraire. Les Marocains Abdellah Taïa et Tahar Ben Jelloun, les Libanais Amin Maalouf, Wajdi Mouawad et Hoda Barakat, le Guinéen Tierno Monénembo et, last but not least, la Guadeloupéenne Maryse Condé sont quelques-uns des auteurs francophones les plus attendus de cette rentrée littéraire.
Quelques mots sur les deux écrivains les plus marquants de cette rentrée francophone, Amin Maalouf et Tierno Monénembo. Le premier vient de rentrer à l'Académie française. Il a rendu l'Orient visible et lisible à travers son œuvre magistrale qui puise sa force dans la profondeur historique des pays du Levant et dans leur confiance infinie dans leur avenir multiconfessionnel et multiculturel. Son nouveau roman Les désorientés fait suite à son récit autobiographique Origines (Grasset, 2004) et poursuit sur le mode fictionnel les heurs et malheurs de son clan dispersé tant par l'histoire que par les ambitions personnelles.
Prix Renaudot 2008, Tierno Monénembo est pour sa part l'un des écrivains les plus importants de la littérature africaine contemporaine. Il est l'auteur d'une dizaine de romans et de nombreux articles et tribunes dans les journaux. Avec une fidélité à toute épreuve à sa Guinée natale, il explore son histoire, sa diversité, sa diaspora, sur un mode à la fois épique et nostalgique. Son nouveau roman Le terroriste noir (Seuil) remonte le temps et met en scène le destin hors du commun d'un Guinéen hors de la Guinée, qui rejoignit la Résistance française pour combattre le fascisme. Un livre qui fait partie de la dernière sélection (4 romans) du Prix Fnac du roman 2012 qui a été décerné le 28 août.
Rushdie, Morrison et Sepulveda, les stars du domaine étranger
Les principaux succès de librairie cette année concerneront sans doute beaucoup le domaine étranger, à cause de la qualité confirmée des auteurs mis en avant. Les principales régions représentées par ces auteurs sont l'Amérique latine, l'Amérique du Nord et le sous-continent indien. Comme le rappelle le dossier de Livres hebdo, la grande visibilité de l'Amérique latine s'explique par la place faite cette année aux auteurs latino-américains au Festival américain de Vincennes (du 20 au 23 septembre). Cette manifestation biannuelle qui fera venir à Paris 12 auteurs latino-américains fournira l'opportunité de découvrir de nouveaux talents (Elsa Osorio, Joao Almino, Herman Rivera Letellier) et de redécouvrir des auteurs traduits en français depuis plusieurs années, tels que le Chilien Luis Sepulveda (Métailié), l'Argentine Elena Poniatowski (Actes Sud) ou la Cubaine Zoé Valdes (Hermann).
Toutefois, c'est une Américaine du nord qui est l'invitée d'honneur du Festival America cette année. Il s'agit du prix Nobel de littérature 1993 Toni Morrison qui viendra présenter la version française de son dernier roman Home (Christian Bourgois). A 81 ans, la grande dame de la littérature noire américaine demeure une auteure majeure, maîtrisant avec brio les effets d'une narration toute en retenue et au souffle épique. Elle déploie dans son nouveau roman les thèmes qui lui sont chers : race, identité, violence, nation et enfance. Des thèmes qui se retrouvent, mais modulés autrement, dans le beau premier roman de Teju Cole, écrivain américain d'origine nigériane. Son roman Open City (Denoël) est un road-novel dédié à la ville de New York, devenue le miroir d'une âme en saison de quête. Parmi les autres titres nord-américains à paraître cette année, à ne pas manquer : La table des autres (L'Olivier) de Michael Ondaatje, Nemesis (Gallimard) et Grand maître (Flammarion) de Jim Harrison.
Enfin, s'il fallait retenir une date, s'agissant du domaine étranger, ce sera sans aucun doute le 20 septembre. Ce jour-là, paraîtra en sortie mondiale simultanée, le nouveau livre de Salman Rushdie intitulé Joseph Anton, mémoires (Plon). Joseph Conrad et Anton Tchekov, les deux auteurs préférés de l'écrivain britannique d'origine indienne. Leurs prénoms lui ont servi de pseudonyme pendant ses années de réclusion suite à la fatwa de l'ayatollah Khomeini. Rushdie revient sur ses années de plomb, la traque, la clandestinité et l'isolement. La parution de ses mémoires par l'un des auteurs les plus emblématiques de notre époque est un événement en soi, mais elle sera aussi l'occasion de se pencher sur les autres titres indiens et pakistanais programmés cet automne. Ils sont exceptionnellement nombreux cette année et révèlent des conteurs d'une modernité étonnante (Tarun Tejpal, Abha Dawesar, Arvind Adiga, Hari Kunzru, Mohammed Hanif). (MFI)