Mourad Harbaoui a promu, une exposition personnelle qu'il a inaugurée le 04 Janvier 2013 et qu'il a intitulée « Images à outrance » ou « L'art en toute liberté », au Centre National d'Art Vivant du Belvédère qui va continuer jusqu'au 30 Janvier 2013. Ces deux titres de l'exposition expriment une hésitation du peintre entre la liberté de peindre et la production à outrance, que va –t-il choisir ? L'exposition rassemble 44 tableaux de différents dimensions, formats, couleurs et sujets mais avec à peu près, les mêmes techniques (en dehors de la tapisserie et du dessin au fusain connus déjà), ce qui nous oblige à ne pas s'attarder longtemps devant chacune des oeuvres Les thèmes traités sont des figures de personnages représentés verticalement ou horizontalement rarement en mouvement, sauf dans un tableau de grande dimension, intitulé « Corps en fuite ». Les compositions de Harbaoui les plus classiques sont reprises dans cette exposition où les mêmes structures sont verticales et visent à impliquer des représentations de personnages debout, mais seules comme elles peuvent impliquer deux ou plusieurs personnages. Les personnages peuvent êtres à moitié debout ou à moitié assis. Le tout de la représentation est noyé dans un nuage diffus qui participe à créer un bouillard favorisant une option semi- abstraite ou semi- figurative où Harbaoui ne veut pas décider du style qu'il lui conviendrait de choisir et de développer. La structuration des toiles est quelquefois aussi horizontale traçant une sorte de diagonale ou de parallèle à la base du tableau proposant ainsi une composition centrée sur la représentation du nu, en général sollicitant une expression d'un érotisme puissant et à la limite de la provocation. Mais qu'est ce qu'un art sans provocation !!! D'autres structures compositionnelles se présentent aussi et déterminent un espace vertical animant la toile et représentant toujours des figures semi -abstraites, semi -figuratives, individuelles ou collectives. La présence de ces personnages baigne dans l'innommable ambiance d'une peinture aussi peu précise que celle d'un impressionnisme tardif ou d'un fauvisme suranné. La structure centrale est aussi sollicitée par Harbaoui qui ne néglige ainsi aucune proposition compositionnelle, surtout quand il prête au portrait une potentialité d'expression explosive. C'est ainsi que les portraits, quelquefois la gueule grande ouverte, se rassemblent au centre de la toile ou à sa marge et expriment par le cri ce que nous voudrions espérer être, celui de la liberté. Les tapisseries tissées par la manufacture Robert Four, prennent pour modèle les cartons peints par Harbaoui il ya de cela quelques années, alors que Harbaoui favorisait la représentation d'une foule bigarrée ou la nature morte. Les couleurs y sont encore très vives et fonctionnent très harmonieusement aussi bien dans cette tapisserie de la nature morte que dans celle intitulée « Lumière ». Mourad Harbaoui excellait alors dans la distribution chromatique chaleureuse comme essentielle dans la formation de la forme artistique. Rétrospectivement, Mourad Harbaoui se reprend, il reprend ses thèmes et ses techniques d'antan. Apporte-t-il dans cette démarche déployée aujourd'hui quelque chose de nouveau ? Apparemment, Harbaoui continue à vouloir assurer ses succès passés. Il gère sa carrière d'une manière redoutablement efficace. La gestion de son patrimoine est moderne, il ne souffre d'aucune faiblesse. Artiste, il est en même temps homme d'affaires, ce qui manque à beaucoup d'artistes tunisiens. Il ne suffit pas que l'artiste organise des expositions, il exige d'accompagner ses manifestations par un plan d'affaires réunissant des sponsors et organisant des rencontres semi- mondaines ou même s'il le faut, réaliser des performances où son propre corps, body art oblige, devient l'objet d'une gesticulation effrénée et peut être d'une dance totémique. Tout concourt à la création, à la provocation : le corps, la surface de la toile peuvent devenir le lien privilégié d'une manifestation chromatique. Harbaoui et le joli : Le spectateur ne trouve rien à redire cependant à la hardiesse relative des poses suggestives. Les silhouettes des femmes étendues se citent quelques relents d'érotisme certes, tout en restant à la limite de l' « acceptable » pour un œil sévère. Harbaoui fait attention de ne pas dépasser la ligne rouge. Une sorte d'autocensure s'installe. Là, la joliesse prend le relais pour couvrir la suggestion et atténuer l'effet de la provocation. La peinture de Harbaoui recherche intensément l'effet du joli. Un véritable spectacle d'effets, d'aplats continus, sans consistance, sans volume aménagé à travers les plages lumineuses ou à travers des surfaces claires qui n'arrivent pas à créer le paradoxe ou même la protubérance. Pas de volume, tant les couleurs sont fluides ! La lumière les pénètre sans rencontrer de résistance pour s'y accrocher ou s'y cramponner. Tout est fluide sans problèmes, tout est joli sans drame. La forme est celle qui donne le sens à l'art, la forme est légère, éthérée. Le sens aussi. Somme-nous en train de revivre la restauration de cette peinture de l'anhistoricité où tout est beau et tout est gentil. Si Harbaoui maintient le cap du joli, du beau sans fioriture, il risque de ne plus rencontrer qu'un écho sans consistance. La peinture de Harbaoui est charmante. Refai Karima