Les villes industrielles sont-elles pour bientôt en Tunisie ? C'est avec cette interrogation que les participants ont quitté le colloque organisé par la CONECT mercredi à Tunis avec le concours précieux d'un partenaire fidèle et visiblement autant engagé que déterminé, la GIZ. Le thème « Défis logistiques pour une meilleure compétitivité de l'entreprise » est à lui seul évocateur des soucis des industriels tunisiens et autres promoteurs quant à l'instauration d'un environnement propice à la productivité et qui ne doit négliger aucun aspect dès la conception jusqu'à la réalisation et la maintenance des zones industrielles. Le constat initial n'a pas étonné : le déséquilibre entre les régions, en nombre, superficie et taux d'utilisation. Le plus singulier est à imputer à Sidi Bouzid : elle a sa zone industrielle ( 10 hectares) mais aucune entreprise n'y est installée. Cela pose naturellement le problème récurrent de l' opportunité, de la rentabilité et de la vocation finale. Une zone industrielle est censée répondre à un besoin et une attente, comme elle doit concourir à la création de la richesse à travers une chaine de valeurs dont beaucoup sont induites. L'Etat a sans doute la responsabilité de savoir allouer ses ressources et de les encadrer pour assurer la bonne fin. Malheureusement le processus connaît des défaillances relevées par les représentants de l'administration et les principaux opérateurs, notamment ceux de l'API et L'AFI. Pourtant l'effort de l'Etat a été jusque-là grandiose. Jugez-en : les promoteurs acquièrent des lots dans les zones industrielles à 25% de leur coût, voire 15% dans des zones méritant encouragement. Imaginez que des lots ont été cédés à 4d500 le m2 alors que le terrain nu a été acquis à 5d le mètre. Dès lors, les chefs de projets sont soulagés de la principale contrainte pour s'installer. Comment dans ce cas soutenir que la maintenance devienne le maillon faible de ces zones aménagées au prix fort ? L'entreprise qui en a tiré son miel peut-elle se soustraire à ses obligations et laisser son environnement immédiat dépérir? Connaît-elle avec précision son intérêt à travers la participation à la maintenance des zones d'implantation ? Le tour de la question n'a pas trouvé d'arguments convaincants, bien au contraire, c'est le constat amer qui a affligé les participants : la responsabilité citoyenne, voire professionnelle de l'entreprise est encore diluée. Toutefois la création des groupements de gestion et de maintenance (GMG) semble constituer un début de solution pour peu que l'endurance soit l'apanage de ceux qui y opèrent. Un GMG est par ailleurs un cadre propice à l'exercice de la citoyenneté, avec en prime une opportunité de synergie. Le MGM peut assurer non seulement la maintenance, mais également des économies d'échelle et une coordination entre les entreprises pour regrouper des tâches à externaliser. C'est également un moteur de solidarité et de coopération qui peut imprégner les effectifs des travailleurs afin d'illustrer la responsabilité sociétale de l'entreprise. L'Etat semble conscient de ses obligations visant à susciter l'initiative privée et la création des richesses. La politique, c'est le pouvoir pour le progrès et non le pouvoir pour le pouvoir, comme cela semble transparaître à travers l'animation médiatique. L'intérêt pour l'infrastructure industrielle étant évident, reste l'architecture d'une économie intégrée et globale pour que la durabilité et le développement soient simultanément des conditions et de objectifs. A cet égard, la création d'une zone industrielle par des privés à El Agba constitue un bel exemple d'ingéniosité où tout y est : un concours financier pour les investisseurs, un mixage entre activités industrielles et services, dont l'implantation d'agences bancaires, etc. L'espace de vie est donc aussi important que les ateliers de fabrication. Demain, ce sera au tour de véritables villes industrielles de pousser. L'ATGMG, née en juin 2011, est elle aussi une initiative visant à promouvoir ce concept. Ceci est d'autant plus impératif que certaines zones industrielles nécessitent une réhabilitation sans que l'activité des entreprises soit entravée. L'AFI, de son côté, se déploie sans réserves pour offrir à l'investissement les meilleurs conditions tout en constatant avec beaucoup d'amertume les défaillances des bénéficiaires dans leur rapport avec l'environnement, quand il ne s'agit pas d'actionner la clause de déchéance avec une procédure qui peut maintenir un lot en « friche » durant dix ans. Jadis, le laisser-aller était imputable au déficit de la citoyenneté, mais que peuvent évoquer, aujourd'hui, les défaillants sinon leur inconscience quasi suicidaire ? Le ministre Chakhari, dans son allocution, était clair : l'infrastructure industrielle n'est pas un luxe, mais tous les protagonistes doivent tenir leur rôle et l'effort de l'Etat ne doit pas être occulté ni déprécié. Tarak Chérif, président de la Conect et industriel de renommée, n'a pas été, quant à lui, expansif à cette occasion. Peut-être que de son vécu professionnel lui a montré plein d'approximations qui ont fini par lui dicter des recettes autonomes. C'est probablement ce qui lui a inspiré ce thème qui sera encore d'actualité tant que le tissu économique est imprégné des dissensions sociétales.