Plusieurs procès en vue, mais à qui bénéficieront-ils ? La conférence de presse que devait donner Fathi Guesmi, président de l'Association des Anciens du Lycée Ibn Charaf sur les événements survenus mercredi dernier à l'intérieur de l'espace Al Khaldouniyya n'eut finalement pas lieu à La Bibliothèque Nationale mais à Dar El Bennani du côté de Bab Menara. Pour revenir sur ce qui s'est passé mercredi rappelons qu'un groupe d'une cinquantaine d'individus avait investi de force l'espace Al Khaldouniyya, situé à quelques mètres de la Zitouna. A la tête des assaillants se trouvait le Cheikh de la Grande Mosquée, Hassine Laabidi, qui ordonna à ses compagnons de s'emparer des lieux et d'en expulser les occupants initiaux. Ensuite, il leur imposa de changer les serrures des portes. Lorsque M. Fathi Guesmi fut appelé à la rescousse par deux de ses étudiantes qui se trouvaient à cette heure à l'intérieur d'Al Khaldouniyya, il interrompit ses cours à l'Institut Ibn Charaf et rejoignit l'espace, où le Cheikh de La Zitouna et ses « troupes » l'agressèrent verbalement et physiquement. Hier encore, il portait le même costume sali, défait et déboutonné la veille sous l'effet de l'agression. Donc après avoir été traîné en dehors de l'espace, il porta plainte auprès de la police de la Kasba. Deux notaires constatèrent les dégâts et le changement des serrures. Aux dernières informations, l'avocat du Professeur Guesmi a déjà porté cinq plaintes en justice contre les agresseurs de ce dernier et du siège de son association. Cheikh Labidi : « Les ouvrages sont volés et appartiennent à la Zitouna ! » Concernant le Cheikh Hassen Laabidi, il déclaré hier à un quotidien de la place qu'Al Khaldouniyya contient des milliers de livres et de documents appartenant à la Bibliothèque de la Zitouna mais qui lui ont été confisqués du temps de Ben Ali. Pour lui, le président de l'Association des Anciens d'Ibn Charaf a volé une partie de ce fonds déposé au palais présidentiel de Carthage et les a transférés de nuit jusqu'à l'espace Al Khaldouniyya. M. Labidi affirme par ailleurs que mercredi dernier, personne n'avait violenté le Professeur Guesmi lequel fut, selon lui, empêché seulement par des habitants et des commerçants de la Médina d'entrer dans l'espace. Pour ce qui est de la fermeture d'Al Khaldouniyya, il prétend que cette mesure fut prise par précaution afin de préserver et de vérifier les documents qui y sont encore conservés. « Un trésor du Ministère de l'Education » Dans son point de presse d'hier, M. Fathi Guesmi a démenti toutes les allégations du Cheikh Labidi et nous a remis un certain nombre de documents attestant qu'il n'a point volé de livres appartenant à la Zitouna et que les 7000 ouvrages ramenés de Carthage n'étaient pas déposés au palais présidentiel, mais au Lycée de Carthage Présidence. Des étudiantes du professeur ont témoigné de leur participation au transfert des livres, non de nuit comme le prétend le Cheikh de la Zitouna, mais de jour et durant une partie de la nuit, en présence d'agents du Ministère de la Culture. Signalons, d'autre part, qu'avant d'être récupérés par l'espace El Khaldouniyya, ces ouvrages allaient être déposés à l'Institut Ibn Charaf dont la direction les voulait pour enrichir le fonds de la bibliothèque de l'établissement. Or, ces livres étaient réservés exclusivement aux élèves de la Cité Zeitounienne. D'ailleurs, M. Guesmi a montré au public présent des copies du cachet apposé sur les ouvrages qui certifient que les livres et les documents sont la propriété du Ministère de l'Education et n'appartiennent pas à la bibliothèque de la Zitouna. Il a présenté d'autres documents officiels témoignant du caractère bénévole de son action et de ses efforts consentis pour la préservation du trésor culturel et scientifique récupéré par ses soins et grâce à l'apport de quelques institutions et associations nationales. L'affaire est à suivre ; mais la procédure risque de prendre du temps. Des exemples du genre sont encore dans les mémoires, mais souhaitons que cette fois-ci le dénouement (si dénouement il va y avoir) sera autre. En attendant, M. Guesmi et ses deux étudiantes, Hamida H'maïdi et Maha Lahbib sont encore ulcérés et sous le choc après l'affront et les infamies qu'ils essuyèrent mercredi dernier. L'émotion était visible sur leurs visages et dans leurs discours respectifs. Le professeur Guesmi en a pleuré hier mais il se dit prêt à aller jusqu'au bout pour réhabiliter son honneur bafoué et défendre le savoir et les principes zeitouniens de tolérance et d'ouverture.