Dans une ambiance délétère marquée par une certaine présence policière aux alentours de l'Hôtel de Ville et une importante mobilisation du collectif de la société civile, de sympathisants de partis politiques et de syndicalistes régionaux appartenant à l'UGTT, le gouverneur de Sfax a procédé à l'installation de la nouvelle délégation spéciale avec un retard d'environ trois heures. Déjà, signe avant-coureur de la tension qui régnait, le gouverneur a dû éviter la grande porte d'entrée de la mairie où s'était massée une foule de citoyens parmi laquelle une minorité pro-Ennahdha dont la présence a été également remarquée dans la salle de réunion de la municipalité, c'est-à-dire dans l'écran-tampon entre les protestataires et M. Fethi Derbali, debout au milieu des membres du nouveau conseil sous protection policière. Il faut dire que l'ambiance dans cette salle où devait se dérouler la cérémonie d'installation était particulièrement électrique, marquée par l'échange de slogans hostiles et parfois de coups entre la majorité formée d'opposants à l'installation et la minorité de citoyens, apparemment des sympathisants du mouvement Ennahdha. Les premiers cités, appartenant à des partis politiques ou à des associations de la société civile, rassemblés massivement dans ladite salle des réunions étaient enflammés, chauffés à blanc par leur propre excitation et farouchement déterminés à faire échec à la volonté affichée par le gouverneur de mener à terme l'action d'installation. D'ailleurs, l'encombrement, le climat malsain et l'hystérie générale dans la salle, étaient tels qu'ils ont été à l'origine de quelques cas d'évanouissement vite évacués par les présents. Mieux que «bras de fer », le mot juste pour caractériser convenablement l'attitude des deux camps, est « l'obstination ». C'est finalement celle du gouverneur qui va l'emporter. En effet, ayant réalisé que la séance risquait de s'éterniser vu la détermination affichée par les protestataires ayant envahi, la salle à faire échec à la cérémonie d'installation, le gouverneur, acculé par l'encombrement dans un coin de la salle en compagnie du nouveau conseil municipal, a finalement opté pour le coup de force, en procédant à l'officialisation de l'installation de ce dernier. De quoi mettre le feu aux poudres, dans la mesure où il a été empêché de réintégrer son bureau, sa voiture ayant été immobilisée durant quelque trente minutes, avant que les forces de l'ordre n'aient recours aux bombes lacrymogènes pour disperser les protestataires et dégager la voie au véhicule. La question est de savoir maintenant si le coup de force du gouverneur revêt un caractère légal ou pas et quelles sont les conséquences qui vont en découler. La bataille politique va assurément être placée aussi sur un plan juridique sachant que tout le monde revendique à lui tout la légalité et la légitimité de sa démarche, de sa conception et de son approche vis-à-vis de cette question épineuse de la délégation spéciale. A ce propos, l'inter-associative civile à Sfax a annoncé en effet sa ferme décision de porter l'affaire devant le Tribunal Administratif. Signalons, pour finir, que la délégation spéciale de Sakiet Eddaier avait été récemment installée, d'après des témoins oculaires, contre la volonté de certaines associations de la société civile. Par contre, l'installation de la délégation spéciale de Kerkennah a échoué, nous dit-on, sous l'effet de l'opposition du collectif associatif.