En cette fin d'année, la galerie Cherif Fine-Art, Sidi Bou-Saïd, ouvre ses portes à l'œuvre de Mohamed Chelbi. Intitulée « Puits et Puis ? », l'exposition est « une brèche artistique » de haut niveau, hors temps et hors espace qui transcende l'esprit humain et l'âme de la société dans une vision particulière à l'humeur changeante et à l'humour tacite et parfois grivois. Les toiles sont une invitation à entrer dans le monde de l'artiste... Tout d'abord, c'est la couleur. Une teinte sombre qui semble émerger de la pénombre de laquelle se détachent des personnages. Des traits qui dessinent les contours de visages, de corps et d'objets. Nous sommes d'emblée plongés dans les profondeurs de la terre, des pièces secrètes des maisons ou les caves oubliées et scellées des demeures. Nous nous avançons en quête de la lumière. Celle-ci n'est qu'une suggestion. A peine perceptible, elle est pâle, elle éclaire le sujet par truchement. Elle est ocre par moments, blanche parfois. Mais elle est discrète perçant à jour le mystère de la toile par endroit, nullement en totalité. Peu à peu, nous nous habituons à cet univers étrange que l'œil et l'esprit adoptent sans difficulté. Alors nous nous attardons devant les tableaux et nous nous laissons surprendre par la vivacité des teintes rouge et verte qui s'immissent dans la toile donnant à l'aspect grave une note de légèreté, une once d'humour. Nous nous surprenons à sourire devant certaines œuvres : le nez rouge d'un personnage, la revisite de la Joconde etc...sont autant de détails qui laissent entrevoir le génie créateur de Mohamed Chelbi. Loin de la provocation crue et inutile, l'artiste donne corps à ses humeurs à travers l'emploi de la couleur afin de dénoncer la condition humaine. Dans les yeux de ses portraits, se lit la détresse. Sur les contours des visages le poids de la survie se fait intense ; ensuite vient la bouteille dans laquelle se noierait le chagrin. La vision « tragique » est supplantée par ce brin d'humour élégant. Amusant au premier abord, ce dernier porte en filigrane une dénonciation acerbe de la destinée d'homme face à un monde qui chavire et bascule mais qui porte en lui-même une lueur d'espoir. Alors, nous comprenons mieux le titre de l'exposition : « Puits et Puis ? ». Dans la profondeur d'un gouffre sans fond vient l'interrogation. Serons-nous tous condamnés à survivre dans ces conditions ou y aurait-il une prise de conscience et une volonté de changer cette fatalité ? La question demeure en suspens et c'est le visiteur qui donnera la réponse en parachevant l'œuvre qui lui est soumise. Mohamed Chelbi nous offre ici le fleuron d'une fine pensée sur l'homme à travers une expression artistique aussi intense que surprenante. L'exposition ne laissera personne indifférent et nous reprenons avec délice le même itinéraire pour découvrir le non-dit que renferment encore les œuvres car l'artiste, le vrai, ne livre ses secrets que par bribes. Des bribes qu'il faudrait déceler au détour d'une couleur et d'un coup de pinceau...