On ne saurait trop dire si Ennahdha sort renforcée de la « crise-Jebali » ou plutôt affaiblie. Que Jebali, aux yeux de ses caciques, se fût rendu coupable de parjure, de déni idéologique et de rapprochement aux thèses de Béji Caïd Essebsi, cela fera palabrer encore pour un bout de temps. Ce qui est sûr c'est que s'il n'y a pas parjure, Hamadi Jebali aura quand même eu une initiative sans doute à son crédit d'homme d'Etat mais pas forcément à son honneur en tant que nahdhaoui. L'étau se resserrait en effet autour de lui et on a vu comment la machine du « Majless Choura » l'a broyé et comment, pour la deuxième fois dans leur combat commun Rached Ghnnouchi l'a lâché : la première fois dans la féroce répression de Ben Ali ; la seconde, ces jours-ci, dans la non moins féroce vindicte nahdaouie. Ce sont autant de leçons à retenir. Et en premier par son successeur. Notons d'abord qu'au-delà du combat commun, au delà des geôles, au-delà de l'islamisme résolu qui les habite l'un et l'autre, entre Jebali et Laârayedh, il existe de sérieuses affinités électives. Cela n'a jamais été au goût de l'aile, fondamentaliste de leur parti. Car bon nombre parmi les personnalités qui y sont incluses, ressentent la légitimité de Jebali, Laârayedh, Samir Dilou lui-même comme une fronde, une méprise même contre leur absence au moment où ceux-ci étaient persécutés par la dictature. On en arrive dès lors à cette première déduction : Ali Laârayedh en tirera la leçon et ne se laissera pas manipuler. La deuxième tient à ceci : les décideurs d'Ennahdha ne l'ont pas choisi, tous à l'unanimité. On lui préférait même Noureddine Bhiri, ou Abdellatif Mekki, sinon Mohamed Ben Salem. Si son nom a finalement été retenu c'est parce que Laârayedh, critiqué dans son ministère, s'attèlera à trouver un consensus sans imiter Jebali, mais sans s'en éloigner non plus. Il a donc déjà le couteau sous la gorge. Cela dit, attendons de voir quel gouvernement formera Laârayedh. Tout tourne bien sûr autour des ministères de souveraineté. Ce serait naïf que de croire qu'Ennahdha y renoncera. Cela fait que Laârayedh pourra aussi s'entendre dire : « tu choisiras les ministres ( régaliens) que tu voudras pourvu qu'ils soient des nôtres ». Avec un tel scénario on ne sera pas sortis de l'auberge.