Concertations poussées entre le parti «Al-Aman», le Mouvement Wafa, le Parti de la réforme et du développement, le Parti de la Justice et du développement, le courant réformateur du PDP et des dissidents d'Ettakatol. Le paysage politique national connaît depuis l'annonce des résultats des élections de l'Assemblée nationale constituante (ANC) des remodelages successifs et surprenants comme seules les révolutions sont capables d'en produire. Les quelques 140 formations politiques légales semblent avoir compris que leur salut lors des prochaines élections passe par les alliances et les regroupements. La logique des rapports de force électoraux exige, en effet, des rassemblements des formations portant les mêmes valeurs. Avec 1,5 million de voix pour un corps électoral de plus de 7 millions et plus de 4 millions de votants Ennahda a remporté haut la main les premières élections libres post-Ben Ali. Presque autant de voix, données à des une centaine de petits partis et à listes indépendantes, se sont perdues dans le néant et n'ont aucun représentant à l'Assemblée: un immense réservoir de voix. Du coup, on a assisté à l'émergence deux alliances embryonnaires qui tentent de rallier à leurs causes respectives le maximum de partis : Nidâa Tounes qui se présentent comme une coalition centriste et le « Front populaire », qui regroupe déjà une douzaine de partis de gauche.
Une troisième coalition qui se présente comme étant «centriste» est en gestation. Le noyau dur de la nouvelle coalition comprend, selon les premières indiscrétions, du parti «Al-Aman» présidé par l'homme d'affaires Skander Rekik, le Mouvement Wafa (Fidélité), lequel regroupe des mécontents du Congrès pour la République (CPR), réunis autour de l'avocat Abderraouf Ayadi et le Parti de la réforme et du développement de Mohamed Goumani, un ex dirigeant du parti Démocrate Progressiste (PDP). La nouvelle alliance comptera également le Parti de la Justice et du développement, le courant réformateur du PDP dirigé par Mohamed El Hamdi et des dissidents d'Ettakatol menés par Salah Chouaïb.
Concertations poussées
Ces six partis centristes affirment tous vouloir militer pour la réalisation des objectifs de la révolution et éviter au pays de payer de sombrer dans une bipolarisation entre Ennahdha et ses alliés d'un côté et Nidâa Tounes et ses satellites de l'autre. Leurs dirigeants précisent que l'heure est désormais aux concertations poussées sur les modalités d'une fusion en bonne et due forme. « Nous sommes d'accord sur les principes fondateurs de la nouvelle coalition qui se veut avant tout une alliance politique et non pas un front purement électorale. Les discussions portent désormais sur les aspects organisationnelles et les modalités de la fusion entre les différents partis », souligne Skander Rekik, président du parti Al-Aman, né lui-même de la fusion de plusieurs partis centristes, dont l'Alliance Nationale pour la Paix et la Prospérité et Tounes Al-Karama (la Tunisie de la Dignité).
Cette nouvelle alliance qui devrait être annoncée officiellement dans les quelques semaines à venir apparaît comme l'une des conséquences des dissensions qui secouent Ettakatol, le CPR et le PDP. Bien qu'ils partagent le pouvoir avec Ennahdha à la faveur d'une alliance nouée après les élections, le CPR et Ettakatol n'ont pas été épargnés par les guerres fratricides. Ettakatol a été le premier à souffrir d'une véritable hémorragie, dans le sillage des démissions collectives de ses militants dénonçant «la déviation du parti des ses principes fondateurs». Les mécontents du CPR affirment être les vrais gardiens des valeurs du parti fondé par Moncef Marzouki en 2001. Ils accusent leurs rivaux au CPR d'avoir renoncé aux principes du parti comme la défense des libertés ou d'un régime politique semi-présidentiel. Les membres du courant réformiste du PDP ont, quant à eux, claqué la porte, le 28 avril, en signe de protestation contre le mauvais positionnement politique du parti et les « tripatouillages électoraux» ayant marqué, selon eux, les travaux du Parti Républicain.