Le mouvement islamiste Ennahdha essuie, de nouveau, des «tirs amis» de la part de ses alliés. Le Congrès pour la République (CPR) a menacé, de nouveau, dimanche de se retirer du gouvernement si l'on ne prend pas en compte ses propositions. «Le CPR va quitter le gouvernement si l'on ne tient pas compte de ses propositions et de celles de son président d'honneur, Moncef Marzouki», a déclaré dimanche Mohamed Abbou, le secrétaire général de ce parti membre de la coalition tripartite au pouvoir, aux côtés d'Ennahdha et du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTL ou Ettakatol, parti social démocrate). Formation politique fondée par l'actuel Président de la République Moncef Marzouki en 2001, le CPR avait déjà menacé lors de la dernière réunion de son conseil national tenue début novembre dernier de claquer la porte de la troïka. Le parti de centre-gauche avait, alors, conditionné son maintien au sein de la coalition gouvernementale par un remaniement ministériel de nature à doter l'action du gouvernement de plus d'efficience figure en tête de ces conditions ainsi que par l'élaboration d'un programme d'action axé notamment sur la réforme administrative, la lutte contre la corruption et l'accélération de la réalisation des projets de développement dans les régions intérieures. Campagne électorale ? Ces mêmes conditions ont été de nouveau évoquées, dimanche, par Mohamed Abbou, qui a réclamé un gouvernement restreint, et rappelé à ses alliés d'Ennahdha la nécessité de l'associer à la prise de décision gouvernementale. «Jusqu'à quand va-t-on justifier des décisions sans consultation préalable», s'est demandé le secrétaire général du CPR, qui avait démissionné en mai dernier de son poste de ministre de la réforme administrative en signe de protestation contre les lenteurs de l'administration à traiter les grands dossiers de la corruption. La nouvelle mise en garde du CPR intervient dix jours après l'appel du chef de l'Etat à un nouveau gouvernement restreint et comptant des compétences confirmées afin de mieux répondre aux attentes de la population déshéritée dans les régions. Fin novembre, Moncef Marzouki s'était inquiété du risque d'instabilité dans le pays après les manifestations et la vague de violences qui avait fait quelque 300 blessés à Siliana dont les habitants réclamaient de meilleures conditions de vie. «L'intérêt de la Tunisie nécessite aujourd'hui un gouvernement restreint et efficace regroupant les compétences», avait-il notamment déclaré , tout en mettant en exergue « le décalage entre les attentes immenses de la population et le rendement du gouvernement». En réaction au nouvel avertissement qui intervient dans un contexte de bras de fer engagé entre Ennahdha et l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), qui a appelé à une grève générale jeudi pour protester contre une attaque de ses locaux par des militants islamistes, le vice-président du parti islamiste, Abdelfattah Mourou a accusé dans un entretien accordé à France 24 que «Marzouki joue le rôle d'opposant au sein de la coalition au pouvoir», tout en indiquant que «le CPR s'est lancé dans une campagne électorale avant l'heure». Risque d'éclatement Le premier appel de Marzouki à un gouvernement restreint comptant des compétences n'a pas été du goût d'Ennahdha. Le ministre de la Santé Abdellatif Mekki avait , notamment déclaré le 1er décembre qu'un remaniement pourrait concerner le chef de l'Etat lui-même. «Nous sommes prêts à tout revoir dans l'institution présidentielle, du secrétaire d'Etat au Président lui-même ; ce n'est pas une chose sacrée», a-t-il déclaré. Le mouvement Ennahdha s'est , cependant, dit prêt pour un remaniement ministériel limité qui concernerait notamment des ministres dont le bilan n'est pas jugé satisfaisant. Selon le porte-parole d'Ennahda, Néjib Gharbi, certains ministères techniques pourraient également être fusionnés afin de limiter les dépenses publiques. Dans les coulisses on évoque déjà le départ des ministres de l'Emploi, de l'Industrie, de l'Environnement et de l'Education nationale. Toutefois, le CPR demande , selon des sources proches du comité de coordination de la troïka, des changements au niveau de de deux ministères de souveraineté, en l'occurrence la Justice et les Affaires étrangères. A noter que des divergences ont auparavant éclaté entre les partis membres de la Troïka comme en attestent les déclarations de certains dirigeants d'Ettakatol et du CPR évoquant des «tentatives d'Ennahdha de mettre la main sur les rouages de l'Etat». Certains observateurs estiment dans ce cadre que la coalition tripartite aura du mal à résister à ces tiraillements perceptibles entre les trois partis? «L'alliance entre les composantes de la troïka n'est pas un mariage heureux. Le divorce est fort probable", estime le professeur de droit constitutionnel, Kaïs Saïed.