Ca pousse encore et encore. Le sit-in devant le ministère de l'intérieur tous les mercredis a pris un nouveau virage depuis trois semaines, il a pris l'allure d'une marche entre ce ministère et le théâtre municipal. Cette semaine, le nombre a pris de la dimension en raison de la concomitance de cette manifestation et de la grève des enseignants de l'enseignement secondaire venus massivement soutenir ce mouvement de protestation depuis la place Mohamed Ali où ils ont tenu leur meeting. Hier, les voix grognantes résonnaient dans l'avenue Habib Bourguiba pour dénoncer et réclamer le jugement des assassins de Chokri Belaïd, car, dorénavant, ils disposent de preuves tangibles, des arguments assez solides, d'après le secrétaire général du PUPD, qui en a fait la révélation dans un speech enflammé devant la foule très enthousiasmée et à assoiffée de vérité. Zied Lakhdar (secrétaire général du PUPD): après la condamnation morale et politique de Ennahdha, nous nous acheminons vers sa condamnation pénale « On affirme que les éléments impliqués dans l'assassinat de Chokri Belaïd se trouvent en Libye. L'un parmi eux était arrêté au ministère de l'Intérieur pendant quinze jours, puis on l'a relâché et l'aidé à s'enfuir vers la Libye. Et le numéro de téléphone d'un autre élément du même groupe a été présenté au juge d'instruction qui a déclaré qu'il serait arrêté dans les prochains jours, mais il était relâché et s'est enfui vers la Libye exactement comme le premier. Il est à rappeler que l'ambassadeur de Tunisie dans ce pays, et qui est partisan de Ennahdha, est connu pour son ancienne appartenance au groupe sécuritaire. D'autre part, le témoignage de Mr Fathi Dammak révèle un autre nom figurant sur la liste des accusés de l'assassinat, celui de Kamel El Aifi, un responsable au Mouvement Ennahdha, dont le témoin a établi le lien avec les deux éléments suscités appartenant à ce qu'on appelle « Ligues de protection de la révolution et qu'on a fait sortir du pays, chose dont nous sommes, fermement, persuadés. Nous réclamons, donc, la comparution de Aifi, dont le rapport avec le dossier de Chokri Belaïd n'est plus à prouver, devant le juge d'instruction. Tous ces nouveaux éléments nous rapprochent du parti politique qu'on a, déjà, dénoncé aussi bien moralement que politiquement, et nous nous acheminons vers sa condamnation pénale. Nous avons, depuis le déclenchement des instructions, exprimé des doutes, et voilà que ces doutes se confirment, on voit bien comment on joue avec les données, comment on gagne du temps en vue d'occulter les preuves du crime et comment on met à l'abri les criminels et puis on les fait sortir du territoire national. Jamais on ne s'assoit à la même table pour un dialogue national avec ceux qui sont soupçonnés d'avoir assassiné notre camarade Chokri Belaïd. On réclame, solennellement, leur condamnation. » Nizar Senoussi (porte-parole du comité de défense) : l'organe exécutif continue d'intervenir d'une manière ou d'une autre dans l'investigation « L'espoir dans le dénouement de l'affaire dépend de la manière de traiter le dossier de la part des organes judiciaire et exécutif, mais les indices sont, malheureusement, négatifs. J'ai personnellement, déclaré que la publication des photos des inculpés était quelque chose de positif en dépit du temps énorme qu'on a pris pour le faire, et j'ai précisé qu'on valorisait chaque nouveau pas susceptible de nous éclairer et de découvrir la vérité. Toutefois, quand il devient presque certain que certains parmi les soupçonnés ont quitté le pays, nous ne pouvons nous empêcher d'exprimer nos soupçons et de poser mille et une questions. Le contenu du dossier n'est pas encourageant du tout, on sent qu'il n'y a pas un approfondissement sérieux de l'enquête en vue de dévoiler les nombreux secrets qui entourent l'affaire et que l'organe exécutif continue à y intervenir d'une manière ou d'une autre. Cela est perceptible au niveau du caractère superficiel des procès verbaux d'instruction, en particulier ceux réalisés auprès de Mr le juge d'instruction, qui sont de simples PV d'audition, c'est-à-dire qu'on ne fait ni d'effort dans l'interrogatoire quant à la manière de poser et de reposer les questions, ni n'ordonne de confrontations qui auraient dû être organisées entre les différentes personnes soupçonnées, il s'agit là de procédés qui relèvent du volet technique et professionnel. D'autre part, la donnée relative au dossier technique est encore absente, étant donné qu'il manque le rapport balistique et les enregistrements vidéo dont nous attendons, toujours, d'entrer en possession. Devant cette situation, l'option de s'adresser aux instances internationales reste ouverte et tributaire de la manière dont on va traiter le dossier sur le plan local. La famille et le parti du martyr ont annoncé le déclenchement du processus avec le premier pas pris dans ce sens: ils vont saisir le Haut Commissariat des Droits de l'Homme, ce qui est un pas politique. Quant au recours aux autres instances internationales, il dépendra de l'issue de l'investigation. »