Restée pour longtemps, depuis l'avènement de la Révolution, à l'écart des soubresauts, des troubles et des mouvements de contestation intervenant incessamment, de temps à autre, à travers le pays, l'île de Djerba vient de nouveau, à peine moins de trois mois après les incidents sanglants de Guellala, de défrayer la chronique à l'occasion de l'avènement du meeting politique organisé par Nidaa Tounès. Prévu pour avoir lieu samedi 22 décembre au Casino de Djerba en présence de Béji Caïd Essebsi, de Ahmed Néjib Chebbi et d'autres figures marquantes du parti, ce meeting a été vite interrompu, juste après l'allocution de Ahmed Néjib Chebbi et l'intervention de Sgaïer Ouled Ahmed qui a eu à peine le temps de placer deux mots. Non contents de ne pas être parvenus à empêcher le public d'accéder à l'intérieur du Casino et de prendre place dans la salle, quelques poignées de protestataires ont fait irruption dans la salle pour semer la panique et terroriser l'assistance, contraignant les organisateurs à se résigner au fait accompli et à interrompre la tenue du meeting. Pendant ce temps, les autres protestataires, quelques centaines, continuaient à bloquer les sorties principale et arrière du casino pour intimider les participants contraints à quitter les lieux, pour les traiter de tous les noms ou pour les rouer de coups. Craignant le pire, les hauts responsables du parti ont gardé les lieux, quasiment pris en otage, dans l'incapacité de pointer leur nez dehors, jusqu'à l'arrivée tardive des renforts, vers 18 :30. A vrai dire, les contestataires, plutôt convertis en fauteurs de troubles, n'ont pas lésiné sur les moyens, ni manqué d'imagination pour couronner de succès leur dessein avoué de gâcher la fête en empêchant Nidaa Tounès de tenir son meeting. Aussi, des messages incitant à la réaction ont-ils été envoyés tous azimuts par SMS et dont voici le texte reproduit tel quel « Dans le cadre des manifestations des Djerbiens contre la visite de Caïd Essebsi soyez présent et nombreux le samedi à 14h devant le CASINO. RCD-DEGAGE ». De même, des voix amplifiées par des mégaphones ont fait le tour de la ville, passant d'une place publique à une autre, depuis la veille et le matin même de la manifestation, pour ameuter la foule et la rallier à leur cause. Ils étaient quelques centaines à se rassembler pour scander des slogans incitatifs à la haine et à la discrimination, pour se répandre en invectives contre Caïd Essebsi et son mouvement, et contre toutes et tous ceux qui venaient pour prendre part au meeting, avant de se déchaîner et déverser leur rancœur en faisant irruption dans la salle. Ils étaient certes dans le droit de manifester leur position que nul n'est à même de les en priver, mais au lieu de s'en tenir aux règles et à l'éthique régissant l'organisation de pareilles manifestations, ils ont dévié du droit chemin, privilégiant la voie de la violence, se montrant ainsi à leur juste valeur. Les contestataires, dont beaucoup venaient d'ailleurs, se disaient agir au nom des Djerbiens, comme le confirmaient les slogans émis et les discours tenus, et ils voulaient persuader l'opinion publique que le tout Djerba était hostile à la venue de M.Béji Caïd Essebsi et à la tenue du meeting de son mouvement dans leur île. De hauts dirigeants du même parti, au plus haut niveau, au lieu de mesurer leur propos au vu de la gravité de la situation, au lieu de prendre leur temps avant de réagir, ont vite fait, au moment où le siège imposé aux lieux se poursuivait, d' imputer à l'autre, aux Djerbiens et aux Yousséfistes en l'occurrence, la responsabilité de l'organisation du mouvement de contestation, dans leur tentative de disculper le parti Nahda, désigné unanimement du doigt, et de le laver de toute responsabilité, cependant que certains hauts responsables de son bureau local ont été vus au devant du défilé. Qu'ils se détrompent ! L'île de Djerba, ingratement salie par cet incident regrettable, a toujours été une terre de partage, d'ouverture, de tolérance, de quiétude, conviviale, généreuse à satiété et surtout respectueuse des libertés des autres ; ce n'est pas maintenant, au moment où la démocratie, les libertés et la justice sont en phase délicate et difficile d'ancrage et de consécration dans notre pays qu'elle doit tourner le dos à ses valeurs millénaires immuables qui lui sont coutumières et y renoncer pour les beaux yeux de ces nouveaux promus. Le Djerbien, par conséquent, imprégné de ses nobles valeurs, n'est pas prêt à vendre son âme, ni à laisser une poignée d'individus parler et décider en son nom, c'est-à-dire au nom de 140 000 âmes .