Un deuxième jeune homme placé en détention provisoire dans le cadre de l'enquête sur l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis à Tunis est décédé dans la nuit de vendredi à samedi après près de deux mois de grève de la faim. Il s'agit de Mohamed Bakhti, une figure connue de la mouvance salafiste, qui avait débuté sa grève de la faim fin septembre pour protester contre son arrestation. “Mohamed Bakhti a trouvé la mort dans la nuit vers 02H00 du matin à l'hôpital", a déclaré son avocat, Me Abdelbasset Ben M'barek, rappelant qu'un autre de ses clients, Béchir El Gholli, était mort jeudi soir après avoir refusé de s'alimenter en détention pendant près de deux mois. A travers leur grève de la faim entamée fin septembre, Bakhti et El Golli clamaient leur innocence et dénonçaient leurs “conditions de détention inhumaines" Selon Me Ben M'barek, les défunts ont déclaré avoir été “frappés par la police» lors de leur arrestation. Ils ont aussi, dénoncé selon la même source, leur “placement avec neuf autres détenus dans une cellule de 1,5 mètre sur deux » à la suite d'une bagarre avec des prisonniers de droit commun.
Âgé de 28 ans, Mohamed Bakhti est considéré comme une figure marquante de la mouvance salafiste djihadiste. Condamné à 12 ans de prison sous Ben Ali pour avoir participé à “la fusillade" de Soliman en 2007 et relâché au lendemain de la révolution dans le cadre de l'amnistie générale, ce meneur du sit-in de la faculté de la Manouba l'an dernier, pour demander le droit aux jeunes filles en niqab d'assister aux cours et passer leurs examens, a bénéficié d'une libération provisoire mercredi. Selon le comité de défense des personnes arrêtées dans le cadre de l'enquête sur l'attaque survenue le 14 septembre dernier contre l'ambassade américaine en Tunisie « il n'y a aucune preuve de l'implication" de Béchir El Golli et Mohamed Bakhti dans les violences. “Le dossier est vide. Selon le procès-verbal, des policiers ont vu les deux hommes devant l'ambassade américaine. Il n'y a rien d'autre. Pas de photo, pas de vidéo, rien", explique Nizar Toumi, un des avocats qui envisage de porter plainte contre le ministère de la Justice pour “non-assistance à des personnes en danger".
Critiques Décriées pour leur “silence" face aux conditions de détention des salafistes, les organisations de défense des droits de l'Homme ont imputé la responsabilité de la mort des deux détenus à l'administration pénitentiaire. “Ce n'est pas normal qu'on laisse des gens mourir comme ça en prison. L'administration pénitentiaire et le ministère de la Justice sont responsables. Ils n'ont pas secouru à temps les deux détenus", a indiqué Radhia Nasraoui, avocate et présidente de l'Association de lutte contre la torture en Tunisie. De son côté, le président de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH), Me Abdessattar Ben Moussa, a qualifié la mort des jeunes salafistes dans un lieu de détention de “catastrophe", tout en précisant que son organisation va réclamer la constitution d'une commission d'enquête indépendante sur les circonstances de ces décès. Il a également fait assumer la responsabilité de ce décès au ministère de la Justice et à la Direction des établissements pénitentiaires, notant que les prisons tunisiennes souffrent d'un grand manque d'équipements. Le frère du défunt Béchir El Golli a, toutefois, demandé à Me Abdessattar Ben Moussa de ne pas se mêler de cette affaire. «J'ai appris que le président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'homme a déclaré à des médias que son organisation allait enquêter sur les circonstances de la mort de mon frère. Je lui dis de ne pas s'occuper de cette affaire et de ne pas utiliser le drame de mon frère à des fins politiques. S'il était réellement soucieux des droits de mon frère, il s'en serait occupé avant», a déclaré Raouf El Golli à la radio privée Mosaïque FM. Selon les chiffres du ministère de la Justice, soixante-quinze personnes arrêtées dans l'affaire de l'ambassade américaine attendent toujours d'être jugées.