«Négliger cet évènement national porte atteinte à la mémoire collective des Tunisiens», déplore Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du Travail Patriotique et Démocratique «Cela reflète toute une stratégie tenant à démanteler l'Etat et l'appareil administratif», affirme Faouzi Charfi,dirigeant à Al-Massar «Une attitude répréhensible qui rappelle celle de la dictature», déclare Mehdi Ben Gharbia, dirigeant à l'Alliance démocratique Les villes et villages tunisiens se sont réveillés, comme si de rien n'était hier en ce jour anniversaire sans le moindre signe marquant un évènement solennel, celui du 20 mars 1956, jour glorieux de l'indépendance du pays acquise de haute lutte. Aucun drapeau pavoisant les artères des villes, comme s'il s'agissait d'un dimanche ordinaire, c'est tout juste à peine un jour chômé parmi tant d'autres. Est-ce que l'histoire du mouvement de libération nationale, ne mérite pas d'être célébrée, du moins en reconnaissance aux martyrs tombés sur le champ d'honneur ? Doit-on se contenter de célébrer les fêtes qui intéressent la Troïka au pouvoir et principalement le parti islamiste Ennahdha ? Issam Chebbi porte-parole du parti Al-Joumhouri avait dénoncé que les pouvoirs publics ne célèbrent pas cette fête. Faouzi Charfi, dirigeant à Al-Massar déclare au Temps, que « le fait d'oublier cette fête est regrettable comme comportement. Nous le dénonçons parce qu'il met en doute les fondamentaux de l'Etat tunisien. Ce n'est pas la seule fête qu'on cherche à ignorer. Il en est de même pour la fête de la République et des martyrs. On dirait qu'elles sont des dates étrangères aux hommes du pouvoir. Il y a une volonté de vouloir effacer un pan de l'histoire. La fête de l'Indépendance est très importante. On veut dévaloriser cette date pour les Tunisiens qui ont moins de 57 ans. C'est tout à fait immoral et irresponsable. Le pays se prévale de toute une histoire comportant en son sillage de valeureuses dates marquant l'existence même du pays que l'on ne peut occulter. Un manque manifeste de la notion de l'Etat. Cela fait partie du processus de démantèlement de l'Etat et de l'appareil administratif. Ils veulent nous faire oublier l'histoire. En plus, il y a une tendance à faire oublier la notion de fête, sauf pour les dates qui intéressent la Troïka. Tout ce qui a trait à l'unité nationale est vigoureusement combattu. Ce sont des signes inquiétants. Dans leur esprit il y a La Oumma islamique et nous ne sommes qu'une nébuleuse. Nous considérons que nous appartenons au monde musulman en tant que Nation. A Al-Massar, on trouve que c'est grave. Finalement, il ne restera que les deux Aïds et la fête de l'Hégire. Toutes les dates fondatrices de l'Etat tunisien sont battues en brèche. Dans cette logique, il est possible que le jour férié soit supprimé. On est en train de toucher au plus fort du lien national ». Abderrazak Hammami, secrétaire général du Parti du Travail Patriotique et Démocratique affirme au Temps que « la non célébration de la fête de l'indépendance est une position claire des gens au pouvoir qui considèrent que cette date n'a pas une grande importance pour eux, si elle n'est pas considérée comme insignifiante. Au contraire cette date est très importante. Elle marque le passage de la Tunisie du statut de pays colonisé à une autre situation, en dépit des divergences concernant le degré d'indépendance. Que la France ait accepté l'indépendance de la Tunisie n'est pas une mince affaire, même si certains pensent que cette indépendance n'est pas totale. L'évènement, quel que soit le bilan, est très important. Il est le résultat d'un long militantisme d'un peuple sous une direction patriotique, en dépit des désaccords sur les tactiques à suivre. Le 20 mars, marque la victoire du peuple tunisien contre le colonialisme. Ceux qui ont participé à ce combat ont le droit de célébrer ce souvenir. Négliger l'évènement est une atteinte à la mémoire collective des Tunisiens. Ceux qui critiquaient cet évènement ou le minimisaient auraient pu exprimer leur opinion en cherchant à finaliser ce qui n'a pas été fait. Supprimer cette date de la mémoire est inadmissible. Nous appelons tous les Tunisiens à revoir cette position, pour hisser le pays au niveau de la souveraineté qui ne peut être minimisée ni politiquement, ni économiquement ». Mehdi Ben Gharbia, dirigeant à l'Alliance Démocratique, déplore dans une déclaration au Temps, que « les artères des villes et villages du pays ne soient pas décorées par le drapeau national. Un enfant circulant en ville ne se serait pas rendu compte qu'il s'agirait d'une fête nationale. Si c'était un jour de visite du président du Zimbabway, les drapeaux auraient été hissés. Il y a une tendance claire à vouloir faire oublier aux Tunisiens leur histoire et qu'ils ont un Etat national. Cet « oubli » est une attitude répréhensible qui rappelle celle de la dictature avec ceux qui ne partagent pas les mêmes points de vue ».