Dans le cadre de l'assainissement du secteur judiciaire dans toutes ses composantes, des deux côtés de la barre, un projet a été élaboré et présenté à la Constituante par dix constituants du CPR. Ce projet prévoit la création d'une commission de 11 membres chargée d'examiner les dossiers de corruption, aussi bien au sein de la magistrature qu'au sein du barreau. Ses membres seront élus par l'ANC, à la majorité absolue. Toutefois ce projet a été contesté, aussi bien par les gens de la profession, que par les ministres de la Justice et des Droits de l'Homme, et ce pour des raisons de forme et de fond. Une commission de reddition des comptes Ce projet entre dans le cadre de la Justice transitionnelle, soit en d'autres termes, la réforme du secteur judiciaire, et c'est la raison pour laquelle on parle d'assainissement afin de repartir sur de meilleures bases. Dans cette optique, il importe de prendre en compte tous les éléments qui ont nui à la bonne marche de la Justice, et la corruption est un élément parmi tant d'autres. C'est la raison pour laquelle, le ministre des droits de l'Homme ainsi que certains observateurs appartenant au domaine, estiment que ladite commission qui aura un pouvoir absolu, et qui sera composée de juristes, de magistrats et d'avocats, serait portée dans sa tâche vers un côté de reddition de comptes plutôt que vers une réforme globale. En effet, la corruption a été encouragée par le joug qu'avait l'exécutif sur la Justice, et les multiples interventions de celui-ci dans les décisions judiciaires, notamment dans des affaires bien déterminées. Cette mainmise, engendrait un certain « laisser faire » pour les magistrats corrompus, lesquels voyaient en cela la contre partie légitime, pour les « services rendus » à l'exécutif durant l'ancien régime. C'est cette interférence entre la corruption, de certains magistrats, et l'indépendance de la Justice dans toutes ses composantes qu'il faut prendre en considération. Ingérence dans les affaires de la magistrature et du Barreau Le ministre de la Justice estime de son côté, d'une part que la corruption n'est pas propre au domaine de la Justice, s'étant propagée à toutes les institutions de l'Etat, et d'autre part et de toutes les façons, « l'Etat ne peut s'ingérer dans les affaires du Barreau et assainir une profession libérale relevant uniquement de l'Ordre National des avocats ». Pour sa part l'Ordre des avocats estime, selon le communiqué paru dernièrement à sujet, que cette commission qui aura les pleins pouvoirs, «s'empare du rôle naturel et historique de la magistrature et des structures d'avocat, en tant que profession libre et indépendante. » Rupture avec les pratiques du passé Dans le cadre de la justice transitionnelle, il importe de rompre totalement avec toutes les pratiques de l'ancien régime y compris celles consistant à procéder à des règlements de compte, au lieu d'œuvrer à éradiquer le mal par la racine. Parmi ces pratiques, il y a la corruption, mais il y a également des abus de tout genre, qui ont nui au citoyen Lambda, lequel ne demande qu'à être rétabli dans ses droits. Le droit à la vie, à la liberté d'opinion et d'expression, sans abus ni excès de toute part. Dans l'ancien régime, les juges ainsi que les avocats n'étaient pas tous corrompus. Certains avaient même payé cher d'avoir défendu les causes justes, ou tranché dans le sens de l'équité en essayant d'appliquer la loi à bon escient. Le mal qui a nui au secteur de la Justice, était dû notamment à cette absence d'indépendance, faisant de certains magistrats « des hommes de mains » de l'exécutif. Cette situation a duré près d'une cinquantaine d'années, au détriment du citoyen et des magistrats honnêtes, lesquels constituent une bonne majorité, parmi la profession. Cet état de fait a engendré non seulement la corruption, mais également un certain pouvoir dont étaient dotés certains juges qui pendant longtemps avaient fait la pluie et le beau temps, commettant de ce fait toutes sortes d'abus, avec la bénédiction de l'exécutif. C'est avec toutes ces pratiques qu'il faut rompre totalement, pour mieux consolider la justice transitionnelle. C'est la raison pour laquelle il faut prendre en considération tous ces facteurs avec objectivité, en se gardant, comme l'a souligné l'Ordre des avocats dans son même communiqué, de tomber dans l'instrumentalisation à des fins politiques partisanes ou dans un populisme qui ne sert en rien le processus de la transition démocratique.