Le Théâtre Municipal de Tunis a accueilli, vendredi denier, la première du premier one man show de Mohamed Ali Nahdi devant un public nombreux. Ce spectacle, qui fait la rentrée culturelle du Théâtre en question, a exigé plus d'une année et demie de préparation et de répétition. Dans un style humoristique, « Ezzmegri » passe en revue la scène politique et sociale de la Tunisie Post-révolution. Daly, comme l'appelle ses amis, en pleine forme physique, incarne différents personnages, du jeune au vieux, du snob à l'immigré, du bandit au policier, du viril à l'efféminé avec panache et dextérité. Ce qui dénote que le père Lamine, aux commandes de la mise en scène, n'a pas du tout été tendre avec son rejeton à qui il a tenté de transmettre avec justesse les astuces du métier d'humoriste qui consiste entre autres à faire rire le public de ce qu'il vit et connaît déjà en l'impliquant, par ailleurs dans le spectacle. Pour ce faire, Daly interpelle souvent le spectateur.
Il faut toute l'énergie d'un bon comédien pour passer d'un personnage à un autre sans tomber dans le ridicule et l'excès. Et si Lamine a mis environ trente ans pour entreprendre ce genre d'exercice avec en l'occurrence « Mekki et Zakia », Nahdi junior a vite appris à jongler avec les caractères des personnages et leurs situations tragi-comiques. « Ezzmegri » raconte l'histoire d'un jeune immigré fier de retourner dans son pays d'origine libéré enfin d'une dictature qui n'a fait que trop durer. Dans la nouvelle Tunisie, il essaie de comprendre le comportement de ses concitoyens en brossant les portraits de certains d'entre eux. C'est décomplexé, parfois salace, mais toujours caustique et jusqu'au-boutiste.
Les Nahdi père et fils foncent tête baissée ne craignant pas de froisser les moralisateurs qui ne verront, bien entendu, que grossièreté et provocation. Sous des apparences de légèreté, il y a de la substance. Par exemple lorsqu'ils évoquent le changement de comportement de la police à l'égard du citoyen. Daly décrit les deux visages de cette police, celle de la dictature : brutale et violente et après celle de l'après-révolution lâche et peureuse, puis plus loin l'attitude de la classe politique à travers le personnage efféminé qui souhaite que la composition du gouvernement soit assurée par des personnalités artistiques connues pour leurs penchants homosexuels.
Ce sont là des sujets tabous que des artistes comme Mohamed Ali Nahdi ou Lotfi Abdelli ont l'audace d'aborder avec humour sans que cela provoque la gêne du public sauf ceux qui se sentent visés. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que plus la caricature est outrancière et plus les limites de la transgression sont repoussées. En plus de son talent de comique qu'il est entrain de forger, Daly se révèle excellent danseur. Pour passer d'un registre à l'autre et permettre à son spectacle de respirer, il a pratiqué différentes danse occidentale et tunisienne.
Daly a surpris le public qui l'a gratifié d'une formidable ovation à la fin de la représentation. On peut dire que pour une première, elle est bien réussie et qu'il est un digne héritier de son père le grand comédien Lamine Nahdi dont il a envie de prendre la succession. Une belle affaire de famille.