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Citoyens et non « Zémigris »
Les Tunisiens à l'étranger et Ennahdha
Publié dans Le Temps le 12 - 10 - 2012

Le Conseil des Tunisiens à l'étranger, en question

Le naufrage au large des côtes de l'île italienne de Lampedusa dans la nuit du 7 au 8 septembre 2012, d'une barcasse de fortune, ayant entraîné la disparition une centaine de personnes environ sur les 156 se trouvant à bord, a été vécu par la population tunisienne, comme une tragédie nationale.
L'incurie de la classe dirigeante, occupée au moment du drame à célébrer dans une atmosphère indécente, un mariage collectif, digne des grandes mises en scène de Moon-Sun-myung, prophète autoproclamé de la secte « d'Unification universelle », et l'ampleur des pertes en vie humaine, a suscité une profonde émotion et soulevé une vague de protestation et d'indignation morale sans précédent contre le gouvernement de la Troïka, pointé du doigt comme étant le responsable de la désespérance de la jeunesse tunisienne.
Plus que jamais, la question de l'immigration, et le phénomène massif en particulier de la « harga », et les naufrages à répétition qui frappent notre pays dans ce qu'il a de plus précieux, imposent aux élites, au gouvernement de la Troïka, aux partis politiques et à la société toute entière, l'ouverture sans délai d'un dialogue national sans fard afin que chacun puisse faire face à ses responsabilités historiques.

L'actualité marquée par la radicalisation d'abord des mouvements sociaux, aboutissement logique de l'incompétence du gouvernement d'an-nahda et de ses alliés d'al-mu'tamar et d'at-takattul dans la gestion des affaires, leur incapacité à fournir des réponses aux urgences sociales et économiques du pays, et à garantir la sécurité des citoyens, ensuite par l'arrivée à échéance le 23 octobre 2012, du mandat confié par l'Anc au gouvernement transitoire, et enfin par les enjeux politiques et sociétaux qui aiguisent jour après jour les affrontements polémique au sein de la Constituante : égalité des sexes ; liberté de croyance ; liberté d'expression ; indépendance de la justice et des médias ; judiciarisation du sacré ; assauts successifs contre les conquêtes politiques et sociales ; islamisation wahhabite tantôt insidieuse tantôt expansive des rouages de l'Etat, de la société et de l'Administration ; irruption soudaine sur la scène nationale des courants ultra radicaux du salafisme et du jihadisme global et leurs ramifications respectives, dont la violence a atteint son paroxysme le 14 septembre 2012 dans la mise à sac de l'Ambassade des Etats-Unis d'Amérique et de l'école américaine.
Depuis la prise de pouvoir du gouvernement d'an-nahda-at-takattol-al-mu'tamar, à la faveur d'élections décrétés transparentes, le climat économique et social n'a cessé de se détériorer. L'échec dans la réalisation des objectifs de la révolution est sans appel. Sur le plan politique, plus les dérives répressives du régime prennent de l'ampleur, plus la bipolarisation du pays s'accentue et plus la société s'auto-organise pour endiguer, en l'absence de la neutralité de l'Etat, les involutions liberticides.

Prélude

Nul ne peut nier les difficultés inhérentes à une phase de transition. La Tunisie continue à subir de plein fouet, sur le plan institutionnel, des chocs puissants depuis le lancement, au lendemain du 23 octobre 2011, du processus de la Constituante et de la reconstruction des institutions de l'Etat. Cette étape majeure à tout point de vue, se déroule sous nos yeux et ceux du monde entier, où la moindre dérive, le moindre faux-pas, risque d'hypothéquer pour longtemps l'avenir des générations futures. Avec l'invention du régime politique qui présidera aux destinées de notre peuple, la définition des nouveaux pouvoirs - exécutif, législatif et judiciaire -, les corps intermédiaires et les Instances indépendantes, c'est notre responsabilité à tous qui est engagée, pour que la Tunisie qui surgira des contractions douloureuses, puisse être la patrie de tous les Tunisiens, et la maison commune des hommes et des femmes, citoyens libres, dignes et égaux ; élevés à la conscience d'eux même, de leur rôle et de leur destin historique .
Toutefois, pour les observateurs lucides, la menace que notre révolution populaire - la première de la géographie arabe, après sept siècles de déclin - soit confisquée et définitivement détournée de son cours libérateur, devient hélas une évidence.
Les tentatives d'instaurer, sous des faux semblants démocratiques, une autocratie théologique, usurpant brutalement et sans vergogne une légitimité révolutionnaire qui ne le concerne ni de près ni de loin, sont de plus en plus évidentes. Une autocratie belliciste, arrogante (mustakbira) et totalement soumise aux intérêts de l'axe américano-turco-saoudien-qatari. L'invasion hégémonique d'an-Nahda, et sa prise de contrôle en un temps record, eu égard aux limites du mandat qui lui est confié, de tous les leviers de l'Etat, de l'Administration publique, des représentations diplomatiques, des grandes sociétés nationales, des collectivités locales jusqu'aux plus bas échelons, des grands médias publics, des secteurs de l'enseignement et de l'éducation, et la promotion de l'uniformisation des modes de pensée et de comportement archaïques, par l'endoctrinement des enfants en bas âge dans des crèches sauvages, ne laisse aucun doute sur les véritables intentions du parti des Frères musulmans de s'éterniser au pouvoir.
Parler par conséquent de la tenue d'élections libres et transparentes, dans un contexte caractérisé essentiellement par le rejet populaire de l'Etat-Troïka et par l'érosion de confiance de la société envers les institutions qui le représente, ne serait qu'une vue de l'esprit. Il n'est pas exclu en effet que dans les jours ou les semaines qui viennent, des voix se feront entendre pour solliciter l'intervention de l'Onu – comme en Haïti - pour venir sonder les capacités politiques et accessoirement logistiques de l'Etat tunisien, et passer au crible la prétention « d'indépendance » de la « Haute Instance pour les élections » qu'il comptait installer, à organiser des élections honnêtes. Etant entendu que le but de toute échéance électorale est la consolidation de la démocratie et non l'instauration de régime fossoyeur des droits et des libertés.
Deux ans environ après la Révolution de la dignité et de la liberté, et un an après l'élection du 23 octobre, aucune des grandes causes qui en étaient à l'origine – fracture régionale, emploi, jeunesse, démantèlement des fondements de la dictature – n'a trouvé, fusse un début de solution. En revanche, les violations des droits de la personne et des libertés ainsi que les attaques contre nos acquis modernistes, grâce au réemploi de l'appareil répressif du régime déchu, se multiplient jour après jour.
Maquillées en fausses campagnes d'épuration des « azlame al-nidhâm al-bâ‘id », ou présentées comme des manifestations revendicatives et de sit-in de protestation : « port du niqâb », « médias de la honte », « charî‘a », « criminalisation de l'atteinte au sacré et à l'essence divine », « complémentarité ». les manœuvres des islamistes au pouvoir polluent par leur discours haineux et intolérants, non seulement l'atmosphère quotidienne des citoyens, mais les réseaux sociaux, où des sites et des pages Facebook, financés par centaines, se dédient exclusivement à la désinformation, au lynchage médiatique de l'adversaire et à la propagande wahhabite. Ils se montent et se démontent dans un jeu d'apparition et de disparition qui n'obéit à aucune logique, à part celle de soumettre une société exsangue, sans repères et en proie au doute, à une stratégie permanente de tension et d'usure, pour la mettre à genoux et lui faire accepter le projet d'un Etat théocratique.
Ces cabales de haute toxicité, destinées à tenir en haleine les Tunisiens, pour les détourner des leurs vraies préoccupations et tester leur potentiel de résistance, seraient élaborées, à ce qu'il paraît, par des individus inconnus du grand public, qui œuvrent dans l'ombre des grands ministères, ou depuis la Sancta Sanctorum à Montplaisir, celle-ci sont accompagnées par des démonstrations de rue « d'appui-et-de-loyauté-au-gouvernement », dont les protagonistes – partisans fascisants d'an-nahda, racaille, indics du Rcd convertis (qawwada), racaille, lumpen (hmal), délinquants (m'jarrama) recrutés dans les périphéries déshéritées autour du Grand Tunis, petits caïds de quartiers et salafistes amnistiés sous influence - sont loués à la journée, pour « épurer » prétendument tels ou tel service public des rcdistes, alors qu'au même moment, la redoutable machine du parti an-Nahda recycle à tour de bras et par tous les moyens, y compris par la menace de procès et par le chantage, des hommes d'affaires corrompus, des journalistes-flics, des juges véreux, des anciens tortionnaires et des responsables du Rcd dissous, impliqués jusqu'au coup dans les crimes de la dictature de Ben Ali.
Des légions des miliciens ultras manipulés par les islamistes au pouvoir, dont le visage et le nombre sont dûment documentés par l'image et par le son, appelés indûment (« comités de défense de la révolution ») ou (« lijân himâyat al-thawra, »), sont lâchés contre les progressistes et les démocrates. Ils sèment la terreur et intimident indistinctement les citoyens dans l'impunité totale. Pour exemple, l'assaut surréaliste donné le 14 septembre par des groupes jihadistes, avec la complicité avérée des forces de l'ordre, contre l'ambassade des Etats-Unis qui a failli provoquer une intervention étrangère. La dite attaque et le spectacle comique de la « traque » du chef du réseau terroriste proche d'al-Qaïda abû-Yadh et de ses lieutenants, présumés auteurs de l'opération, en disent long sur les liens énigmatiques et complexes - et non affectifs comme le prétendait le chef d'an-Nahda –, voire sur la collusion des islamistes tunisiens, qualifiés abusivement par la presse occidentale de modères, avec la mouvance salafiste et certains groupes de la nébuleuse jihadiste.
Les menaces de mort, les agressions physiques contre les opposants, la vandalisation des sièges régionaux des partis d'opposition, l'instrumentalisation de la justice dans le règlement de comptes politiques, le retour de la pratique de la torture et du viol sur les lieux de détention, suscitent des inquiétudes légitimes. Nos appréhensions sont d'autant plus réelles, que cette violence, perpétrée au nom de « l'inviolabilité du sacré », convertie depuis quelques temps, en abcès de fixation des Frères musulmans tunisiens, vise à instaurer un climat de terreur pour contraindre, à défaut de convaincre les gens, à la résignation et a l'acceptation d'un ordre moral, contesté et contestable, étranger à la sociabilité tunisienne, construite, malgré les vicissitudes, sur un fond civilisationnel hybride, métissé et imprégné en profondeur de valeurs d'altérité et d'ouverture. La banalisation de la violence au quotidien contre ceux qui refusent de courber l'échine, conduira tôt ou tard à une déflagration généralisée.
La dégradation quotidienne du climat politique est d'autant plus alarmante, que l'espoir de rapprocher les différentes visions de l'avenir, par une Constitution capable d'emporter l'adhésion de l'ensemble des Tunisiens et des Tunisiennes, et par la recherche d'un accord consensuel sur une feuille de route, ressemble de plus en plus à une chimère. Pour cela, nous estimons que la vigilance est plus que jamais de mise, pour éviter que le pays sombre dans le chaos. Une perspective qu'appellent de tous leurs vœux, ceux-là mêmes qui désirent ardemment instaurer par la coercition un modèle de société et de gouvernance antagoniques avec les idéaux anti-despotiques de liberté, forgés par la Révolution du 14 janvier.
C'est dans ce contexte explosif, que les composantes démocratiques de l'opposition ainsi que la société civile, qui n'ont eu de cesse de prendre une part toujours plus active à débat sur la Constitution, parallèlement à leurs combats quotidiens contre les campagnes et les mesures contre-révolutionnaires du gouvernement de la Troïka, doivent multiplier les pressions citoyennes pour faire inscrire la nécessité de mettre sur pied les Instances Indépendantes avec des prérogatives réelles, et de pousser le gouvernement et l'Anc à valider au plus tôt une feuille de route claire et précise qui relancera le processus de transition démocratique en stand by depuis le 23 octobre 2011.

Défendre le projet d'un Conseil des Tunisiens à l'Etranger indépendant :

La société civile tunisienne à l'étranger rappelle qu'elle s'inscrit pleinement dans cette démarche, même si elle ne peut offrir une parfaite identité de vue à propos de certaines appréciations politiques ou méthodes de travail. Celle qui a accompagné depuis plus de trente ans, toutes les étapes du combat pour l'émancipation de notre peuple, aux côtés des associations et des organisations et des partis démocratiques nationaux, est en droit de demander aujourd'hui que la solidarité et l'engagement se fassent dans le sens inverse et avec la même détermination, car les enjeux demeurent les mêmes, au delà des contingences, tant pour nous que pour ceux qui vivent à l'intérieur des frontières.
Il était question au début qu'un Conseil pour les tunisiens en France soit mis en place sur le modèle d'une Instance indépendante de contrôle et de régulation, à laquelle devrait prendre part la société civile tant au pays qu'à l'étranger. Il était convenu qu'elle aurait comme prérogatives, comme n'ont cessé de le revendiquer les associations démocratiques, le droit de regard sur les décisions affectant la vie des Tunisiens expatriés, la participation active dans l'élaboration de la politique migratoire en concertation avec les autorités de tutelle, ainsi que l'assistance multiforme que l'Etat national doit en particulier apporter aux catégories les plus précaires, sans-papiers, chômeurs, retraité(es)s, étudiant(es)s non boursier(es)s etc.
La suppression de cette Instance des Tunisiens à l'Etranger de la liste des Instances constitutionnelles présentée par la commission de l'Anc, qui sera validée, si rien n'est fait pour l'en empêcher, par un vote lors des prochaines séances plénières, nous laisse perplexes. Les manœuvres politiciennes et les tergiversations d'an-Nahda, parti majoritaire à la Constituante, en organisant un second vote pour faire disparaître cette structure, après l'avoir fait adopter dans un premier temps à la majorité, confirme si besoin est, l'obstination des islamistes à maintenir coûte que coûte sous son contrôle exclusif le dossier de l'immigration. Ce vote dénote également de l'incompréhension des députés, sauf rares exceptions, de l'importance des enjeux politiques, culturels et économiques, et en particulier électoraux, que représente la masse des Tunisiens expatriés. ...
Les Tunisien(ne)s à l'étranger (qui comptent aux derniers relevés statistiques 1.200.000 environ dont près de 65% sont détenteurs de la double nationalité) ont longtemps constitué pour le régime déchu un domaine réservé, où le recrutement partisan, le racket institutionnalisé, la manipulation et l'intimidation politiques, le clientélisme, et le contrôle policier étaient la règle. La politique de l'ancienne dictature, indifférente aux vrais problèmes de la diaspora tunisienne, s'est trouvée au fil du temps, en décalage total par rapport aux mutations sociologiques et culturelles du monde migratoire. La présence de l'Etat s'est réduite à quelques services médiocres fournis par des consulats et des ambassades, dont la fonction rappelle beaucoup plus celles des commissariats de police et du ministère de l'Intérieur que celle, prestigieuse des chancelleries diplomatiques. Les rituels pluriannuels organisés à la gloire du chef et du parti, les commémorations farfelues de réalisations imaginaires du régime, les campagnes de propagande en faveur du régime payés rubis sur l'ongle, et de dénigrement systématique des opposants étaient des décennies durant, les seules manifestations de l'Etat à l'Etranger.
L'Office des Tunisiens à l'Etranger (OTE), crée au milieu des années soixante pour canaliser et organiser l'exportation de la main-d'œuvre tunisienne vers une Europe, alors en plein boom économique, s'est progressivement transformé en bailleur de fond des activités délictueuses des agents du Rcd et des centaines de leurs cellules disséminées partout à l'étranger, pour quadriller la présence tunisienne. La toile d'araignée tissée par les « attachés sociaux » et la myriade d'associations fictives financées, tant par l'Ote et que par les organismes de subvention des pays d'accueil, était mise, conformément à une convention signée en 1988 entre le ministère des Affaires sociales et le Rcd au pouvoir, à la disposition de ce dernier pour surveiller les ressortissants tunisiens récalcitrants où qu'ils se trouvent. Aujourd'hui, après la révolution le parti an-nahda hérite des structures intactes du Rcd dissous, plus encore, il les enrôle à son service.
L'Arrêt du flux migratoire, la fermeture et l'externalisation des frontières de l'Union européenne, transformée en forteresse inexpugnable, l'installation durable dans les pays d'accueil - n'oublions pas que nous sommes à la troisième génération -, l'apparition des nouvelles formes d'immigration clandestine, et enfin la disparition de la dictature, et le démantèlement non achevé des réseaux mafieux qui lui étaient associés, dont le tristement célèbre officine du 36, rue de Botzaris, était la partie visible, rendent effectivement obsolète des organismes tels que l'Ote et ses succursales « sociaux-culturels » dérisoires, baptisées arbitrairement par le secrétaire d'Etat aux migrants « Dâr attounsi », et appellent à une refondation profonde et globale des structures de l'Etat destinées aux Tunisiens à l'étranger.
Un changement radical de la politique migratoire du pays s'impose par la logique des choses. L'exemple de l'Espagne qui, en plus du retour massif des Espagnols chez aux avec l'instauration de la démocratie, est devenue en moins de dix ans un pays d'immigration, est à méditer. Renverser la tendance relève de la volonté politique. Proposer en revanche comme programme de résolution de la crise de l'emploi, l'exportation de la main d'œuvre en Lybie ou au pays du Golfe, et recycler les structures existantes corrompus à l'étranger et les mettre à son service, cela s'appelle de l'incompétence et de la politique à courte vue.

Faire échouer le hold up d'al-Nahda,

Dans un tel contexte, le Conseil des Tunisiens à l'étranger (Hct), une revendication vieille d'au moins vingt cinq ans, portée par les associations d'immigration, est on ne peut plus actuelle. Par sa composition paritaire (administration, associations représentatives et personnalités qualifiées) et par sa fonction d'analyse, de critique, d'expertise et de proposition, il sera appelé à devenir un cadre de réflexion idéal où s'élaboreraient les visions stratégiques futures de notre présence à l'étranger.
Lorsque le secrétaire d'Etat aux migrants et aux Tunisiens à l'Etranger, Mr. Houcine Jaziri, a accepté le principe de la création du Conseil des Tunisiens à l'Etranger, il n'a pas omis de notifier par la même occasion l'irrecevabilité de son inscription dans la Constitution, refusant de lui conférer un statut et des prérogatives étendues. Il a en outre exprimé la volonté du gouvernement de placer le Hte sous la tutelle administrative et financière du secrétariat d'Etat. En clair, le choix fait par le gouvernement est celui de vider un tel Conseil de sa substance, d'en revendiquer la paternité et de le transformer, selon son bon vouloir, en un instrument docile au service de l'exécutif actuel
Lors du pseudo « Forum d'associations de l'immigration » tenu le 9 juillet dernier à Tunis, le même M. Jaziri, a réitéré son engagement pour la création du Conseil, mais sans fournir davantage de détails sur son contenu. Il a annoncé le lancement d'une consultation auprès des Tunisiens à l'étranger à partir du mois de septembre (ce texte a été rédigé avant la reprise de ces consultations en France à partir de la deuxième moitié de septembre). Cette consultation portera probablement sur la composition dudit Conseil et sur ses prérogatives, et non sur son statut constitutionnel. Le format choisi pour cette consultation et la liste des acteurs concernés, demeurent dans les limbes. En France, le dossier a été confié à M. Karim Azouz, chargé d'une mission, dont les contours restent d'ailleurs très flous six mois après son installation par le secrétariat d'Etat aux migrants. On n'en sait pas plus. Mais ce dont on est certain, c'est que de par son statut de représentant officiel d'al-Nahda en France, M. Azouz n'est pas tout à fait la personne idoine pour s'occuper de ce dossier. Aujourd'hui, nos craintes s'avèrent fondées puisqu'on vient d'apprendre que M.Azouz vient d'être promu Consul général à Paris, en violation de tous les usages diplomatiques et contre l'esprit de l'accord passé avec le syndicat des fonctionnaires des Affaires étrangères, interdisant de procéder à des nominations partisanes.
En résumé, la société civile à l'étranger, qui a fourni des efforts gigantesques pour obtenir la création d'un cadre constitutionnel autonome, et qui, de par sa fonction d'expertise, compte parmi les principaux inspirateurs de la réforme de l'Etat, se retrouve en fin de parcours avec un produit qui ressemble à s'y méprendre à celui du statu quo ante, quand le Rcd, faisait la pluie et le beau temps : un Conseil sans prérogatives, aux ordres du secrétariat d'Etat (susceptible d'être supprimé par un simple décret en cas de litige), et de surcroit placé sous le contrôle exclusif d'al-Nahda. Pour preuve le futur Consul général à présidé dernièrement une réunion de pas moins 33 associations islamistes liées à son parti ! Cette perspective, nous le disons sans détour, ne nous réjouit guère. En d'autres termes, cela signifie le retour au « temps bénis » de la dictature et au système du parti unique, que l'immense majorité des Tunisiens à l'étranger ont rejeté, rejettent et rejetteront à l'avenir, advienne que pourra !
Faire l'impasse sur des questions aussi importantes, et laisser la porte ouverte à la reconduite d'une approche partisane, policière et économiste : expatriés = manne financière et transfert de devises, de la dictature déchue, après les bouleversements profonds qu'a vécu notre pays, c'est faire preuve d'une myopie qui n'a d'égal que l'indifférence générale à laquelle était condamnée la question de l'immigration durant les cinq dernières décennies.
Abdelatif Ben Salem ; Anouar Kanzari (Paris )


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